moyennepour rentrer Ă  la sorbonne mĂ©decinecontrat location lieu de tournage. Https 0860791t Index Ă©ducation Net Pronote Login True; Soudan France Diplomatie; Maison En Kit Bois; ŰŻŰčۧۥ ŰŁÙˆŰ§ŰźŰ± ŰłÙˆŰ±Ű© Ű§Ù„Ű­ŰŽŰ± ; Commando Montfort Devise; Binance Adresse SiĂšge Social; Jacques Pradel Femme; Comment Ouvrir Une Voiture CentralisĂ© Sans Batterie Enmoyenne, au cours des derniĂšres annĂ©es, 180 000 personnes par an entrent en France avec un visa de longue durĂ©e. La date Ă  laquelle ils entrent n’est pas forcĂ©ment la date Ă  laquelle ils obtiennent leur visa ; nĂ©anmoins, l’obtention de ce visa leur donne le statut de migrant « longue durĂ©e ». Sur ces 180 000 personnes, il y a LeslycĂ©ens et Ă©tudiants en rĂ©orientation pourront, dĂšs le 22 janvier, postuler sur Parcoursup, qui remplace APB. Voici les compĂ©tences attendues pour entrer en licence de droit. LIAE Paris-Sorbonne met tout en Ɠuvre pour favoriser la recherche de missions pour ses alternants. Outre le Forum de recrutement des apprentis organisĂ© chaque annĂ©e en juin, nous vous accompagnons en diffusant largement vos CV Ă  nos entreprises partenaires et en vous envoyant rĂ©guliĂšrement les offres de nos partenaires. LadurĂ©e des Ă©tudes de chirurgie dentaire (ou mĂ©decine dentaire) en France est de 6 ans. Par contre, il faut compter 9 ans pour ceux qui veulent se spĂ©cialiser davantage (par exemple en orthodontie). Les Ă©tudes en chirurgie dentaire en France commencent avec le PACES. En moyenne, 30% des Ă©tudiants sont reçus aprĂšs le concours. Bonjour je suis en Tle GĂ©nĂ©rale (spĂ© SES/HLP), option Droit. J'ai postulĂ© dans 9 facs de droit en France hexagonale, cependant je ne suis dans aucun des secteur gĂ©ographique ( du Ă  mon dĂ©mĂ©nagement en Guadeloupe). Mes notes en spĂ© sont de 12.3 et 14.5; en droit j'ai 17.8 et ma moyenne gĂ©nĂ©rale est de 14. prĂ©pachaptal moyenne pour y rentrera la petite alsace wintzenheim · May 31, 2022. prĂ©pa chaptal moyenne pour y rentrer. by · 0 QA2ESAd. Bonjour tout le monde, AprĂšs avoir redoublĂ© ma L1 mais ma moyenne gĂ©nĂ©rale n'ayant que progressĂ© Ă  chaque semestre maintenant Ă  11,60 dernier semestre de L2, je suis en L3, et sans jamais ĂȘtre passĂ©e aux rattrapages, puis-je espĂ©rer obtenir un master l'an prochain? J'ai entendu beaucoup de personnes dire qu'en master ne sont pris que les dossiers ayant 13/14/15 de moyenne gĂ©nĂ©rale, et qu'il ne faut pas espĂ©rer grand chose avec des moyennes en dessous de 12. Ayant Ă©tĂ© traumatisĂ©e par l'Ă©chec de ma L1 j'avais fait une grosse depression mais je me suis reprise en main par la suite, mĂȘme si aujourd'hui je ressens encore cette incapacitĂ© Ă  ĂȘtre "assez" dans tous les domaines vie familiale, notes et j'ai toujours eu ce sentiment de ne pas ĂȘtre assez bonne, je ne sais pas comment gagner en confiance en moi quand je vois les autres Ă©tudiants presque rire de leurs annĂ©es et mettre en avant leurs bonne note Ă  tout moment... Pouvez-vous m'apporter des conseils ou expĂ©riences s'il vous plaĂźt? Je ne demande que ça, je ne connais pas grand monde et un message ou deux serait dĂ©jĂ  Ă©norme. Merci d'avance Ă  tous ceux qui prendront le temps de lire mon message et d'y rĂ©pondre. DerniĂšre modification 01/07/2021 - par Isidore Beautrelet Je rejoins en tout point l'analyse d'Isidore tout dĂ©pend aussi du M2 que vous visez, certains comme le Notariat, droit des affaires sont extrĂȘmement sĂ©lectifs. A titre personnel je visais un M2 en droit Notarial, j'ai fait toutes mes Ă©tudes Ă  Bordeaux IV , 11 en licence et 14,2 en M1 droit notarial cela n'a pas suffi pour intĂšgrer un M2 droit notarial je me suis tournĂ© vers les M2 en gestion du patrimoine et immobilier ou j'ai Ă©tĂ© acceptĂ© l'Ă©tĂ© dernier dans de nombreux M2 dont certains trĂšs prestigieux, il faut multiplier les stages les expĂ©riences professionnelles et faire un bon M1 et tout ira bien ne vous inquiĂ©tez pas. Avec la sĂ©lection en Master I ce qui n'Ă©tait pas le cas au moment ou j'ai candidate la L3 est essentiel, nĂ©anmoins la L2 est une annĂ©e trĂšs difficile la plus dure selon moi, donc donner tout maintenant pour intĂ©grer la formation de votre choix . Bonjour ! Je rejoins tout ce qui a Ă©tĂ© dit au-dessus. Une moyenne infĂ©rieure Ă  12 pourra effectivement d'empĂȘcher d'accĂ©der aux masters les plus sĂ©lectifs mais tous ne te fermeront pas leurs portes pour autant. Chaque directeur de master a ses critĂšres et les notes, si elles sont Ă©videmment importantes, ne sont pas leur seul critĂšre. Les stages, le choix de tes options, les Ă©ventuels DU, les emplois que tu as pu occuper etc. peuvent te donner une image trĂšs dynamique qui incitera les directeurs de master Ă  t'accepter toi plutĂŽt que quelqu'un qui a certes une moyenne supĂ©rieure mais qui n'a rien fait d'autre » Ă  cĂŽtĂ©. Il n'est pas rare de voir des tĂ©moignages de personnes ayant eu plus de 13 de moyenne ĂȘtre pourtant refusĂ© dans un master au profit de quelqu'un avec une moyenne moins bonne mais qui a fait des stages, qui a pris des options plus en adĂ©quation avec le master et j'en passe. Par ailleurs, la lettre de motivation peut jouer beaucoup en fonction du directeur de master. La doyenne de ma fac nous avait dit que la raison pour laquelle certains Ă©tudiants ne sont pas pris en master c'est qu'ils candidatent Ă  seulement un ou deux en se disant que puisqu'on n'est pas une fac rĂ©putĂ©e » ils seront pris d'office. C'est une grave erreur. Je rejoins complĂštement Isidore, il vaut mieux multiplier ses candidatures pour multiplier ses chances. Il pourrait aussi ĂȘtre intĂ©ressant de vous rapprocher des directeurs de master que vous connaissez dĂ©jĂ  pour leur demander s'ils ont des critĂšres particuliers, ce qu'ils souhaitent voir mis en avant etc. afin d'en savoir plus sur leurs attentes. Je sais que dans ma fac, ils ont Ă©tĂ© trĂšs ouverts Ă  ce sujet si on venait leur poser des questions. S'ils vous rĂ©pondent, vous saurez comment construire votre candidature si ce master vous intĂ©resse ou comment amĂ©liorer les points qui pourraient vous faire dĂ©faut et en plus, ça permettra dĂ©jĂ  au directeur de master de voir que vous ĂȘtes intĂ©ressĂ©e. Ca peut avoir l'air de rien mais c'est dĂ©jĂ  un petit quelque chose qui pourrait vous mettre en avant. De plus, vous avez encore votre annĂ©e de L3 pour monter votre moyenne et montrer que vous ĂȘtes en constante progression ! Accrochez vous, n'Ă©coutez pas les bruits de couloirs non fondĂ©s et faites de votre mieux, je suis sĂ»re que vous pourrez intĂ©grer un master qui vous plaira beaucoup ! DerniĂšre modification 17/11/2020 - par Julilie Que ce soit Licence ou Master, dans tous les cas il faut travailler sans jamais rien lĂącher ! et oui je rejoins Jujulie lĂ -dessus, vous ĂȘtes visiblement en constante progression. Donc tentez le master, vous n'avez rien Ă  perdre. Bonne continuation Ă  vous. Bonjour Ă  tous, je vous Ă©cris avec beaucoup d'angoisse et presque en pleurs. En effet je viens d'ĂȘtre diplĂŽmĂ©e d'une licence droit privĂ© Ă  Lyon 2 avec 12,098 de moyenne. Malheureusement mes prĂ©cĂ©dentes annĂ©es ont Ă©tĂ© trĂšs juste en terme de notes en L1 j'ai obtenu avec 10,109 et ma L2 j'Ă©tais malade au premier semestre donc 9,463 et j'ai repris le taureau par les cornes et j'ai obtenu 12,1 en semestre 4. mes notes sont trĂšs justes pourtant ma dĂ©termination est rĂ©elle et prĂ©sente. ma fac a refusĂ© de m'admettre en master 1 droit des affaires pour mes notes justes. et les autres facs m'ont refusĂ© pour manque de places. Je ne sais pas quoi faire aujourd'hui parce que mon projet professionnel est trĂšs grand et je me suis tellement battue au point de trouver un stage en droit des sociĂ©tĂ©s, ou je suis actuellement J'ai beaucoup progressĂ© j'ai fait beaucoup d'efforts et tous mes chargĂ©s de TD Ă  qui je notifie le refus sont Ă©tonnĂ©s car ils connaissent tous ma passion pour le droit et mon caractĂšre. Ca me fait beaucoup de peines de me retrouver ds cette situation. J'ai candidater dans d'autres facs Ă  Paris Ă  Montpellier. Mais je n'ai pas candidater ds toute la france parce que j'espĂ©rais ĂȘtre prise par ma fac actuelle. Des Ă©coles de commerce ont acceptĂ© mon dossier notamment ESLCA BUSINESS SCHOOL et ESG BUSINESS SCHOOL, ils m'ont justement retenu pour mon projet professionnel est vraiment intĂ©ressant et extrĂȘmement dynamique pour un jeune de mon Ăąge. Mais je place les Ă©coles prives en dernier ressort. Que puis-je faire aujourd'hui ? y ' a t il des personnes qui ont eu la mĂȘme situation que moi? Bonjour, J'ai toujours Ă©tĂ© un dossier plutĂŽt moyen, j'ai Ă©galement redoublĂ© ma L1 et cela a Ă©tĂ© trĂšs dur de faire face Ă  l'Ă©chec. Je valide ma licence droit privĂ© avec environ 12 de moyenne aujourd'hui, et pareil je pensais me retrouver sans master car des dossiers Ă  12 il y en a plein... Pourtant aujourd'hui j'ai reçu 2 avis favorables pour des master d'Ă  peine 20 places Ă  Strasbourg et Lille ! Donc c'est tout Ă  fait possible de trouver un master. Je pense que ce qui a pu faire pencher la balance en ma faveur, ce sont les stages, les engagements associatifs et la chose la plus importante La lettre de motivation, Ă  ne surtout pas nĂ©gliger et Ă  rĂ©diger bien en amont, afin de la corriger ainsi que la faire relire Ă  son entourage. Il faut que tu y dĂ©crives les matiĂšres qui t'ont plu, ton projet professionnel et faire en sorte de montrer une cohĂ©rence entre la formation dĂ©sirĂ©e, ton parcours, ta personnalitĂ© et tes projets. Egalement il faut candidater Ă  beaucoup de formations, j'ai essuyĂ© un nombre important de refus ces derniĂšres semaines et j'avais perdu tout espoir. La sĂ©lection est vraiment surprenante, il y a de belles surprises Ă  la clĂ©. De plus, le redoublement en L1 est plus que courant, je ne pense pas que ce soit un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant pour les directeurs de master, ou alors pour des master trĂšs sĂ©lectifs. Et comme tu le mentionnes ta moyenne n'a fait que progresser donc il y a du positif ! Dans certaines de mes lettres de motivation, j'avais mentionnĂ© mon redoublement et ce qu'il m'avait apportĂ© DĂ©termination, motivation... Essaie de faire des stages, t'engager dans une asso si tu as le temps, passer des certifications j'ai par exemple passĂ© le TOEIC ainsi qu'une autre certification en anglais pour me dĂ©marquer. Donc ne dĂ©sespĂšre pas car c'est possible !!! Je t'envoie tout mon courage et mon soutien ! Dite moi est ce que je peux prĂ©tendre aux Masters de droit avec une licence de droit science politique valider Ă  un DU de droit asiatique Ă  avoir passer le toeic et l'avoir obtenu Ă  805 et avoir travaillĂ© tout le long de ma l2 Ă  ma l3 ou c'est complĂštement mort? Bonjour, Pour en rassurer quelques uns, sachez que mon dossier n'est pas le meilleur. Chaque annĂ©e j'ai validĂ© avec grand maximum, un redoublement de premiĂšre annĂ©e. Pas vraiment d'expĂ©riences professionnelles ou associatives. Un unique stage L3 en Cour d'appel. Cependant, une lettre de motivation travaillĂ©e pendant plus d'un mois. Une lettre unique en son genre, Ă  coeur ouvert. Une lettre qui donne envie de lire et de vous donner une chance Ă  VOUS. Soyez sincĂšres, conscients de vos difficultĂ©s, mais ces derniĂšres ne sont pas insurmontables. Un projet professionnel cohĂ©rent, et parlez de vous, dĂ©marquez vous. Comme il Ă©tĂ© trĂšs justement dit plus haut, la sĂ©lection peut offrir de belles surprises. Les responsables de Master se penchent certes sur les notes, mais le reste n'est pas Ă  ignorer. Je pense trĂšs sincĂšrement qu'une bonne lettre de motivation peut faire la diffĂ©rence. J'ai Ă©tĂ© acceptĂ©e aprĂšs 14 refus, en droit pĂ©nal Ă  Toulouse. J'avais candidatĂ© sans y croire car mon dossier n'est pas exceptionnel. Mais personne ne sait ce qu'il se passe dans la tĂȘte d'un responsable de Master. Ne dĂ©sespĂ©rez pas, il faut toujours y croire. Bon courage Ă  tous ! Bonsoir, Je suis une Ă©tudiante en L3 de sciences pour la santĂ©. Je vais aller Ă  l'essentiel. J'ai rĂ©ussi mon S5 de L3 avec 11,14 mais mon S6 est une catastrophe je suis encore en pĂ©riode d'examen. Un proche de la famille est dĂ©cĂ©dĂ©e au dĂ©but de mon S6 et cela m'a beaucoup affectĂ©. J'ai affrontĂ© pour la premiĂšre fois le deuil j'ai dĂ©veloppĂ© une fatigue chronique, un Ă©tat dĂ©pressif, sans compter que j'ai aussi eu pour la premiĂšre fois le covid. J'ai ratĂ© mes partiels et que je suis en train de rater mes examens terminaux. Depuis je dĂ©sespĂšre, je suis déçu de moi mĂȘme et triste j'ai l'impression d'avoir ratĂ© ma vie et que je n'aurai aucune chance pour les masters. Je sais que c'est un forum de droit mais je n'ai pas trouvĂ© de forum spĂ©cial science pour la santĂ©. S'il vous plaĂźt pouvez-vous m'aider ou me conseiller. Bonjour Tout d'abord, je vous adresse mes sincĂšres condolĂ©ances je suis déçu de moi mĂȘme et triste j'ai l'impression d'avoir ratĂ© ma vie et que je n'aurai aucune chance pour les masters Si vous avez vraiment fait un second semestre catastrophique, vous allez sans doute redoubler. Or, il faut ne pas voir le redoublement comme un Ă©chec mais comme un nouvelle chance de faire votre second semestre dans des conditions plus sereines. Je ne sais pas comment ça fonctionne en science de la santĂ©, mais en droit le fait d'avoir Ă©tĂ© redoublant n'est pas vraiment un obstacle pour la sĂ©lection Master. Les jury prĂ©fĂ©rant regarder les bulletins de l'annĂ©e en cours. Profiter des futures vacances pour vous reposer et revenez en forme la rentrĂ©e prochaine.. DerniĂšre modification 09/04/2022 - par Isidore Beautrelet __________________________ Charte du forum Attendus filiĂšre droit Les Ă©tudes de droit, c'est quoi ? MĂ©thodologies MĂ©thodes de travail Sites utiles pour vos Ă©tudes Logement Ă©tudiant Job Ă©tudiant Études Ă  distance AnnĂ©e de cĂ©sure Service civique Bonjour Merci de votre rĂ©ponse pour le moment je n'ai pas de rĂ©sultat mais je suppose que j'irai au rattrapage. Pensez-vous que le rattrapage diminue nos chance d'avoir un master ? Kamusari, alors j'ai hĂąte de lire votre lettre de motivation. Ne manquez aucune information concours en nous suivant au quotidien sur notre compte Instagram Les chiffres officiels de la BCE et d’ECRICOME pour le concours 2021 viennent de tomber ! Nous allons vous expliquer de maniĂšre dĂ©taillĂ©e l’évolution du nombre de candidats, du nombre de places, les tendances qui se dĂ©gagent des deux banques d’épreuves dans le but de vous Ă©claircir davantage sur tous les enjeux prĂ©sents pour les semaines Ă  venir. Toutes ces donnĂ©es seront ainsi analysĂ©es de sorte Ă  vous expliquer ce que signifient ces chiffres qui peuvent paraĂźtre quelque peu abstraits. Concours BCE 2021 une diminution significative du nombre d’inscrits La BCE signe une baisse de 1,6% pour cette annĂ©e 2021, ce qui est nettement supĂ©rieur aux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela le double confinement pour les Ă©tudiants de deuxiĂšme et troisiĂšme annĂ©e de prĂ©pas, qui ont peut ĂȘtre abandonnĂ© la classe prĂ©paratoire; l’incertitude ou la peur liĂ©e au coronavirus; le problĂšme croissant liĂ© au financement des Grandes Ecoles; la diminution du nombre de candidats marocains due au changement des modalitĂ©s pour les prĂ©pas ECT etc. Mais toutes les Ă©coles ne sont pas impactĂ©es de maniĂšre similaire Ă  cette diminution. C’est en effet les Ă©coles du TOP 10 qui connaissent une baisse importante du nombre d’inscrits -6,1% pour Audencia, pour l’EDHEC, pour emlyon, -2,5% pour l’ESCP, -1,3% du cĂŽtĂ© de l’ESSEC, -6,0% pour Grenoble EM, -3,4% pour TBS ou encore -1,9% HEC Paris. SKEMA est en effet la seule Ă©cole Ă  ne pas diminuer son nombre d’inscrits avec une augmentation de 55 candidats par rapport Ă  l’an passĂ©. ICN rĂ©alise une excellente opĂ©ration avec une croissance Ă  deux chiffres de 23,1% et une augmentation de plus de 500 candidats, confirmant ainsi ses chiffres de croissance de sĂ©lectivitĂ©. ISC Paris et INSEEC signent une belle augmentation de Il en est de mĂȘme pour SCBS, l’EM Normandie ou MBS qui augmentent respectivement de 2,2% , 1,1% et 0,7% Une diminution est cependant prĂ©sente du cĂŽtĂ© de deux des trois Ă©coles associĂ©es Ă  savoir l’ESM Saint-Cyr, l’ENS Paris-Saclay, lĂ  oĂč l’ENSAE a attirĂ© 28 candidats supplĂ©mentaires soit une hausse de 4,7%.Concours ECRICOME 2021 un record en termes d’inscriptionLe concours ECRICOME est la premiĂšre banque d’épreuves Ă  laquelle vous allez ĂȘtre confrontĂ©s en tant que prĂ©parationnaires. Nul doute que cette annĂ©e la concurrence sera plus importante que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes pour les Ă©tudiants issus des filiĂšres ECE, ECS et ECT puisque la banque enregistre un nombre d’inscrits record avec 7 808 candidats, soit une hausse de 0,7%. Dans le mĂȘme temps, les candidats issus de B/L ont augmentĂ© de 2% tandis que ceux issus de BEL A/L et ENS ont diminuĂ© de 62 places. Au total le nombre d’inscrits reste stable avec 8 401 candidatures cette annĂ©e elles s’élevaient Ă  8 405 en 2020. Lire plus Concours ECRICOME 2021, inscriptions et candidatsEn dĂ©finitif, les Ă©coles les plus prĂ©sentĂ©es par les candidats de classe prĂ©paratoire sont celles d’ECRICOME. Ce rĂ©sultat n’est pas Ă©tonnant puisque c’est une banque regroupant 4 Ă©coles du TOP 16 au SIGEM en rĂ©fĂ©rence au classement SIGEM 2019 puisque pour rappel il n’y a pas eu de SIGEM 2020 suite Ă  un commun accord des diffĂ©rentes Ă©coles . Les venues de Rennes SB et de l’EM Strasbourg au sein d’ECRICOME l’an dernier ont permis Ă  cette derniĂšre de gagner davantage en attractivitĂ©. Pour rappel ECRICOME est la premiĂšre banque d’épreuves Ă  laquelle vont ĂȘtre confrontĂ©s les Ă©tudiants de CPGE, se dĂ©roulant du Lundi 19 avril au Mercredi 21 avril du nombre de candidats au concours 2021 ECOLESCANDIDATS 2021CANDIDATS 2020EVOLUTION nombre d’inscritsEVOLUTION % NEOMA Business school 8 4018 405-4-0,04 KEDGE Business School 8 4018 405-4-0,04 Rennes School of Business 8 4018 405-4-0,04 EM Strasbourg Business School 8 4018 405-4-0,04 SKEMA Business School7 9097 85455+0,7 Audencia Business School 7 3317 811-480-6,1 EDHEC Business school 7 2347 448-214-2,9 emlyon business school 7 2017 340-139-1,9 Grenoble Ecole de Management 6 9177 357-440-6,0 ESCP Business School6 0356 187-152-2,5 ESSEC Business School5 8095 887-78-1,3 TBS5 7435 944-201-3,4 HEC Paris 5 2165 319-103-1,9 Montpellier Business School4 4404 427+13+0,3 Burgundy School of Business 2 9353 106-121-3,9 ICN Business School2 9302 38154923,1 IMT Business School2 5902 EM Normandie Business School2 4912 INSEEC Grande Ecole2 4892 401883,7 Excelia Business School2 4452 ISC Paris 2 0381 965733,7 ESC Clermont Business School1 8411 844-3-0,2 South Champagne Business School1 5701 536342,2 Brest Business School 1 5661 621-55-3,4 Comparatif nombre de candidats et places disponibles pour le concours 2021Ce tableau peut certes avoir tendance Ă  vous effrayer car vous voyez un certain dĂ©calage entre le nombre de candidats et le nombre de places disponibles mais cela est tout Ă  fait normal. Il faut en effet prendre en compte les Ă©tudiants qui vont intĂ©grer des Ă©coles supĂ©rieures. Ainsi globalement les 400 premiers au concours – en fonction des coefficients de l’école en question – se dirigeront vers HEC Paris ce qui libĂšre de la place » pour l’ESSEC BS pour les Ă©tudiants qui sont classĂ©s entre la 400Ăšme et 810Ăšme place dans l’hypothĂšse oĂč les Ă©tudiants pris Ă  HEC Ă©taient classĂ©s dans les 810 premiers Ă  l’ESSEC. Car il faut Ă©galement prendre en compte que le classement ne peut se faire de maniĂšre graduelle en additionnant le nombre de places pour calculer le dernier admis. DĂšs lors dire que les 1230 premiers auront une chance d’intĂ©grer l’ESCP BS, que les 1770 premiers l’emlyon bs, les 2 290 premiers l’EDHEC et ainsi de suite, n’est pas pertinent Ă©tant donnĂ© que les coefficients et les Ă©preuves diffĂšrent d’une Ă©cole Ă  l’autre. De la mĂȘme façon, le choix que vous devrez effectuer sur SIGEM peut ne pas correspondre Ă  une logique de classement. C’est d’ailleurs sur ce choix des bi-admis qu’est fondĂ© le classement SIGEM. ECOLESCANDIDATS 2021PLACES DISPONIBLES 2021 NEOMA Business school 8 401690 KEDGE Business School 8 401545 Rennes School of Business 8 401315 EM Strasbourg Business School 8 401230 SKEMA Business School7 909580 Audencia Business School 7 331530 EDHEC Business school 7 234520 emlyon business school 7 201540 Grenoble Ecole de Management 6 917550 ESCP Business School6 035410 ESSEC Business School5 809420 TBS5 743375 HEC Paris 5 216400 Montpellier Business School4 440260 Burgundy School of Business 2 935250 ICN Business School2 930265 IMT Business School2 590180 EM Normandie Business School2 49195 INSEEC Grande Ecole2 489130 Excelia Business School2 445100 ISC Paris 2 038100 ESC Clermont Business School1 84170 South Champagne Business School1 57055 Brest Business School 1 56630 Mais globalement ce qui peut ĂȘtre le cas pour le top 3 ou le top 6 oĂč les choix entre Ă©coles rĂ©pondent assez gĂ©nĂ©ralement Ă  une logique de classement, n’est pas toujours le cas pour les Ă©coles plus les critĂšres des prĂ©parationnaires dans le choix d’écoles De la mĂȘme maniĂšre tous les Ă©tudiants ne passent pas les mĂȘmes Ă©coles hormis pour ECRICOME comme vous avez pu le voir dans le prĂ©cĂ©dent tableau, ce qui signifie que vous n’ĂȘtes pas toujours en concurrence avec les mĂȘmes candidats pour une mĂȘme Ă©cole, vous permettant ainsi d’avoir plus de chances en termes d’intĂ©gration finale. Lire plus La sĂ©lectivitĂ© des Grandes Ă©coles de commerce françaises sur 5 ansIl s’avĂšre ainsi intĂ©ressant d’analyser la sĂ©lectivitĂ© si vous souhaitez avoir une tendance de la probabilitĂ© que vous avez d’intĂ©grer telle ou telle Ă©cole. Cette derniĂšre est Ă©tudiĂ©e en deux temps aux Ă©crits et aux oraux. Vous l’aurez donc compris, l’annulation des oraux lors de la session 2020 rend les chiffres de cette mĂȘme annĂ©e obsolĂšte, il est donc plus pertinent de s’intĂ©resser aux donnĂ©es de 2019, bien plus proche de la rĂ©alitĂ©. DĂšs lors, les barres d’admissibilitĂ© ou d’admission de l’an dernier peuvent servir d’indicateurs, mais au vu de la situation inĂ©dite qui s’est dĂ©roulĂ©e, avec la suppression d’une phase de sĂ©lection les oraux, il ne serait par consĂ©quent pas Ă©tonnant que vous soyez cette annĂ©e confrontĂ©s Ă  une augmentation de la sĂ©lectivitĂ© par rapport Ă  la session prĂ©cĂ©dente. Argument Ă  prendre en demi teinte du fait de l’importante diminution du nombre d’inscrits cette annĂ©e pour les principales Ă©coles du TOP intĂ©gration plus facile en Grande Ecole ? Alors que le nombre de candidats aux diffĂ©rentes Ă©coles est en nette diminution, le nombre de places quant Ă  lui augmente de maniĂšre gĂ©nĂ©rale. Jamais autant de places n’ont Ă©tĂ© disponibles pour les classes prĂ©paratoires, ce qui renforce deux choses les prĂ©pas sont trĂšs apprĂ©ciĂ©s des Grandes Ecoles, chaque Ă©tudiant pourra intĂ©grer une Ă©cole Ă  l’issue de sa prĂ©pa. ÉCOLES NOMBRE DE PLACES DISPONIBLES 2021EVOLUTION PAR RAPPORT À 2020 Audencia Business School530– Brest Business School30– BSB Burgundy School of Business250– EDHEC Business School520– EM Normandie Business School95+5 EM Strasbourg Business School230– emlyon business school540– ESC Clermont Business School70– ESCP Business School410– ESSEC Business School420– Excelia Business School100– Grenoble Ecole de Management550+50 HEC Paris400– ICN Business School265+15 INSEEC Grande Ecole130-10 Institut Mines-TĂ©lĂ©com Business School180– ISC Paris Grande Ecole100-10 KEDGE Business School545– Montpellier Business School260– NEOMA Business School690– Rennes School of Business315+15 SKEMA Business School580+40 South Champagne Business School55– TBS375– Guerre et action humanitaireBrunet JĂ©rĂ©my, Quand la Grande Guerre s’invite Ă  Brive, 1914-1917 histoire de deux hĂŽpitaux de l’arriĂšre, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2014, 514 p., 25 €1Cet ouvrage est issu d’un mĂ©moire de master dirigĂ© par Clotilde Druelle-Korn UniversitĂ© de Limoges, soutenu en 2010 et qui a l’envergure d’une thĂšse nouveau rĂ©gime, fondĂ©e sur une connaissance fine de l’historiographie de la Grande Guerre. L’auteur Ă©tudie l’histoire du dĂ©pĂŽt de blessĂ©s de la caserne Brune utilisĂ© de septembre 1914 Ă  janvier 1915 et de l’hĂŽpital du collĂšge Cabanis de Brive qui prend le relais jusqu’à la fin 1917, accueillant prĂšs de vingt mille patients, Ă  prĂšs de 90 % des fantassins. À travers une approche d’histoire locale, l’auteur met en perspective, d’une façon trĂšs claire et prĂ©cise, l’organisation du dispositif de soins Ă©tablie dans l’urgence au dĂ©but de la guerre et son adaptation au cours du conflit. Cet apport essentiel de l’ouvrage illustre le bon usage que l’on peut faire des dossiers d’archives conservĂ©s au Service des archives mĂ©dicales et hospitaliĂšres des armĂ©es Ă  Limoges. L’étude sĂ©rielle rĂ©alisĂ©e Ă  partir des registres de la statistique et de dossiers conservĂ©s au Val-de-GrĂące est bien Ă©clairĂ©e par la prĂ©sence de nombreux graphiques, cartes et schĂ©mas. 2JĂ©rĂ©my Brunet s’est Ă©galement intĂ©ressĂ© aux consĂ©quences de la prĂ©sence de ces blessĂ©s sur la population civile en Ă©tudiant les sources conservĂ©es sur place presse, archives dĂ©partementales et municipales. Il met en valeur la mobilisation solidaire d’une population qui ressent comme un devoir moral de soutenir ces combattants. Un mouvement de solidaritĂ© se structurant lors des fĂȘtes charitables et patriotiques vient pallier les errements du Service de santĂ© dans les premiers mois de guerre. Cet Ă©lan s’essouffle dans la durĂ©e, tandis que s’effrite le culte du blessĂ© dĂšs lors que se multiplient des cas de simulation de maladies pour demeurer loin des combats. Les signes de lassitude des civils apparaissent dĂšs l’automne 1916 Ă  l’occasion de dĂ©bats concernant le maintien des hĂŽpitaux temporaires, ranimant les querelles religieuses d’avant-guerre. La fragilitĂ© de l’Union sacrĂ©e s’y rĂ©vĂšle. 3L’étude des diagnostics mĂ©dicaux permet de dresser le bilan des effets d’une guerre moderne sur les corps et les esprits broyĂ©s, tout en dĂ©crivant avec prĂ©cision le cheminement des blessĂ©s. Si le propos reste gĂ©nĂ©ral sur certaines pathologies, faute d’élĂ©ments statistiques disponibles, JĂ©rĂ©my Brunet avance des Ă©lĂ©ments intĂ©ressants en particulier sur l’épuisement des combattants. Il montre ainsi que les diagnostics ne cessent de croĂźtre, passant de 4,5 % des entrĂ©es en aoĂ»t 1915 Ă  26 % en fĂ©vrier 1917. Le va-et-vient permanent entre la micro-histoire, l’histoire locale et une approche gĂ©nĂ©rale du conflit et du Service de santĂ© fait de Quand la Grande Guerre s’invite Ă  Brive une Ă©tude fort rĂ©ussie qui donnera bien des clĂ©s de lecture Ă  celles et ceux qui s’intĂ©ressent Ă  la prise en charge des blessĂ©s de la Grande Guerre, du front Ă  l’arriĂšre. 4StĂ©phane TisonFarrĂ© SĂ©bastien, Colis de guerre secours alimentaire et organisations humanitaires 1914-1947, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Histoire », 2014, 284 p., 20 €5Nourri d’une importante bibliographie, principalement en langue anglaise, et fondĂ© sur une recherche en archives aussi bien en Suisse qu’aux États-Unis, l’ouvrage de SĂ©bastien FarrĂ© ne rompt pas complĂštement avec une histoire institutionnelle dont l’auteur cherche Ă  se dĂ©marquer. On y apprendra donc beaucoup sur le ComitĂ© international de la Croix-Rouge, dĂ©jĂ  bien connu par les travaux de François Bugnion et de Jean-Claude Favez notamment, ou sur des organisations comme le Comittee for Relief in Belgium, prĂ©sidĂ© pendant la PremiĂšre Guerre mondiale par le futur prĂ©sident des États-Unis, Herbert Hoover, le ComitĂ© international de coordination pour l’aide Ă  l’Espagne rĂ©publicaine, l’United Nations Relief and Rehabilitation Administration UNRRA ou encore la Cooperative for American Remittances in Europe CARE. 6Cet ouvrage foisonnant traite de nombreux sujets, comme les relations des organisations Ă©tatiques avec les associations privĂ©es, celles du ComitĂ© international de la Croix-Rouge avec les Croix-Rouges nationales ou encore l’internationalisation de l’aide humanitaire avec la crĂ©ation en 1943 de l’UNRRA qui connaĂźtra un bilan en demi-teinte du fait notamment de la lourdeur de ses charges administratives. On en retiendra toutefois deux idĂ©es principales. 7La premiĂšre idĂ©e force est la dimension industrielle que prend la livraison de colis alimentaires dĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale. Rationalisation, taylorisation, standardisation, nationalisation, professionnalisation SĂ©bastien FarrĂ© utilise largement ce registre lexical pour dĂ©crire son objet. En effet, les effectifs explosent 750 employĂ©s au Joint War Comittee Ă  Londres pendant la PremiĂšre Guerre mondiale ; presque 40 000 salariĂ©s Ă  la Croix-Rouge britannique pendant la Seconde alors que le personnel du ComitĂ© international de la Croix-Rouge, dans le mĂȘme temps, passe de 57 Ă  5 000 dont 3 821 salariĂ©s. Les quantitĂ©s distribuĂ©es sont Ă©galement impressionnantes. Elles reprĂ©senteraient par exemple prĂšs de 60 % de la subsistance de certains groupes de prisonniers de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale. Se dĂ©veloppe ainsi une vĂ©ritable Ă©conomie planifiĂ©e de l’humanitaire, largement dominĂ©e par les États-Unis, et qui s’appuie sur toutes sortes de savoirs experts, notamment des nutritionnistes, des comptables, des spĂ©cialistes des transports pour calculer les besoins des prisonniers ou des populations civiles et organiser la meilleure maniĂšre de les satisfaire. 8La seconde conclusion est la permĂ©abilitĂ© de l’action humanitaire Ă  l’action politique, que l’on mesure avec les exemples de l’agence gouvernementale amĂ©ricaine American Relief Administration créée en 1919 pour secourir les enfants des pays de l’Est dans le but avouĂ© de faire Ă©chapper ceux-ci Ă  la menace rĂ©volutionnaire ou, a contrario, avec le ComitĂ© international de coordination pour l’aide Ă  l’Espagne rĂ©publicaine, constituĂ© sur une base beaucoup plus militante et qui rompt avec les modes traditionnels d’action des sociĂ©tĂ©s charitables. 9Jean-Pierre Le CromHobson-Faure Laura, Gardet Mathias, Hazan Katy et Nicault Catherine dir., L’ƒuvre de secours aux enfants et les populations juives au xxe siĂšcle, Paris, Armand Colin, Recherches », 2014, 320 p., 28 €10En 2012, l’Obshchetsvo Zdravookhraneniya Yevreyiev OZE, créée Ă  Saint-PĂ©tersbourg pour aider les populations juives russes et devenue plus tard ƒuvre de secours aux enfants OSE, fĂȘtait son centenaire. Cet ouvrage collectif, fruit de deux colloques tenus cette mĂȘme annĂ©e, se propose de renouveler notre comprĂ©hension d’une organisation dont l’exceptionnelle longĂ©vitĂ© et le parcours font un objet d’étude saisissant et complexe. En souhaitant jeter les premiĂšres bases d’une histoire internationale et transnationale de l’OSE » p. 14, ce livre tend Ă  rééquilibrer une historiographie encore trop centrĂ©e sur l’Europe de l’Ouest, en particulier sur la France. 11L’ouvrage, surtout dans sa premiĂšre partie, est donc rĂ©solument tournĂ© vers l’Est, s’attachant Ă  restituer les origines idĂ©ologiques de l’organisation dans ses premiĂšres annĂ©es russes Michael Beizer et Gary Pozin, son travail en URSS depuis l’Allemagne Mikhail Mitsel et son implantation en Pologne Nadav Davidovitch et en Allemagne Daniela Gauding. Durablement marquĂ©e par l’hygiĂ©nisme social, l’OSE a contribuĂ© Ă  sa diffusion et Ă  son enrichissement dans ces pays ainsi qu’en France Christine Garcette. 12La deuxiĂšme partie poursuit dans une perspective transnationale, en s’intĂ©ressant Ă  l’histoire bousculĂ©e » p. 295 de l’OSE et Ă  ses dĂ©mĂ©nagements successifs vers Berlin et Paris Rakefet Zalashik puis vers GenĂšve et outre-Atlantique. On y dĂ©couvre ainsi l’histoire inĂ©dite des mille enfants juifs qui ont rejoint les États-Unis pendant la guerre Laura Hobson-Faure. En s’attardant sur les trajectoires individuelles des cadres de l’organisation, en particulier celles, mĂ©connues, de Boris Tschlenoff Georges Weill et d’Ernst Papanek Jean-Christophe Coffin, l’ouvrage vient confirmer leur proximitĂ© avec des projets Ă©ducatifs novateurs Samuel Bouillon. 13La derniĂšre partie, dont la cohĂ©rence est moins Ă©vidente, traite d’aspects inĂ©dits de l’OSE et confirme la diversitĂ© de ses missions, son travail auprĂšs des mĂ©decins via l’Entraide mĂ©dicale en France Sabine Zeitoun, la trajectoire surprenante des enfants de l’OSE pris en charge par l’Entr’aide d’hiver du MarĂ©chal Fouzi Ghlis et son dĂ©veloppement au Maroc et en Tunisie Ariel Danan. Elle permet aussi d’apprĂ©hender l’évolution des structures et des pratiques de l’organisation d’une maniĂšre plus globale Mathias Gardet et Ă  travers l’analyse d’un programme de recherche sur le devenir des enfants Patrick DubĂ©chot. 14En ancrant l’histoire de l’OSE dans celles de la mĂ©decine, des politiques sociales mais aussi de la vie juive dans les diffĂ©rents pays que l’organisation traverse, l’ouvrage atteint donc son objectif de faire ressortir la complexitĂ© d’une association juive ouverte sur le monde » p. 17. 15Antoine BurgardLe Crom Jean-Pierre, Au secours marĂ©chal ! L’instrumentalisation de l’humanitaire 1940-1944, Paris, PUF, 2013, 343 p., 22 €16Historien du droit, directeur de recherche au CNRS Ă  Nantes, Jean-Pierre Le Crom poursuit dans cet ouvrage une Ă©tude de longue haleine sur les rapports de l’État français avec le mouvement social et sur le passage de la philanthropie sociale Ă  l’action humanitaire. Il analyse ici en prioritĂ© l’action d’une institution majeure de la France du MarĂ©chal, le Secours national. Ce dernier, fondĂ© en 1914, disparu Ă  la fin de la Grande Guerre, a Ă©tĂ© reconstituĂ© par le gouvernement Daladier, puis transformĂ© par le marĂ©chal PĂ©tain. Il traite plus briĂšvement des autres acteurs de ce champ social la Croix-Rouge, les Assistants du devoir patriotique, issus du Parti social français PSF, et le ComitĂ© ouvrier de secours immĂ©diat COSI, organisme collaborationniste. 17L’ouvrage s’appuie sur une grande variĂ©tĂ© de fonds la malle PĂ©tain, des sĂ©ries peu usitĂ©es des Archives nationales, comme la sĂ©rie F/60 et les dossiers d’épurations, des fonds d’archives dĂ©partementales, des archives des associations. Difficiles d’accĂšs pour la Croix-Rouge, les fonds du commissaire gĂ©nĂ©ral du Secours national quatre-vingts cartons sont conservĂ©s aux archives dĂ©partementales du Cantal. 18Avec l’Occupation, la France fait face Ă  des besoins d’assistance considĂ©rables soutien aux millions de prisonniers, aux rĂ©fugiĂ©s cinq cent mille Ă  la fin de l’annĂ©e 1940, aux sinistrĂ©s, aux blessĂ©s des combats et bombardements notamment. Par ailleurs, un appauvrissement gĂ©nĂ©ral se produit, frappant plus particuliĂšrement les vieillards, les enfants, les ouvriers, les internĂ©s des camps et des prisons, les juifs, etc. Si la Croix-Rouge, qui s’unifie en dĂ©but de pĂ©riode, a la prĂ©fĂ©rence des autoritĂ©s allemandes, c’est bien le Secours national qui devient le principal acteur, l’Ɠuvre des Ɠuvres ». Il se voit attribuer une triple mission assumer le monopole des appels Ă  la gĂ©nĂ©rositĂ© publique ; subventionner les Ɠuvres existantes ou prendre directement en charge des actions lorsqu’il n’y a pas de relais ; proposer la dissolution des Ɠuvres non conformes, comme l’ArmĂ©e du Salut ou les quakers. 19Le Secours national, dirigĂ© par Robert Garric, devient rapidement un État dans l’État, avec douze mille salariĂ©s et cinquante mille bĂ©nĂ©voles. Sa taille et son budget 3 % du budget national, s’apparentent Ă  celle d’un ministĂšre. Ses ressources sont Ă  55 % publiques, auxquelles s’ajoutent un pourcentage des gains de la loterie nationale, des produits de collectes, mais aussi des ressources plus douteuses, comme la vente des biens des Français dĂ©chus, tels les gaullistes ou les Rothschild, et la vente ou l’attribution de locaux de loges maçonniques. 20Par-delĂ  cet intĂ©ressant Ă©tat des lieux de l’humanitaire et la dĂ©monstration de l’importance grandissante prise par le Secours national dans le domaine social, l’auteur traite longuement les aspects politiques de l’instrumentalisation de l’humanitaire. 21La concordance des valeurs du Secours national avec celles de la RĂ©volution nationale est patente enfant chĂ©ri du MarĂ©chal, placĂ© sous son haut patronage, il manifeste une prĂ©fĂ©rence familialiste, se mĂ©fie des femmes qui travaillent, prĂ©fĂšre les enfants des Ă©coles catholiques. Le cabinet de PĂ©tain l’utilise aussi comme instrument pour sa propagande interdite dans la zone occupĂ©e. Il ne manifeste pas d’opposition marquĂ©e Ă  la collaboration avec les Allemands, comme le font les Assistants du devoir patriotique. 22Les nazis instrumentalisent aussi l’humanitaire. Dans la zone occupĂ©e, le Secours d’hiver, surnommĂ© le secours d’Hitler », est peuplĂ© de collaborationnistes, tout comme le ComitĂ© de secours immĂ©diat, qui vient en aide aux victimes des bombardements alliĂ©s. TrĂšs antisĂ©mite, financĂ© par l’amende d’un milliard sur la communautĂ© juive, il tient un discours plĂ©bĂ©ien. Marcel DĂ©at devenu ministre de la SolidaritĂ© nationale en 1944 prend la haute main sur les associations et les utilise pour l’État milicien. 23Pour autant, l’auteur montre que les engagements et les actions des humanitaires sont complexes, brouillant les positions politiques. ConfrontĂ© aux consĂ©quences de l’Occupation, l’engagement humanitaire pousse Ă  la compassion, Ă  des rĂ©actions humaines face Ă  la barbarie. Le Secours national vient en aide Ă  tous prisonniers et juifs compris. Les parcours individuels se rĂ©vĂšlent sinueux, complexes, par-delĂ  la notion de vichysto-rĂ©sistant. Tel directeur de maison sauve des enfants juifs, d’autres aident les personnes poursuivies et Michel DebrĂ© ou le syndicaliste Chevalme, eux, basculent dans la RĂ©sistance. Ici se manifeste l’emprise trĂšs forte de la tradition catholique, mais aussi un passage de la logique de la collaboration des classes Ă  celle du sauvetage. Dans les organisations, on trouve ainsi Ă  la fois des collaborationnistes et des rĂ©sistants. 24Ce livre tĂ©moigne du rĂŽle que jouent les guerres dans l’extension du social et, par-delĂ , du fait que les politiques sociales ne sont pas liĂ©es Ă  un rĂ©gime politique. NĂ©s sous des rĂ©gimes dĂ©mocratiques, le Secours national se dĂ©veloppe dans un rĂ©gime autoritaire, puis devient l’une des sources des rĂ©formes sociales de la LibĂ©ration. La logique fonctionnelle de l’humanitaire dĂ©passerait les fondements idĂ©ologiques de ses animateurs. C’est dire que l’auteur invite Ă  se mĂ©fier des lectures simplistes. 25Gilles MorinPremiĂšre Guerre mondialeVuilleumier Christophe, La Suisse face Ă  l’espionnage, 1914-1918, GenĂšve, Slatkine, 2015, 120 p., 22 CHF26Le petit ouvrage publiĂ© par Christophe Vuilleumier aux Ă©ditions Slatkine Ă  GenĂšve Ă©tudie les affaires d’espionnage dont la Suisse fut le théùtre pendant la Grande Guerre. Issu d’une sĂ©rie d’articles parus entre 2013 et 2014, ce travail donne Ă  voir la portĂ©e d’un phĂ©nomĂšne dont on ne connaĂźtra vraisemblablement jamais prĂ©cisĂ©ment l’ampleur. CentrĂ©, pour une large part, sur les activitĂ©s des services de renseignements allemands, il montre par ailleurs comment la mise Ă  nue des faits d’espionnage par la presse helvĂ©tique a exacerbĂ© le climat de suspicion qui s’était emparĂ© du pays sitĂŽt les premiers coups de canon. PlutĂŽt que d’entrer dans le dĂ©tail des quelque cent vingt affaires qu’il a recensĂ©es au fil de ses investigations, l’auteur a prĂ©fĂ©rĂ© proposer un large panorama d’une histoire aux multiples possibilitĂ©s d’entrĂ©e Ă©conomique, diplomatique, militaire. Par-lĂ , il a balisĂ© des pistes qui, espĂ©rons-le, interpelleront les chercheurs, notamment ceux qui ont l’habitude de privilĂ©gier les approches transnationales. Les cas de Hans Schreck, le chef du contre-espionnage allemand en Suisse p. 57-62 et d’Alexandre Parvus p. 66-68, rĂ©volutionnaire russe surtout connu pour avoir nĂ©gociĂ© avec l’Allemagne au moment oĂč LĂ©nine cherchait Ă  rentrer en Russie, en sont des illustrations parmi d’autres. 27Le travail de Christophe Vuilleumier a Ă©galement ceci d’intĂ©ressant qu’il Ă©voque, dans une logique visant Ă  ouvrir au plus large la focale, le cas de Suisses gagnĂ©s Ă  des actions d’espionnage. Retenons Ă  ce titre l’exemple de FĂ©lix Malherbe, marginal suisse recrutĂ© en fĂ©vrier 1915 et dont les quatre tournĂ©es de renseignement Ă  travers la France font l’objet d’une description dĂ©taillĂ©e p. 27-31. SoudoyĂ© par les services de renseignements allemands alors qu’il sortait de l’hĂŽpital de GenĂšve, Malherbe compte parmi ces Suisses qui, pouvant entrer librement sur le territoire français, y furent envoyĂ©s pour rĂ©colter des renseignements concernant le moral des populations, les prix des matiĂšres premiĂšres, le ravitaillement, les mouvements de troupes. Au-delĂ  de l’étude de cas, tout Ă  fait captivante au demeurant, c’est surtout ce que l’historien donne Ă  voir de l’infiltration des belligĂ©rants par des ressortissants des pays neutres qui attire l’attention. Il semble qu’il y aurait Ă  cet endroit un champ particuliĂšrement porteur Ă  investir, la thĂ©matique n’ayant encore jamais donnĂ© lieu Ă  une Ă©tude de fond sur la façon dont des ressortissants des États neutres furent instrumentalisĂ©s Ă  des fins d’espionnage. Les diffĂ©rents cas que Christophe Vuilleumier Ă©voque dans les pages suivantes p. 31-32 en donnent des gages supplĂ©mentaires. 28En dĂ©finitive, et mĂȘme si le lecteur reste souvent sur sa faim, cet ouvrage n’en demeure pas moins un instrument des plus utiles pour la synthĂšse qu’il propose et, surtout, pour les perspectives qu’il ouvre. 29Landry CharrierSalson Philippe, L’Aisne occupĂ©e les civils dans la Grande Guerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, 305 p., 19 €30Ouvrage issu d’une thĂšse de doctorat trĂšs remarquĂ©e, soutenue en 2013 sous la direction de FrĂ©dĂ©ric Rousseau, L’Aisne occupĂ©e les civils dans la Grande Guerre offre une plongĂ©e particuliĂšrement efficace dans le quotidien d’un dĂ©partement français sous l’emprise de l’ennemi allemand entre 1914 et 1918. Membre du CRID 14-18, Philippe Salson propose une Ă©tude minutieuse, dĂ©taillĂ©e et extrĂȘmement bien documentĂ©e de la confrontation entre une population locale prise dans les tourments du conflit et des forces occupantes conditionnĂ©es par les impĂ©ratifs de guerre. Celle-ci s’articule autour de quatre grandes parties les civils face Ă  l’invasion ; le choc Ă©conomique de l’occupation ; le rapport Ă  l’autoritĂ© allemande ; le contact avec les soldats allemands. De lĂ , Ă©mergent deux enjeux principaux. 31Le premier thĂšme rĂ©current concerne l’image de l’ennemi. DĂšs l’ouverture des hostilitĂ©s se joue la construction identitaire de l’ennemi, celui qui envahit le champ politique, social et intime local, celui Ă©galement honni pour ses atrocitĂ©s », imprimant la dynamique de nouvelles formes de violence. Celles-ci surprennent par leur variĂ©tĂ© traque des soldats cachĂ©s, rĂ©quisitions, pillages ou crimes, plus rares toutefois que ce qu’en laisse entendre la rumeur. NĂ©anmoins, tandis que les tĂ©moignages des Ă©lites principalement dĂ©crivent des Allemands s’installant dans l’improvisation jusqu’au printemps 1915 puis de maniĂšre plus organisĂ©e ensuite, leur image se transforme peu Ă  peu, notamment en raison de rapports individuels multiformes. Ceux-ci sont un mĂ©lange de subordination, d’échanges d’égal Ă  Ă©gal ou de relations affectives plus ou moins profondes. Se bĂątit alors une reprĂ©sentation de l’ennemi beaucoup plus nuancĂ©e, dĂ©linĂ©ant une rĂ©alitĂ© complexe, d’autant plus que, dans le mĂȘme temps, le territoire national paraĂźt lointain, en raison de la cĂ©sure que marque le front. 32Le second thĂšme permet de mesurer l’apprĂ©hension de la guerre par les populations civiles et notamment les diffĂ©rentes attitudes dans un contexte d’occupation encore mal connu. L’auteur insiste avec justesse sur les multiples stratĂ©gies d’adaptation des Axonais, civils ou Ă©lus, notamment la pratique de l’esquive, aux formes variĂ©es, depuis l’inertie administrative jusqu’à la fraude. Dans ce cadre, oĂč la figure du maire prend une nouvelle dimension, l’auteur n’élude pas la question des compromissions auprĂšs de l’ennemi, mais il aborde plus particuliĂšrement celle de la rĂ©sistance, qu’elle soit individuelle ou organisĂ©e. Surtout, les civils doivent faire face Ă  un appauvrissement gĂ©nĂ©ral, source de difficultĂ©s et de souffrances, s’expliquant en grande partie par les mutations de la structure socio-Ă©conomique, entre recompositions dans l’urgence et pĂ©nurie plus durable. InĂ©vitablement, corps physiques et corps social souffrent Ă©pidĂ©mies et mortalitĂ© redoublent, tandis que les clivages sociaux s’exacerbent visant profiteurs de guerre et responsables politiques. 33En dĂ©finitive, l’ouvrage de Philippe Salson s’avĂšre trĂšs stimulant et remarquable. Outre le dĂ©cryptage d’un ordinaire de la guerre vĂ©cu par des acteurs divers, ce travail permet de saisir la multiplicitĂ© des violences de guerre, qui ne se limitent donc pas Ă  la seule violence physique. En renversant la focale et par le biais d’une approche multiperspectiviste et multiscalaire Ă  hauteur d’humains, l’auteur dĂ©passe la simple description de l’ébranlement d’une sociĂ©tĂ© locale et de ses structures, prĂ©fĂ©rant montrer comment les populations, mais aussi les ennemis, s’adaptent Ă  une situation nouvelle et inattendue, engendrant des relations tendues et complexes, alternant entre rĂ©sistance, sujĂ©tion et Ă©changes. Ainsi, dans la lignĂ©e du renouveau de l’histoire sociale de la Grande Guerre, on dĂ©couvre ici les rouages qui construisent le champ social dans l’arriĂšre occupĂ©, tant entre Français qu’avec l’ennemi allemand. 34StĂ©phane Le BrasCrimes nazisBruttmann Tal, Auschwitz, Paris, La DĂ©couverte, RepĂšres », 2015, 128 p., 10 €35Ce petit ouvrage, appelĂ© Ă  devenir une rĂ©fĂ©rence, est Ă  la fois trĂšs informĂ© et concis dans l’esprit de la collection. Il permet de comprendre le paradoxe qui Ă©rige Auschwitz en paradigme de l’univers concentrationnaire et de la Shoah, du fait de son bilan effroyable 1,3 million de dĂ©portĂ©s dont 1,1 million de morts, et malgrĂ© son caractĂšre unique, puisque le lieu recouvrait Ă  la fois un camp de concentration, un centre de mise Ă  mort distinct, et un ensemble d’entreprises industrielles fonctionnant avec la main-d’Ɠuvre dĂ©tenue. C’est dire la nĂ©cessitĂ© de revenir Ă  l’histoire des diffĂ©rents sites composant le complexe d’Auschwitz-Birkenau, oĂč plusieurs politiques nazies s’entremĂȘlent rĂ©pression antipolonaise, colonisation allemande en SilĂ©sie reconquise les Polonais sont, Ă  partir de juin 1940, les premiers dĂ©tenus du camp, dont la construction a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e par Himmler le 27 avril 1940 et politique antisĂ©mite les juifs arrivant massivement Ă  partir du printemps 1942. 36La premiĂšre partie est consacrĂ©e au camp de concentration, Ă©difiĂ© dans la continuitĂ© des camps existants, tel Dachau, avec notamment le portail au-dessus duquel figurent les mots Arbeit macht frei » et le crĂ©matoire. La particularitĂ© d’Auschwitz est de ne cesser de se dĂ©velopper, Ă  la suite de la dĂ©cision d’agrandissement prise par Himmler en mars 1941. Le camp abrite Ă  partir de juillet 1941 des prisonniers de guerre soviĂ©tiques, premiĂšres victimes des gazages lors de l’opĂ©ration 14f14 en septembre 1941, des femmes Ă  partir de l’étĂ© 1942 et des Tsiganes Ă  partir de fĂ©vrier 1943. 37La deuxiĂšme partie est dĂ©diĂ©e au centre de mise Ă  mort situĂ© Ă  l’extĂ©rieur du camp. DĂ©veloppĂ© Ă  partir de fĂ©vrier 1942, il dĂ©place le centre de gravitĂ© vers Birkenau, avec l’amĂ©nagement de la rampe des juifs » oĂč a lieu la sĂ©lection », la construction de deux nouvelles chambres Ă  gaz et, liĂ©s Ă  elles, ce qui est nouveau, quatre crĂ©matoires constituant la part visible de l’extermination, ce qui explique leur poids dans les reprĂ©sentations de la Shoah. Ici on aurait pu prĂ©ciser que la date de dĂ©cision de la Solution finale » au sens d’extermination de tous les juifs d’Europe ne fait pas totalement consensus entre historiens. L’extermination des juifs de Hongrie quatre cent trente mille entre mai et juin 1944, soit un juif sur trois morts Ă  Auschwitz confĂšre au processus un caractĂšre industriel. 38La troisiĂšme partie prĂ©sente enfin le complexe Ă©conomico-industriel liĂ© au camp. Le dĂ©veloppement de la ville, dont les entreprises bĂ©nĂ©ficient de la main-d’Ɠuvre dĂ©tenue aprĂšs la sĂ©lection », est insĂ©parable de la mise en valeur et de la colonisation de la Haute-SilĂ©sie, considĂ©rĂ©e comme partie naturelle de l’Allemagne. Il faut ici distinguer l’exploitation par la SS des dĂ©tenus dans la zone d’intĂ©rĂȘts » – plus de 50 % sont employĂ©s dans le fonctionnement du camp ou dans les fermes, usines et laboratoires de recherche de la SS Ă  Rajsko – de l’implantation d’industries allemandes. Le complexe d’IG Farben initiĂ© dĂ©but 1941, mais aussi les usines de Krupp ou Siemens se servent des dĂ©tenus en les mĂȘlant Ă  d’autres catĂ©gories de travailleurs salariĂ©s libres allemands, Ă©trangers sous contrainte Italiens, Français du Service du travail obligatoire, prisonniers de guerre Anglais. Auschwitz comptait trente-trois sous-camps en dĂ©cembre 1944. L’extension maximale est atteinte Ă  l’étĂ© 1944 avec entre cent trente mille et cent cinquante mille dĂ©tenus, soit un quart de la population concentrationnaire nazie. Les premiers transferts de dĂ©tenus commencent en juillet 1944, le camp Ă©tant Ă©vacuĂ© en octobre 1944. Quand le 27 janvier 1945 les troupes soviĂ©tiques atteignent Auschwitz, les Allemands ont dĂ©jĂ  dynamitĂ© les structures de mise Ă  mort. 39La qualitĂ© du livre vient aussi des choix d’encadrĂ©s tantĂŽt des extraits de tĂ©moignages aussi bien de bourreaux Rudolf Höss et d’autres plus inĂ©dits que de victimes celui d’un survivant du Sonderkommando employĂ© Ă  vider les chambres Ă  gaz, tantĂŽt des Ă©clairages sur les diffĂ©rentes populations, les langues ou les dessins du camp. Il manque un point sur les profils de surveillants SS, sur lesquels la TĂ€terforschung a beaucoup travaillĂ©. On regrette enfin que l’histoire d’Auschwitz aprĂšs 1945 ne soit qu’esquissĂ©e en conclusion avec un encadrĂ© sur la musĂ©ographie, alors que le site s’est affirmĂ© comme lieu de mĂ©moire Ă  l’échelle internationale mais aussi comme objet d’histoire et enjeu face aux nĂ©gationnistes. 40Marie-BĂ©nĂ©dicte VincentOrlowski Dominique dir., Buchenwald par ses tĂ©moins histoire et dictionnaire du camp et de ses kommandos, Paris, Belin, 2014, 560 p., 29 €41Cet ouvrage publiĂ© par l’Association française Buchenwald-Dora se prĂ©sente sous la forme d’un dictionnaire thĂ©matique comportant trois cent soixante-treize entrĂ©es, prĂ©cĂ©dĂ© d’une courte prĂ©sentation historique du camp rĂ©digĂ©e par Dominique Durand, prĂ©sident de l’Association. On disposait dĂ©jĂ  sur Buchenwald de l’étude d’Olivier Lalieu [1]. Ce livre est toutefois d’une autre nature Ɠuvre d’un groupe de bĂ©nĂ©voles non professionnels, il reflĂšte donc le point de vue de l’Amicale française sur l’histoire et la mĂ©moire du camp. 42La prĂ©sentation historique de Dominique Durand est trĂšs Ă©rudite. Ouvert Ă  l’étĂ© 1937 sur la colline de l’Ettersberg prĂšs de Weimar, Ă  l’initiative entre autres du Gauleiter Sauckel, Buchenwald appartient aux camps de la deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration et devint Ă  la fin des annĂ©es 1930, avec Sachsenhausen, le principal camp du centre de l’Altreich. Au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, sa population s’internationalisa rapidement. Puis elle se trouva mobilisĂ©e Ă  partir de 1942 au service de l’effort de guerre du Reich, avec en particulier la production des V2. Dora s’émancipa de la tutelle du camp de Buchenwald Ă  l’automne 1944 et devint le centre de la production. L’analyse du systĂšme concentrationnaire par l’auteur reste trĂšs traditionnelle. On peut certes lui reprocher de sous-estimer quelque peu le rĂŽle des phĂ©nomĂšnes Ă©conomiques dĂšs l’ouverture du camp Ă  l’étĂ© 1937. Cependant, on ne fera pas grief au tĂ©moin-historien d’ignorer les recherches rĂ©centes qui tendent aujourd’hui, en Allemagne, Ă  privilĂ©gier la diversitĂ© des types de camps l’histoire de la rĂ©pression sous le TroisiĂšme Reich ne s’écrit plus Ă  partir de la prise en considĂ©ration exclusive des seuls camps de concentration. 43Le dictionnaire occupe la majeure partie de cet ouvrage et documente des aspects trĂšs divers de la rĂ©alitĂ© concentrationnaire la vie quotidienne, les Ă©vĂ©nements importants de l’histoire du camp, la pathologie concentrationnaire, la production de guerre, des documents importants, les mĂ©moriaux ou les associations de dĂ©portĂ©s. On trouvera aussi de nombreuses entrĂ©es sur les personnalitĂ©s liĂ©es Ă  l’histoire du camp, vĂ©ritable carrefour europĂ©en au sein du systĂšme concentrationnaire nazi. Les articles sur les communistes, comme FrĂ©dĂ©ric ManhĂšs et Marcel Paul, passent sous silence les violentes controverses qui ont divisĂ© les rescapĂ©s. Ils donnent une image globalement et sagement positive du rĂŽle des communistes dans la rĂ©sistance au nazisme Ă  l’intĂ©rieur du camp. 44Cet ouvrage tĂ©moigne donc de la vitalitĂ© persistante de la mĂ©moire dans la constitution de l’historiographie française de la dĂ©portation. Prudent et bien documentĂ©, il ne contient cependant rien, a priori, qui puisse attiser l’attention sourcilleuse et critique des historiens. 45Michel FabrĂ©guetAly Götz, Die Belasteten Euthanasie, 1939-1945. Eine Gesellschaftsgeschichte, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 2013 ; trad. fr., id., Les Anormaux les meurtres par euthanasie en Allemagne 1939-1945, trad. de l’all. par Tilman Chazal, Paris, Flammarion, 2014, 311 p., 22 €46La renommĂ©e de Götz Aly en Allemagne tient, en partie, au rĂŽle pionnier qu’il a jouĂ© dans la mise au jour des crimes mĂ©dicaux commis sous le TroisiĂšme Reich. Fondateur en 1983 d’un collectif d’historiens militants, BeitrĂ€ge zur nationalsozialistischen Gesundheits- und Sozialpolitik Contributions sur la politique sociale et sanitaire national-socialiste, maĂźtre d’Ɠuvre d’une dizaine de volumes, Aly est le principal artisan de la plaque commĂ©morative, rendant hommage aux quelque deux cent mille femmes, hommes et enfants tuĂ©s parce qu’ils Ă©taient handicapĂ©s ou jugĂ©s asociaux », Ă©rigĂ©e Ă  Berlin en 1989. Depuis les annĂ©es 2000, il milite pour un mĂ©morial » honorant le nom de toutes ces victimes. Ce n’est pourtant que tardivement qu’il a conçu l’idĂ©e d’un essai global sur le sujet, Die Belasteten que la traduction française rend, faute de mieux, par Les Anormaux, lassĂ© qu’il Ă©tait de voir ses dĂ©couvertes dispersĂ©es dans de multiples publications collectives et articles de recherche, pillĂ©es par des collĂšgues indĂ©licats ; dans la postface, caustique, Aly pointe pas moins d’une quinzaine d’historiens. 47Pour l’essentiel, Les Anormaux rassemblent donc d’anciens travaux de l’auteur articles, textes de confĂ©rence, entiĂšrement repris et complĂ©tĂ©s. D’une grande richesse, parfois labyrinthique, encombrĂ© de noms Götz Aly se fait un devoir de nommer la plupart des praticiens impliquĂ©s et des victimes, l’ouvrage se propose de cerner les conditions sociales du meurtre des handicapĂ©s et des personnes jugĂ©es indignes de vivre. L’historien analyse l’attitude des proches, l’enchevĂȘtrement des instances concernĂ©es, les rivalitĂ©s institutionnelles, le rĂŽle personnel de Hitler, qui se garde de laisser des traces Ă©crites de ses divers ordres d’assassinat, la responsabilitĂ© des mĂ©decins, gagnĂ©s Ă  l’utilitarisme nazi Ă©liminer les bouches inutiles, mais le plus souvent mus par l’utopie d’une mĂ©decine idĂ©ale, et toute la gamme des victimes les aliĂ©nĂ©s adultes, les enfants lourdement handicapĂ©s, les asociaux », les tuberculeux, jusqu’aux personnes ĂągĂ©es, Ă  la fin de la guerre. 48Si l’extermination des aliĂ©nĂ©s et des enfants handicapĂ©s ne fut pas un processus secret, elle demeura soigneusement camouflĂ©e. Le nom officiel de l’institution criminelle situĂ©e Tiergartenstraße 4 Ă  Berlin abritant l’Aktion T4 est la Fondation caritative des soins en institution » ; celui de l’organe chargĂ© de la mise Ă  mort des enfants anormaux » reçoit le titre anodin de ComitĂ© du Reich » plus de dix mille victimes au total. Par crainte des rĂ©actions de l’opinion publique, le fonctionnement de l’Aktion T4 est d’une grande souplesse dĂšs qu’un malade est rĂ©clamĂ© par sa famille, le processus d’élimination le concernant est interrompu et il est rendu Ă  celle-ci. En dĂ©finitive, la rĂ©sistance sociale au processus fut faible 80 % des proches, estime Aly, s’accommodĂšrent de la disparition des victimes, lesquelles, dans le contexte de la guerre totale, reprĂ©sentaient une charge dĂ©cidĂ©ment trop lourde. 49Laurent JolyHaddad Lise et Dreyfus Jean-Marc dir., Une mĂ©decine de mort du code de Nuremberg Ă  l’éthique mĂ©dicale contemporaine, Paris, Éd. VendĂ©miaire, 2014, 383 p., 20 €50Fruit d’un colloque organisĂ© Ă  Paris en 2011 rĂ©unissant des historiens et des spĂ©cialistes d’éthique mĂ©dicale, ce volume comble un vide historiographique en France en embrassant Ă  la fois l’étude des crimes commis par des mĂ©decins pendant la pĂ©riode nazie et celle de leur apprĂ©hension juridique aprĂšs 1945 par le Tribunal militaire international de Nuremberg, mais aussi lors du procĂšs des mĂ©decins » organisĂ© par les AmĂ©ricains entre dĂ©cembre 1946 et aoĂ»t 1947. Alexander Mitscherlich, qui assiste comme observateur mandatĂ© par l’ordre des mĂ©decins Ă  ce premier des douze procĂšs successeurs », note dans son compte rendu paru dans Die deutsche Zeitung que ces mĂ©decins, loin d’ĂȘtre apolitiques comme ils le prĂ©tendent, ont au contraire interprĂ©tĂ© de maniĂšre trĂšs particuliĂšre leur serment d’Hippocrate en privilĂ©giant non le bien-ĂȘtre individuel, mais celui soi-disant du corps politique dans son ensemble. Certes les AlliĂ©s n’ont pas forgĂ© de concept unifiĂ© de crimes de guerre mĂ©dicaux », ni Ă©tabli de listes de suspects Ă  juger pour un tel motif. NĂ©anmoins le verdict, qui refuse la principale ligne de dĂ©fense des inculpĂ©s selon laquelle leurs crimes ont Ă©tĂ© commis dans le cadre de la loi, conduit Ă  formuler un code d’éthique mĂ©dicale encore valable aujourd’hui. 51Ce livre fait prĂ©cisĂ©ment le lien entre cet hĂ©ritage et la rĂ©flexion Ă©thique contemporaine. Dans un premier temps, il rappelle les fondements thĂ©oriques » de la mĂ©decine nazie l’anthropomĂ©trie, le darwinisme, l’eugĂ©nisme. Puis il prĂ©sente des Ă©tudes de cas portant sur les expĂ©rimentations menĂ©es notamment Ă  Auschwitz principalement les stĂ©rilisations forcĂ©es qui ont concernĂ© trois cent cinquante mille personnes dans l’ensemble de l’Allemagne nazie, avec un lien clairement Ă©tabli entre les pratiques meurtriĂšres de Victor Brack utilisant les rayons X ou celles de Carl Clauberg, et la politique gĂ©nocidaire du rĂ©gime, mais aussi sur les opĂ©rations d’euthanasie des handicapĂ©s ou sur la recherche mĂ©dicale conduite dans les instituts de la Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft ainsi la virologie a-t-elle pu bĂ©nĂ©ficier d’importantes subventions publiques et militaires, car elle pouvait servir des buts de guerre. Ces diffĂ©rentes pratiques ont Ă©tĂ© Ă©tiquetĂ©es aprĂšs 1945 comme pseudo-mĂ©dicales », une expression qui permet alors de distinguer la mĂ©decine dĂ©voyĂ©e d’une bonne » mĂ©decine, donc de dĂ©douaner l’essentiel du corps mĂ©dical allemand. Or l’apport rĂ©cent de l’historiographie est au contraire de montrer que des chercheurs et des mĂ©decins exempts au dĂ©part de toute idĂ©ologie avaient pu, au nom de l’intĂ©rĂȘt de la science, se mettre au service d’un systĂšme meurtrier ou en profiter pour faire carriĂšre. 52La troisiĂšme partie du livre est consacrĂ©e aux imperfections de l’apprĂ©hension judiciaire de ces crimes, envisagĂ©e tant du cĂŽtĂ© des bourreaux, la dĂ©nazification menĂ©e par les AlliĂ©s n’étant que modĂ©rĂ©ment relayĂ©e par la RFA et la RDA une fois entamĂ©e la dĂ©cennie 1950, que du cĂŽtĂ© des victimes qui sont loin d’avoir toutes pu bĂ©nĂ©ficier d’indemnisations au lendemain de la guerre. Annette Weinke explique qu’en RFA, l’acquittement des mĂ©decins nazis ou leur condamnation Ă  des peines lĂ©gĂšres devient la rĂšgle, car les procĂšs mobilisent comme tĂ©moins et experts des mĂ©decins ou des fonctionnaires ayant eux-mĂȘmes pu cautionner le rĂ©gime de Hitler. Quant Ă  la RDA, aprĂšs le tournant du procĂšs de Waldheim en 1950, elle a aussi fermĂ© les yeux sur le passĂ© de mĂ©decins compromis mais qui acceptaient de collaborer Ă  la construction du socialisme. C’est dans ce contexte qu’il faut envisager l’histoire de l’indemnisation des victimes retracĂ©e par Constantin Goschler. Ainsi la premiĂšre loi ouest-allemande de rĂ©paration en 1953 ne considĂšre-t-elle que les victimes du nazisme persĂ©cutĂ©es pour raisons raciales ou religieuses, des groupes entiers Ă©tant laissĂ©s de cĂŽtĂ© tels les homosexuels, les Tsiganes considĂ©rĂ©s par les nazis comme des asociaux » ou les victimes de stĂ©rilisations. Ce dernier sujet reste tabou en RFA pendant plusieurs dĂ©cennies. Le tournant a lieu dans les annĂ©es 1980, du fait du lobbying de plusieurs associations de victimes, en Allemagne comme Ă  l’étranger, qui obtiennent progressivement des indemnisations de la RFA. Au cours des annĂ©es 2000, des descendants des victimes d’euthanasie ont aussi pu faire entendre leurs voix. Ce point fournit une transition avec la derniĂšre partie du volume, en prise directe avec l’actualitĂ©, qui porte sur la portĂ©e de l’éthique mĂ©dicale forgĂ©e aprĂšs Nuremberg en Allemagne comme dans d’autres pays, en France notamment. On comprend comment la connaissance des crimes du passĂ© peut nourrir la rĂ©flexion contemporaine sur des sujets complexes, en particulier la question fondamentale du consentement des malades en fin de vie. 53Si certains sujets abordĂ©s ici Ă©taient dĂ©jĂ  connus, tous n’avaient pas encore Ă©tĂ© traitĂ©s dans des publications en langue française. D’autres thĂšmes, comme l’histoire de l’indemnisation des victimes, sont inĂ©dits. C’est dire l’importance de ce volume comme passeur d’historiographies Ă©trangĂšres. Sa force vient aussi du lien Ă©tabli entre les crimes nazis et les hĂ©sitations et questionnements de l’aprĂšs-guerre. 54Marie-BĂ©nĂ©dicte VincentSorties de guerreGutiĂ©rrez Edward A., Doughboys on the Great War How American Soldiers Viewed their Military Experience, Lawrence, University Press of Kansas, 2014, 308 p., 34,95 $55Au moment de leur dĂ©mobilisation en 1919, les vĂ©tĂ©rans du Corps expĂ©ditionnaire amĂ©ricain reçurent de l’administration un bref questionnaire sur l’unitĂ© dans laquelle ils avaient servi. Cependant, dans quatre États, les questions furent plus prĂ©cises. Dans l’Utah et le Minnesota, on interrogeait aussi les anciens combattants sur leurs origines familiales, leur Ă©tat de service, les blessures reçues au combat. Dans le Connecticut et en Virginie, le formulaire, intitulĂ© Military Service Record, leur demandait mĂȘme d’expliquer les raisons de leur engagement, de dĂ©crire leur expĂ©rience de guerre et comment elle avait changĂ© leur vie personnelle. C’est Ă  partir de ce fonds documentaire exceptionnel de plusieurs dizaines de milliers de rĂ©ponses qu’Edward GutiĂ©rrez a travaillĂ© sur le retour des soldats amĂ©ricains et leur regard rĂ©trospectif sur la PremiĂšre Guerre mondiale. 56Loin de l’image traditionnelle, forgĂ©e notamment par Gertrude Stein qui dĂ©peignait les hommes de 1919 comme une gĂ©nĂ©ration perdue », c’est-Ă -dire dĂ©sabusĂ©e et dĂ©sorientĂ©e, l’auteur souligne le sentiment du devoir accompli qui caractĂ©rise ces vĂ©tĂ©rans au sortir de la guerre. Dans cet effort de rĂ©interprĂ©tation, le risque Ă©tait grand de tomber dans l’excĂšs inverse et d’offrir une vision idĂ©alisĂ©e des motivations des doughboys les soldats amĂ©ricains de la Grande Guerre, comme ont pu le faire d’autres auteurs au sujet de la greatest generation ». GutiĂ©rrez parvient au contraire Ă  nous proposer un portrait collectif relativement nuancĂ©, qui aurait sans doute gagnĂ© Ă  des comparaisons avec d’autres pays. 57Son livre vaut aussi pour les milliers de tĂ©moignages exhumĂ©s qui lui donnent toute sa couleur. On suit les soldats amĂ©ricains depuis leur traversĂ©e de deux semaines de l’Atlantique, leur entraĂźnement, leur baptĂȘme du feu, l’Armistice, le retour au pays. Dans leurs rĂ©ponses au questionnaire, beaucoup de vĂ©tĂ©rans citent le cĂ©lĂšbre discours de Sherman en aoĂ»t 1880 la guerre, c’est l’enfer », qui rĂ©sume selon eux leur expĂ©rience, notamment pour les deux tiers du Corps expĂ©ditionnaire ayant effectivement combattu. Au passage, les soldats afro-amĂ©ricains livrent leur vision d’une armĂ©e encore trĂšs marquĂ©e par la sĂ©grĂ©gation raciale et expriment des doutes sur les changements qu’apportera l’aprĂšs-guerre. Peu prĂ©sente encore dans les questionnaires de 1919, l’amertume des vĂ©tĂ©rans se fait beaucoup plus sensible lors d’une nouvelle enquĂȘte menĂ©e auprĂšs des survivants par l’US Army Military History Institute MHI au milieu des annĂ©es 1970. S’estimant dĂ©savantagĂ©s par rapport Ă  la gĂ©nĂ©ration suivante, celle du Bill, nombreux sont ceux qui expriment leur colĂšre, au soir de leur vie, Ă  l’égard du gouvernement amĂ©ricain. Les vĂ©tĂ©rans de la PremiĂšre Guerre mondiale n’ont reçu aucune aide », explique l’un d’eux, faisant Ă©cho aux accusations lancĂ©es par la Bonus Army en 1932. La situation Ă©tait bien diffĂ©rente Ă  l’époque. Les droits des vĂ©tĂ©rans, c’est pour ceux de la Seconde Guerre mondiale. » 58Bruno CabanesBogdan Henry, Le Kaiser Guillaume II dernier empereur d’Allemagne, 1859-1941, Paris, Tallandier, 2014, 320 p., 20,90 €59Alors que l’historiographie prĂȘte attention au rĂŽle des dirigeants dans le dĂ©clenchement de la PremiĂšre Guerre mondiale [2], Henry Bogdan propose une nouvelle biographie de Guillaume II, dix ans aprĂšs la somme de Christian Baechler Guillaume II d’Allemagne, Paris, Fayard, 2003. Il cible le grand public, privilĂ©giant une approche chronologique et ne rentrant pas dans le dĂ©tail des dĂ©bats savants. Deux questions servent de fils conducteurs qui Ă©tait le Kaiser derriĂšre les images de propagande, les caricatures des contemporains et l’hostilitĂ© des premiers historiens ? Quel type de souverain voulait-il incarner entre monarchie de droit divin et monarchie constitutionnelle, alors qu’il se disait attachĂ© aux besoins du peuple dans une Allemagne forte de soixante-sept millions d’habitants en 1913 et devenue premiĂšre puissance Ă©conomique d’Europe ? 60Concernant la pĂ©riode prĂ©cĂ©dant l’accĂšs au trĂŽne, Henry Bogdan insiste sur les consĂ©quences, pour le futur empereur, de son handicap liĂ© Ă  sa naissance un bras estropiĂ©, lui ayant donnĂ© l’envie de se surpasser face Ă  la dĂ©ception de ses parents, Vicky, fille de la reine d’Angleterre, et le Kronprinz FrĂ©dĂ©ric. MalgrĂ© une Ă©ducation solide acquise auprĂšs d’un prĂ©cepteur, le pasteur Hintzpeter, dans un lycĂ©e humaniste Ă  Cassel puis Ă  l’UniversitĂ© Ă  Bonn, complĂ©tĂ©e par une longue formation militaire Ă  Potsdam, il manque au futur empereur, en dĂ©pit de ses voyages, un rĂ©el apprentissage de la diplomatie. Quand il arrive sur le trĂŽne le 15 juin 1888, Guillaume II a vingt-neuf ans pour lui et contrairement Ă  son grand-pĂšre Guillaume I, le titre d’empereur allemand a plus d’importance que celui de roi de Prusse. 61Le rĂšgne s’ouvre par une impossible cohabitation » avec Bismarck nĂ© en 1815, Premier ministre et ministre des Affaires Ă©trangĂšres de Prusse depuis 1862. Les antagonismes gĂ©nĂ©rationnel et de caractĂšre se doublent d’oppositions sur la politique extĂ©rieure la question de l’alliance russe Ă  maintenir selon Bismarck, alors que Guillaume II est surtout prĂ©occupĂ© par l’Autriche-Hongrie, dont les intĂ©rĂȘts sont menacĂ©s par la politique balkanique du tsar et sur l’attitude Ă  adopter face au mouvement ouvrier. AprĂšs la dĂ©mission de Bismarck le 20 mars 1890, Guillaume II initie un nouveau cours » Ă  l’intĂ©rieur levĂ©e de la lĂ©gislation antisocialiste et Ă  l’extĂ©rieur Weltpolitik. Il s’entoure de conseillers aristocratiques, cibles des critiques de Bismarck, de la presse et plus tard des historiens le gĂ©nĂ©ral von Waldersee et le fameux cercle de Liebenberg autour de Philipp zu Eulenburg. Au plan institutionnel, Guillaume II renforce le rĂŽle des cabinets civils et militaires dĂ©pendant directement de lui, ce qui limite le pĂ©rimĂštre du chancelier et des ministres, considĂ©rĂ©s comme de simples exĂ©cutants de la volontĂ© impĂ©riale. Henry Bogdan note que si les pouvoirs de Guillaume II sont importants, il n’est pas pour autant un dictateur, car le Reichstag, Ă©lu au suffrage universel, vote le budget et les lois. De plus, l’empereur se dĂ©sintĂ©resse de la politique intĂ©rieure Ă  partir de 1900 et se consacre Ă  son domaine rĂ©servĂ© ». 62Henry Bogdan explique la Weltpolitik par la jalousie que Guillaume II nourrit face Ă  l’Angleterre et Ă  son empire et par une nostalgie de l’époque oĂč le Reich dominait l’Europe centrale. Le changement de l’ùre wilhelminienne vient du fait que les initiatives coloniales sont reprises par l’État et que l’empereur s’intĂ©resse personnellement au dĂ©veloppement de la flotte. Cependant, Guillaume II ne souhaite pas une guerre contre les puissances europĂ©ennes, d’oĂč ses reculades qui lui sont reprochĂ©es par les milieux militaristes lors des crises marocaines. Il est alors raillĂ© comme empereur de la paix ». La grande question est de savoir si Guillaume II a une responsabilitĂ© dans le dĂ©clenchement du conflit non, selon Bogdan, qui dissocie les origines de la guerre et la Weltpolitik. Une consĂ©quence de celle-ci est nĂ©anmoins de liguer l’Angleterre, la France et la Russie contre l’Allemagne. Henry Bogdan entend aussi dĂ©montrer le dĂ©sir de paix de Guillaume II pendant la PremiĂšre Guerre mondiale. Le Kaiser est trĂšs affectĂ© par l’attentat de Sarajevo, parce qu’il entretient des liens personnels avec François-Ferdinand et sa femme. Tout en assurant François-Joseph du soutien allemand, il n’envisage qu’une guerre localisĂ©e et rapide contre la Serbie pour Ă©viter l’intervention de la Russie. Par la suite, les dĂ©cisions militaires sont le fait du haut commandement et Guillaume II ne remplit qu’une fonction de reprĂ©sentation. À partir d’aoĂ»t 1916, il perd toute capacitĂ© d’initiative. Contraint de signer la rĂ©forme constitutionnelle votĂ©e par le Reichstag le 28 octobre 1918 qui rend la monarchie parlementaire, il quitte Berlin le 29 octobre. Son abdication est annoncĂ©e par Max de Bade le 9 novembre. Guillaume II, lĂąchĂ© par les militaires, s’exile le 10 novembre aux Pays-Bas, oĂč il est protĂ©gĂ© contre l’extradition rĂ©clamĂ©e par les AlliĂ©s. Menant une vie simple, il est déçu par le courant monarchiste allemand et par Hindenburg, et se tient Ă  distance des nazis, Ă  l’inverse de ses fils. Ses obsĂšques Ă  Doorn en juin 1941 n’émeuvent personne. 63Cette conclusion amĂšne Ă  s’interroger sur la profondeur du sentiment dynastique au cours de la pĂ©riode. Le livre fournit hĂ©las peu de pistes. Les deux chapitres sur l’économie et la sociĂ©tĂ© sont plus des tableaux que des arguments. Quels sont les liens rĂ©els entre l’empereur et son peuple ? Henry Bogdan note qu’il n’y a pas jusqu’en 1914 de profonde remise en cause du rĂ©gime et que l’empereur est respectĂ©. On s’interroge aussi sur la figure de substitution de Hindenburg comme succĂ©danĂ© d’empereur. Quelle Ă©tait au fond l’emprise de l’ordre monarchique en Allemagne ? 64Marie-BĂ©nĂ©dicte VincentLuzzatto Sergio, Le Corps du Duce essai sur la sortie du fascisme, Paris, Gallimard, 2014, 368 p., 28 €65Les morts sont gĂȘnants surtout lorsque que, de leur vivant, ils ont assumĂ© le pouvoir puis ont Ă©tĂ© assassinĂ©s par leurs opposants. Que faire du cadavre abhorrĂ© d’un cĂŽtĂ©, adorĂ© de l’autre ? À quelle gloire ou Ă  quelle infamie doit-il ĂȘtre vouĂ© ? Pourquoi vit-il » Ă  ce point dans les mĂ©moires, alors qu’il n’est plus que dĂ©bris souillĂ©s ou morceaux de chair mutilĂ©s ? 66Le livre de Sergio Luzzatto s’interroge de façon remarquable sur le corps du Duce ; au-delĂ  de son thĂšme prĂ©cis, il apporte Ă  l’anthropologie politique du corps et Ă  nos rĂ©flexions sur la façon dont une sociĂ©tĂ© vit avec l’incarnation physique du pouvoir le corps une grande histoire qui n’a pas encore Ă©tĂ© complĂštement explorĂ©e. Il prouve aussi que l’histoire ne peut s’écrire, entre autres, sans celle des corps, tant dans leur matĂ©rialitĂ© historique, qu’à travers le destin de leur dĂ©faite. De la façon dont est traitĂ© ce corps vaincu, on peut interprĂ©ter un morceau d’histoire sociale et politique. Ici, il s’agit du Duce le 29 avril 1945, Mussolini qui avait fui, revĂȘtu d’une capote allemande, est assassinĂ© par des partisans communistes. Bien avant sa mort, il avait su utiliser son corps hĂ©roĂŻque et convalescent dĂ» Ă  la guerre de 1914, et avait pu dresser son pouvoir fasciste, notamment grĂące Ă  cette posture physique, glorieuse et charismatique. Le temps passant et la Seconde Guerre survenant, rĂ©sistants et communistes vont haĂŻr ce dictateur et lutter contre le fascisme. 67Une fois assassinĂ©, commence la vie de sa dĂ©pouille. En effet, il est pendu par les pieds, avec sa maĂźtresse Esplanade Loreto Ă  Milan, au cours d’une effrayante mise en scĂšne. D’abord inhumĂ© dans une fosse commune, son corps est cachĂ© dans un lieu secret un placard fermĂ© Ă  clĂ© chez des Capucins. Ce n’est qu’en 1957 qu’il est rendu Ă  sa famille. Pour saisir ce temps long oĂč la sociĂ©tĂ© italienne est incapable de gĂ©rer le corps du Duce, Sergio Luzzatto explique avec rigueur et un beau nuancier d’interprĂ©tations comment cela est dĂ» au contexte particulier de l’époque. D’une part, les nĂ©ofascistes survivent Ă  la dĂ©faite et le Duce reste sacrĂ©. En 1952 en effet, beaucoup d’Italiens demeurent nostalgiques de sa prĂ©sence au pouvoir et figĂ©s sur son souvenir. D’autre part, par crainte, la jeune RĂ©publique cache le corps dans un endroit sacrĂ©, afin qu’aucun pĂšlerinage ne soit possible. 68Par ailleurs, une sorte de dĂ©fiance vis-Ă -vis de la rĂ©sistance empĂȘche que se construise une vĂ©ritable mĂ©moire des victimes, rĂ©sistantes et communistes, qui se sont opposĂ©es au fascisme. Le corps du Duce vaut mieux, pense-t-on, que tous les corps torturĂ©s, assassinĂ©s de ceux qui ont rĂ©sistĂ© au rĂ©gime. L’épisode de l’Esplanade Loreto reste traumatique pour les postfascistes et ne permet guĂšre que se mette en place une religion civile » Ă  propos des combattants antifascistes. 69Pour mieux comprendre, Sergio Luzzatto rĂ©flĂ©chit parallĂšlement Ă  ce qui arriva Ă  la dĂ©pouille du leader socialiste Giacomo Matteotti, retrouvĂ©e en 1924, affreusement mutilĂ©e et dĂ©pouillĂ©e de ses organes gĂ©nitaux. Or pour les fascistes, le symbole Ă  dĂ©truire Ă©tait le corps de Matteotti », Ă©crit-il. Il rapproche donc ces deux formes antinomiques et ressemblantes de deuil, qui opposent deux positions politiques inconciliables, et Ă©claire parfaitement qu’il s’agit lĂ  de combats politiques extrĂȘmes dans une pĂ©riode cruciale de l’histoire. 70Cet Ă©pisode de 1924 n’explique pas tout si le corps du Duce s’avĂšre ingĂ©rable, et cela jusqu’en 1957, c’est bien que la mĂ©moire du fascisme reste prĂ©gnante et active, et elle-mĂȘme difficile Ă  enterrer. Les clivages politiques de l’aprĂšs-guerre sont d’une grande subtilitĂ© et expliquent en partie cette longue Ă©popĂ©e macabre. L’essai de Sergio Luzzatto, fort convaincant, permet en outre de rĂ©flĂ©chir, en dehors mĂȘme du cas de Mussolini, Ă  l’utilisation politique et historique, non seulement des corps mais des cadavres, dans bien des conflits passĂ©s ou prĂ©sents. Qui ne se souvient de mai 2011, oĂč les États-Unis envoyait le corps d’Oussama Ben Laden au fond des mers, pour qu’aucune trace de celui-ci ne puisse ĂȘtre un lieu de rassemblement ? Sergio Luzzatto pourrait peut-ĂȘtre nous dire si ce geste spectaculaire, infini, a favorisĂ© la mĂ©moire ou l’oubli
 71Arlette FargeMencherini Robert, La LibĂ©ration et les annĂ©es tricolores 1944-1947 Midi rouge, ombres et lumiĂšres, vol 4 Une histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-RhĂŽne de 1930 Ă  1950, Paris, Syllepse, 2014, 443 p., 25 €72Cet ouvrage constitue le quatriĂšme opus de la sĂ©rie Midi rouge, ombres et lumiĂšres » initiĂ©e en 2004 par Robert Mencherini, spĂ©cialiste de l’histoire sociale et politique des Bouches-du-RhĂŽne des annĂ©es 1930 Ă  1950 et responsable de la Provence pour le Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier. DĂšs l’introduction, ce tome s’inscrit dans la continuitĂ© des prĂ©cĂ©dents, auxquels il est frĂ©quemment fait rĂ©fĂ©rence dans un appareil critique nourri. L’érudition de l’auteur se vĂ©rifie dans les quarante-deux pages de notes en fin de volume, assorties de quatorze pages de bibliographie, ainsi que du corpus important et variĂ© mobilisĂ©. 73En douze chapitres, Robert Mencherini parvient Ă  livrer une haletante synthĂšse » mot qu’il emploie lui-mĂȘme pour qualifier son travail des nombreux travaux, dont les siens, consacrĂ©s Ă  la pĂ©riode 1944-1947. Si l’historiographie la plus rĂ©cente ainsi que ses controverses sont prises en compte, le volume s’apparente avant tout Ă  un rĂ©cit de la LibĂ©ration et de ces annĂ©es dĂ©cisives, riche en anecdotes, en portraits un index prĂ©cieux permet aux lecteurs d’aller d’une biographie Ă  une autre et enracinĂ© dans une gĂ©ographie prĂ©cise du dĂ©partement. La plume, fluide et alerte, laisse une impression de rĂ©el. Le cahier d’illustrations confirme, en quarante-huit planches, cette proximitĂ© avec le sujet. 74Le mĂ©rite de ce tableau foisonnant est de mettre en avant les spĂ©cificitĂ©s marseillaises et rĂ©gionales de cette pĂ©riode de la LibĂ©ration et de renaissance de la RĂ©publique, ici baptisĂ©e annĂ©es tricolores ». Tout d’abord, l’auteur rappelle la pĂ©nibilitĂ© de l’épreuve subie par les populations. Pendant la guerre et jusqu’en 1947, le ravitaillement est trĂšs insuffisant Ă  Marseille, comme dans l’ensemble du Sud-Est de la France. La population souffre, plus qu’ailleurs, de malnutrition et de carences. Par ailleurs, le rĂŽle stratĂ©gique de Marseille et de la Provence aprĂšs le dĂ©barquement de Normandie est soulignĂ©. Les troupes amĂ©ricaines sont stationnĂ©es Ă  Calas ; et le port de Marseille, une fois les liaisons ferroviaires rĂ©tablies, s’avĂšre un soutien indispensable Ă  la remontĂ©e de la vallĂ©e du RhĂŽne par les forces alliĂ©es. Autre originalitĂ© d’une rĂ©gion trĂšs industrialisĂ©e, la poussĂ©e autogestionnaire dans les entreprises y est plus radicale, plus ample et plus longue que dans le reste du pays. Enfin, l’ouvrage s’inscrit Ă  sa maniĂšre dans une histoire de la mauvaise rĂ©putation de Marseille. Mise sous tutelle avant la guerre, la ville inspire la mĂ©fiance Ă  Raymond Aubrac, le commissaire rĂ©gional de la RĂ©publique, mais aussi et surtout Ă  son successeur Paul Haag envoyĂ© par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle avec pour mission d’y remettre de l’ordre. 75CĂ©line RegnardBadalassi Nicolas, En finir avec la guerre froide la France, l’Europe et le processus d’Helsinki, 1965-1975, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Histoire », 2014, 442 p., 23 €76Le livre publiĂ© en 2014 dans la collection Histoire » des Presses universitaires de Rennes par Nicolas Badalassi, intitulĂ© En finir avec la guerre froide la France, l’Europe et le processus d’Helsinki, 1965-1975, est incontestablement majeur. MaĂźtre de confĂ©rences Ă  l’UniversitĂ© de Bretagne-Sud, l’auteur livre une somme de quatre cent quarante-deux pages, toujours parfaitement lisible, sur la politique française et la ConfĂ©rence sur la sĂ©curitĂ© et la coopĂ©ration en Europe CSCE. Cet ouvrage s’appuie sur sa thĂšse de doctorat, qui a elle-mĂȘme reçu le prix DezĂšs en 2012. Il constitue un jalon dans le renouvellement de l’historiographie sur la guerre froide, mais aussi sur la politique Ă©trangĂšre française sous le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, sous Georges Pompidou et sous ValĂ©ry Giscard d’Estaing. Nicolas Badalassi montre ainsi que la CSCE a Ă©tĂ© au cƓur de la politique de dĂ©tente menĂ©e par la France, mais qu’elle a aussi jouĂ© indirectement un rĂŽle en matiĂšre de construction europĂ©enne. Les six chapitres peuvent ĂȘtre regroupĂ©s en deux grandes parties la premiĂšre suit un ordre chronologique, partant des annĂ©es 1960, pour arriver Ă  la confĂ©rence d’Helsinki, en passant par les nĂ©gociations prĂ©liminaires. Les trois chapitres suivants traitent quant Ă  eux de la CSCE d’un point de vue thĂ©matique le quatriĂšme chapitre aborde la question de la premiĂšre corbeille, le cinquiĂšme celle de la troisiĂšme corbeille, et le dernier chapitre, celle de la deuxiĂšme corbeille. À l’issue de ce travail, l’auteur montre que les Occidentaux ont rĂ©ussi Ă  retourner le piĂšge tendu par l’URSS, et que la France a jouĂ© un rĂŽle majeur pour ce faire, qu’il s’agisse de l’adjonction du terme de coopĂ©ration » Ă  la confĂ©rence sur la sĂ©curitĂ© initialement proposĂ©e, ou de l’adoption d’un processus en trois phases, qui a permis d’obtenir des concessions de Moscou. 77Nicolas Badalassi s’inscrit Ă©galement dans le renouveau historiographique, en dĂ©montrant que la politique française tentait bel et bien de dĂ©passer le statu quo europĂ©en, contrairement Ă  ce que pensait l’URSS, persuadĂ©e que la diplomatie française cherchait Ă  le maintenir strictement aux dĂ©pens de la RFA. La France, quoi qu’elle ait Ă©tĂ© un des derniers États occidentaux Ă  donner son accord entier au projet soviĂ©tique, en est devenue un des promoteurs les plus ardents avant son ouverture, puis un de ses acteurs les plus dĂ©terminĂ©s. L’ensemble des questions traitĂ©es par l’ouvrage est ainsi considĂ©rable des frontiĂšres au principe de non-recours Ă  la force, des relations avec les États-Unis Ă  celles avec la CEE. L’insistance de la France au sujet de la coopĂ©ration culturelle ou les limites inhĂ©rentes Ă  la deuxiĂšme corbeille, enfin, inscrivent pleinement cet ouvrage dans un autre dĂ©bat majeur, celui de l’impact qu’a eu la CSCE sur l’évolution de l’Europe de l’Est durant la dĂ©tente. 78Pierre BouillonSocialisme et communismeScot Jean-Paul, JaurĂšs et le rĂ©formisme rĂ©volutionnaire, Paris, Éd. du Seuil, 2014, 361 p., 21 €79Parmi les multiples publications qui se sont succĂ©dĂ© Ă  l’occasion du centenaire de l’assassinat de Jean JaurĂšs en 1914, une place particuliĂšre doit ĂȘtre faite Ă  l’ouvrage de Jean-Paul Scot. Il faut saluer son examen attentif des nombreux textes de JaurĂšs, dans une perspective de dĂ©gager les spĂ©cificitĂ©s d’une voie rĂ©formiste rĂ©volutionnaire ». À l’occasion du centenaire, il s’agit du seul ouvrage de cette ampleur Ă  aborder cette question de façon dĂ©taillĂ©e. 80Le titre de l’ouvrage qui oppose deux termes durablement antagonistes dans l’histoire du mouvement socialiste est volontairement provocateur ; l’historien entend ainsi réévaluer la synthĂšse jaurĂ©sienne entre des rĂ©formes graduelles dans le cadre du systĂšme capitaliste et une perspective rĂ©volutionnaire maintenue, dont atteste notamment sa rĂ©fĂ©rence constante Ă  l’hĂ©ritage de la RĂ©volution de 1789. Jean-Paul Scot critique les approches faisant de JaurĂšs un apĂŽtre du rĂ©formisme politique minimisant les hĂ©ritages marxistes les luttes de classes comme un des grands principes explicatifs de l’histoire et de la vie politique notamment. L’auteur reste dubitatif au sujet de l’ouvrage rĂ©cent de Jacques Julliard sur Les Gauches françaises [3], et on ne peut que partager son scepticisme d’historien rigoureux lorsqu’il affirme qu’ Ă  trop abuser de la rĂ©fĂ©rence Ă  la “gauche”, on ne fait que brouiller les concepts historiques » p. 197. L’application de gĂ©nĂ©alogies rĂ©trospectives pose en effet un problĂšme majeur et l’ouvrage est de ce point de vue une incitation Ă  la rĂ©flexion sur les origines du Parti socialiste, mĂȘme si l’on ne partage pas toutes les analyses de l’auteur qui entend Ă©crire une contre-histoire du socialisme jaurĂ©sien ». 81Quelques points Ă©voquĂ©s mĂ©ritent en effet discussion. Si la formule JaurĂšs ou la fĂ©conditĂ© d’un dialogue constructif avec Marx » p. 340 peut se justifier, il paraĂźt en revanche excessif de dire que JaurĂšs est sans conteste, le meilleur connaisseur du marxisme en France avant 1914 » p. 341-342. Certes JaurĂšs est-il plus attentif Ă  certains textes de Marx que d’autres marxistes comme les guesdistes, mais la proximitĂ© de Jules Guesde et de Paul Lafargue avec Karl Marx et avec Friedrich Engels aurait mĂ©ritĂ© un traitement plus dĂ©taillĂ©. Georges Sorel, une des figures dĂ©cisives de la discussion autour du marxisme de cette Ă©poque, comme l’a bien soulignĂ© AndrĂ© Tosel, est Ă  peine mentionnĂ©. Plus gĂ©nĂ©ralement, Jean JaurĂšs est-il toujours la figure la plus intĂ©ressante au regard de la production des sociaux-dĂ©mocrates allemands et autrichiens de son temps ? MĂȘme si la lecture de ces derniers n’est pas toujours trĂšs aisĂ©e et parfois un peu aride, il semble qu’une confrontation plus systĂ©matique aurait tendance Ă  relativiser certaines originalitĂ©s de Jean JaurĂšs. Cependant, c’est peut-ĂȘtre lĂ  qu’un nouveau chantier d’histoire croisĂ©e doit s’ouvrir et il faut saluer cet ouvrage qui y contribue largement, et dont la lecture s’avĂšre extrĂȘmement stimulante et indispensable pour tous ceux que l’histoire du socialisme intĂ©resse. 82Jean-Numa DucangeDoizy Guillaume et Jarnier Jean-Luc, Jean JaurĂšs, apĂŽtre de la paix une vie en images, Paris, Hugo & cie, 2014, 223 p., 25 €83Les publications sur Jean JaurĂšs ont abondĂ© durant l’annĂ©e anniversaire de 2014. C’est dans cette veine que s’inscrit l’ouvrage de Guillaume Doizy et de Jean-Luc Jarnier. Les deux auteurs, spĂ©cialisĂ©s dans les cultures visuelles de la Belle Époque et la caricature politique Guillaume Doizy, collectionneur et confĂ©rencier, est le fondateur du site Internet ont souhaitĂ© restituer le parcours du leader socialiste en passant avant tout par les images, que ces derniĂšres concernent JaurĂšs lui-mĂȘme ou plus largement son Ă©poque. Ils ont puisĂ© pour cela dans les fonds de certaines institutions le MusĂ©e d’histoire vivante de Montreuil, le Centre national et musĂ©e Jean JaurĂšs de Castres et ont aussi recouru Ă  des collections personnelles, les leurs en particulier. 84Il en ressort un ouvrage foisonnant, qui prĂ©sente les types iconographiques les plus variĂ©s cartes postales, gravures, photographies, dessins de presse, tout en retraçant les diffĂ©rentes facettes de la trajectoire et des engagements jaurĂ©siens l’enfance castraise, les annĂ©es de formation, la silhouette du tribun et du parlementaire d’un cĂŽtĂ© ; la construction d’un socialisme rĂ©publicain, les combats dreyfusards, ouvriers et pacifistes, le rapport Ă  l’école et Ă  la laĂŻcitĂ©. Si les auteurs manifestent leur volontĂ© de s’appuyer surtout sur les images, ils se sont souciĂ©s de leur contextualisation, Ă  travers la prĂ©sentation et la chronologie qui ouvrent chaque chapitre. Le livre constitue ainsi une dĂ©monstration supplĂ©mentaire de l’extrĂȘme richesse visuelle de la pĂ©riode, Ă  l’heure des premiers pas de la culture de masse. Il atteste par ailleurs une nouvelle fois les controverses et les haines que Jean JaurĂšs a suscitĂ©es en son temps, bien loin de l’image irĂ©nique qu’en offre aujourd’hui un certain discours mĂ©diatique. 85On trouve donc un vrai plaisir Ă  feuilleter l’ensemble, mĂȘme s’il s’y mĂȘle parfois quelques regrets. Les introductions aux diffĂ©rents chapitres sont classiques et participent Ă  la sculpture de JaurĂšs comme type idĂ©al de l’homme politique rĂ©publicain sans toujours aller plus avant on peut d’ailleurs s’étonner que la bibliographie finale ne mentionne ni la biographie de Gilles Candar et Vincent Duclert, parue en fĂ©vrier 2014, ni le catalogue de l’exposition qui s’est tenue aux Archives nationales en mars 2014, JaurĂšs, une vie pour l’humanitĂ© », mĂȘme si c’est peut-ĂȘtre une question de dĂ©lai d’édition. En revanche, certains points plus rĂ©cemment explorĂ©s n’apparaissent pas ou sont traitĂ©s rapidement c’est le cas du rapport de JaurĂšs Ă  la culture de son temps ou de ses Ă©volutions sur le fait colonial. Cependant, l’exhaustivitĂ© Ă©tait ici certainement impossible. Le livre a dĂ©jĂ  le mĂ©rite de prĂ©senter une documentation importante, avec un certain nombre d’images originales, et d’inciter Ă  continuer d’approfondir la connaissance de JaurĂšs en son temps, du point de vue des Ă©crits mais aussi de la production iconographique. 86Marion FontaineParet Philippe, Le Communisme rural en Haute-Vienne, Limoges, Presses universitaires de Limoges, Rencontre des historiens du Limousin », 2014, 211 p., 20 €87Dans son ouvrage issu d’un master de recherche rĂ©compensĂ© par le prix LĂ©movice 2014, Philippe Paret s’attache Ă  expliciter les spĂ©cificitĂ©s du communisme rural en Haute-Vienne. Son Ă©tude court de la LibĂ©ration Ă  la fin des annĂ©es 1960, pĂ©riode caractĂ©risĂ©e, selon l’auteur, par un vide historiographique sur la question du communisme rural le mĂ©moire de maĂźtrise de RĂ©mi Darfeuil, Le communisme rural en Haute-Vienne », n’est toutefois pas mentionnĂ© [4]. Il y reprend l’une des problĂ©matiques centrales de la thĂšse de Laird Boswell [5] comment le Parti communiste français, considĂ©rĂ© comme le parti de la classe ouvriĂšre, peut-il avoir une influence rurale ? Pour y rĂ©pondre, l’auteur dĂ©montre tout au long de son Ă©tude que le communisme rural en Haute-Vienne correspond Ă  une culture politique particuliĂšre façonnĂ©e par les ruraux. 88Le Parti communiste est la force politique la plus active et influente de la Haute-Vienne dans l’immĂ©diat aprĂšs-guerre, au moment oĂč le monde paysan commence Ă  connaĂźtre de profondes mutations techniques et une peur du dĂ©clin qui se traduit notamment par l’exode rural. Selon Philippe Paret, l’influence du Parti communiste dans ce dĂ©partement ne passe pas par le recours aux structures traditionnelles du Parti, comme le dĂ©montrent l’activitĂ© limitĂ©e de ses cellules et la faible mobilisation des militants locaux sur des sujets nationaux. Au contraire, elle s’établit grĂące Ă  l’implantation des communistes dans les syndicats agricoles du dĂ©partement et au rĂŽle revendicatif endossĂ© par le Parti communiste sur des sujets chers aux paysans comme la dĂ©fense du statut du fermage et du mĂ©tayage de 1946. Le Parti communiste se place alors en premiĂšre ligne pour dĂ©fendre les petits exploitants haut-viennois en faisant appel Ă  des rĂ©fĂ©rences contestataires anciennes et traditionnelles. Philippe Paret souligne aussi l’importance du Parti communiste comme force de propositions pour accompagner les paysans dans la modernisation agricole ou comme acteur majeur pour recrĂ©er des sociabilitĂ©s au sein des villages. En retour, l’adhĂ©sion des paysans est l’expression d’un idĂ©al de justice, tout en s’inscrivant dans une tradition politique de gauche spĂ©cifique au dĂ©partement depuis le 19e siĂšcle. 89L’étude menĂ©e par Philippe Paret rĂ©ussit Ă  montrer que le communisme rural en Haute-Vienne est un objet politique original Ă  la croisĂ©e du modĂšle communiste traditionnel d’une part, et des attentes ainsi que des usages du politique dans les campagnes d’autre part. L’auteur expose de façon exhaustive les diffĂ©rentes facettes du Parti communiste dans le dĂ©partement. On peut toutefois regretter qu’il n’ait pas analysĂ© plus en profondeur les relations entre communistes et socialistes locaux connus pour leur anticommunisme virulent et leur influence politique majeure dans le dĂ©partement. 90Anna HihnPascal Pierre, Journal de Russie, 1928-1929, Ă©ditĂ© et annotĂ© par Jacques Catteau, Sophie CƓurĂ© et Julie Bouvard, Lausanne, Éd. Noir sur Blanc, 2014, 767 p., 30 €91NĂ© en 1890, Pierre Pascal, normalien et agrĂ©gĂ© de lettres modernes, s’est tĂŽt passionnĂ© pour la Russie oĂč il est parti dĂšs 1911 et 1912, puis en 1916, comme membre de la Mission militaire française. En 1918, fascinĂ© tant par le pays que par la RĂ©volution, il dĂ©cide de ne pas rentrer en France. Il rejoint le Parti communiste local, adopte la nationalitĂ© soviĂ©tique et demeure en URSS jusqu’à 1933, travaillant d’abord pour l’Internationale communiste et pour le Commissariat du peuple aux Affaires Ă©trangĂšres, puis Ă  l’Institut du marxisme-lĂ©ninisme. Quatre tomes du journal qu’il a alors rĂ©digĂ© ont Ă©tĂ© publiĂ©s, entre 1975 et 1982, aux Ă©ditions L’Âge d’Homme. Ils couvrent la pĂ©riode de 1916 Ă  1927, et le slaviste, mort en 1983, les a lui-mĂȘme expurgĂ©s et complĂ©tĂ©s avant publication. En revanche, les deux slavistes et l’historienne qui ont veillĂ© Ă  la prĂ©paration de ce cinquiĂšme tome, jusque-lĂ  inĂ©dit, se sont attachĂ©s Ă  Ă©tablir l’édition la plus scientifique possible ». Leurs notes facilitent d’ailleurs la lecture de ceux qui connaissent peu l’histoire soviĂ©tique. 92Cet ouvrage est une source prĂ©cieuse un tĂ©moignage portĂ©, au jour le jour, sur les annĂ©es 1928-1929, qualifiĂ©es de grand tournant » dans l’historiographie. Staline vient d’écarter ses principaux concurrents, Ă  commencer par Trotsky dont les mĂ©saventures sont racontĂ©es, et il intensifie ses rĂ©pressions contre toute opposition ; le procĂšs de Chakhty se tient ; les dĂ©portations de koulaks » se multiplient. DĂšs lors, il est constamment question, dans ce cinquiĂšme tome, d’arrestations, d’exils intĂ©rieurs et d’exĂ©cutions. Les difficiles conditions de vie des dĂ©tenus sont signalĂ©es, tout comme les reniements au sein des familles. Non seulement Pierre Pascal rĂ©vĂšle la surveillance constante exercĂ©e par le GuĂ©pĂ©ou, la police politique, mais il dĂ©voile Ă©galement la vie presque impossible d’une sociĂ©tĂ© rĂ©duite, littĂ©ralement, Ă  la famine par des dirigeants qui s’accaparent dĂ©jĂ  les privilĂšges matĂ©riels. En gĂ©nĂ©ral, dans les magasins, il n’y a rien », note-t-il le 25 janvier 1928. Les salaires baissent, les prix augmentent, les magasins se vident en juin 1928, il n’y a plus de pain blanc » Ă  Moscou, et plus de pain du tout en Ukraine ; en septembre, le pain manque aussi dans la capitale. Soulignant le rejet de l’idĂ©ologie par les ouvriers comme par les paysans, Pierre Pascal signale des grĂšves il y en aurait eu trois cent trente, en deux ans, dans les seules usines d’État ou coopĂ©ratives » et des rĂ©voltes dans les campagnes. Il constate les rĂ©pressions fĂ©roces contre ceux qui rĂ©sistent au pouvoir, ainsi que les vagues de suicides, comme seul moyen d’exprimer sa protestation ». Il dĂ©plore les destructions des Ă©glises et, constamment, rĂ©solument, relĂšve le mensonge gĂ©nĂ©ralisĂ©, les silences des journaux, la puissance de la censure et l’aveuglement de certains Occidentaux. Son dĂ©senchantement est total C’est tout le systĂšme qui est pourri, qu’il faut changer. » 93CĂ©cile VaissiĂ©CƓurĂ© Sophie, Pierre Pascal la Russie entre christianisme et communisme, Lausanne, Éd. Noir sur Blanc, 2014, 416 p., 25 €94AprĂšs son retour de Russie en 1933, Pierre Pascal est devenu enseignant Ă  l’Institut national des langues et civilisations orientales Inalco, puis Ă  la Sorbonne, et il demeure une figure mythique chez les slavistes non seulement il a Ă©tĂ© le tĂ©moin des premiĂšres annĂ©es soviĂ©tiques, mais ce savant a Ă©galement formĂ© toute une gĂ©nĂ©ration de russisants. Ce mythe est toutefois Ă©branlĂ© par cette biographie dans laquelle, analysant avec rigueur les Ă©crits de Pierre Pascal, Sophie CƓurĂ© dresse le portrait implacable d’un chrĂ©tien bourrĂ© de contradictions, qui, confrontĂ© au pouvoir soviĂ©tique, “marcha” sans exprimer d’état d’ñme », Ă©crit-elle. 95Avant 1917, Pascal, croyant fervent, est sĂ©duit par le tsarisme. Brusquement, lui qui rĂȘve de rendre vraiment la Russie catholique » se passionne pour la rĂ©volution et, devenu bolchevique sans rien connaĂźtre du marxisme ni avoir frĂ©quentĂ© aucun bolchevik », il Ă©crit prier pour LĂ©nine qui serait en un certain sens l’ñme de l’Église ». Boukharine aura donc des raisons de parler de kacha mentale » au sujet de ce Français cherchant Ă  concilier les inconciliables la Somme thĂ©ologique de saint Thomas d’Aquin et Le Capital de Marx ». Pierre Pascal semble indiffĂ©rent aux rĂ©pressions, tant que celles-ci ne touchent pas ses proches. Le pouvoir Ă©tabli le déçoit, voire l’indigne, mais le slaviste se tait sauf dans son journal, se rĂ©fugiant dans ses travaux sur un schismatique du 17e siĂšcle. De retour en France, s’il fait habilement jouer ses rĂ©seaux pour obtenir un poste Ă  l’UniversitĂ©, il garde le silence sur les crimes soviĂ©tiques, contrairement Ă  ses amis Boris Souvarine et Victor Serge. Certes, lui qui a collaborĂ© avec la TchĂ©ka en 1919 et tĂ©moignĂ© Ă  charge, en 1922, dans le procĂšs des socialistes rĂ©volutionnaires, se rapproche, au cours des annĂ©es 1950, de milieux anticommunistes, mais il n’intervient comme tĂ©moin des premiĂšres annĂ©es du pouvoir soviĂ©tique qu’à partir de 1967. MĂȘme alors, il dit peu de chose, expliquant son dĂ©tachement du rĂ©gime, non par une indignation devant les rĂ©pressions, mais par la fin d’un idĂ©al moral et politique ». 96Il est dommage que Sophie CƓurĂ© ne se soit pas risquĂ©e Ă  explorer davantage les raisons de l’aveuglement, puis du silence de Pierre Pascal et de tant d’intellectuels occidentaux face au communisme, mais aussi face Ă  la Russie autoritaire. Tout juste note-t-elle l’amour qu’il Ă©prouvait pour ce pays et qui le conduisait Ă  la dĂ©fense militante de son peuple contre les prĂ©jugĂ©s ». Elle aurait pourtant pu repĂ©rer un indice dans cette fascination de Pierre Pascal pour le peuple russe », une formule qui, loin des rĂ©alitĂ©s sociologiques, encourage aujourd’hui encore les stĂ©rĂ©otypes et s’oppose Ă  la notion d’ individu ». Sophie CƓurĂ© reprend abondamment ce terme de peuple », sans en interroger les limites et comme s’il n’avait pas Ă©tĂ© brandi tel un justificatif par les pires rĂ©gimes totalitaires du 20e siĂšcle. MĂȘme Ă  l’issue de cette biographie, les ambiguĂŻtĂ©s, bien dĂ©crites, de Pierre Pascal restent donc une Ă©nigme. 97CĂ©cile VaissiĂ©Pennetier Claude et Pudal Bernard dir., Le Sujet communiste identitĂ©s militantes et laboratoires du moi, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 258 p., 20 €98Cet essai, composĂ© de deux parties, dont une consacrĂ©e spĂ©cifiquement au cas français, rĂ©sulte pour l’essentiel d’un colloque sur la sociobiographie des militants, tenu Ă  Paris, en dĂ©cembre 2010. Les contributions soulĂšvent Ă  la fois la question de l’inscription des processus de subjectivation communistes dans l’ensemble des processus historiques de longue durĂ©e qui caractĂ©risent “l’État” moderne et celle de la modalitĂ© spĂ©cifique, elle-mĂȘme plurielle suivant les pays, les partis, les moments et les acteurs, de l’expĂ©rience communiste » p. 241. 99Catherine Depretto revient sur le journal de Podlubny 1914-1998, fils de paysans ukrainiens dĂ©koulakisĂ©s, en mettant en avant le concept, repris Ă  Jochen Hellbeck, de subjectivitĂ© soviĂ©tique ». Celui-ci permettrait de mettre en Ă©vidence la participation des individus Ă  la construction des identitĂ©s soviĂ©tiques, sans verser dans aucun moralisme, en refusant de partager la sociĂ©tĂ© soviĂ©tique uniquement entre victimes et bourreaux » p. 28. De son cĂŽtĂ©, Brigitte Studer Ă©tudie les Ă©coles internationales de cadres du Komintern, Ă  partir des analyses de Michel Foucault sur la gouvernementalitĂ© ». Ioana Cirstocea prĂ©sente l’étude de cas d’un ingĂ©nieur roumain ayant fait une demande d’admission au Parti communiste en 1966. Yves Cohen clĂŽt cette premiĂšre partie s’appuyant notamment sur l’enquĂȘte engagement » dans l’entreprise Renault, enquĂȘte Ă  laquelle tous les salariĂ©s Ă©taient soumis en 2006, il soulĂšve ce paradoxe le “travail sur soi” si rĂ©pandu dans le monde communiste depuis les annĂ©es 1920 [est] devenu rĂ©cemment une pratique ordinaire dans les entreprises des sociĂ©tĂ©s libĂ©rales » p. 79. Si ces dĂ©marches relĂšvent de mĂ©thodes spĂ©cifiques, des rapprochements sont nĂ©anmoins Ă  faire. 100Bernard Pudal et Claude Pennetier s’intĂ©ressent Ă  la correspondance entre Albert Vassart 1898-1958 et Cilly Geisenberg, deux leaders communistes de premier plan, dont les lettres tĂ©moignent d’une vĂ©ritable coconstruction de ce que devrait ĂȘtre Ă  leurs yeux un couple communiste » p. 128. Les deux auteurs reviennent, dans un autre article, sur le tournant qui s’opĂšre au cours des annĂ©es 1930 Alors que le premier communisme fait partie intĂ©grante de l’histoire des fĂ©minismes, que pour nombre de militantes communistes de ces premiĂšres annĂ©es, le combat fĂ©ministe et le combat communiste sont Ă©troitement associĂ©s, il n’en est plus de mĂȘme durant les annĂ©es 1930 » p. 165. On notera encore, dans cette seconde partie, la contribution d’Isabelle GouarnĂ© sur les intellectuels philosoviĂ©tiques français dans l’entre-deux-guerres, ainsi que celle de Paul Boulland exposant le processus de certification ouvriĂšre » p. 207 du Parti communiste français dans l’aprĂšs-Seconde Guerre mondiale. 101FrĂ©dĂ©ric ThomasBianco Lucien, La RĂ©cidive rĂ©volution russe, rĂ©volution chinoise, Paris, Gallimard, BibliothĂšque des histoires », 2014, 517 p., 29 €102Quelle gageure que de comparer deux rĂ©volutions ayant chacune produit un vĂ©ritable continent bibliographique ! S’atteler Ă  une tĂąche aussi ambitieuse Ă©tait un vrai pari. Il a Ă©tĂ© tenu dans un livre oĂč Lucien Bianco fait aussi, pour le plus grand bonheur du lecteur, Ɠuvre de tĂ©moin, relatant ses nombreuses expĂ©riences personnelles au contact de la RĂ©volution chinoise son premier voyage en Chine date de 1954. 103Le beau titre souligne la thĂšse centrale, Ă  savoir que la RĂ©volution chinoise a roulĂ© dans les orniĂšres de sa devanciĂšre, en tombant immanquablement dans les mĂȘmes travers. Cela s’explique par une influence directe Ă  l’époque de sa genĂšse 1921-1949, la RĂ©volution chinoise est reliĂ©e Ă  sa devanciĂšre par un cordon ombilical qui s’appelle le Komintern. Ensuite, jusqu’en 1956, pendant la lune de miel avec le grand frĂšre soviĂ©tique », elle accueille des milliers de conseillers russes et adopte sans Ă©tats d’ñme le modĂšle stalinien. 104On retrouve donc la mĂȘme philosophie d’ensemble avec des choix majeurs comme le centralisme dĂ©mocratique, qui se traduit trĂšs tĂŽt par la vitrification de la vie culturelle et intellectuelle. Dans le domaine Ă©conomique, la paysannerie est sacrifiĂ©e au mot d’ordre d’industrialisation Ă  outrance. Le livre est composĂ© de neuf chapitres qui mettent chacun en lumiĂšre un aspect diffĂ©rent de cette convergence retard, rattrapage, politique, paysans, famines, bureaucratie, culture, camps et monstres. 105Il est remarquable que les deux systĂšmes connaissent les mĂȘmes emballements dramatiques, en particulier de terribles famines. Ils ont Ă©galement abouti Ă  confĂ©rer une importance Ă©norme Ă  un seul individu vers lequel tout a fini par converger, d’oĂč le chapitre monstres », une comparaison entre Staline et Mao, deux hommes qui ont sur la conscience non pas des millions, mais des dizaines de millions de morts. 106Les similitudes vont se loger jusque dans le vocabulaire Grand Bond en avant, RĂ©volution culturelle sont par exemple des termes empruntĂ©s Ă  la rĂ©volution russe. On retrouve aussi un goĂ»t commun pour une façade dĂ©mocratique lues au pied de la lettre, les Constitutions de 1936 et de 1954 sont des modĂšles de libĂ©ralisme. 107Le communisme Ă  la chinoise, si souvent glorifiĂ© en Chine aprĂšs la rupture sino-soviĂ©tique, est donc un trompe l’Ɠil. La dĂ©monstration que le maoĂŻsme comme idĂ©ologie est un avatar du stalinisme plus que du marxisme stricto sensu menĂ©e dans le superbe chapitre intitulĂ© Politique » emporte la conviction. 108Confronter, en cinq cents pages, deux rĂ©volutions dĂ©calĂ©es d’un quart de siĂšcle et nĂ©anmoins Ă©troitement liĂ©es Ă©tait une entreprise particuliĂšrement dĂ©licate, qui exigeait non seulement un ordonnancement rigoureux des idĂ©es, mais aussi une tension constante dans l’écriture. C’est par lĂ  que la RĂ©cidive pĂšche un peu assez clair dans les premiers chapitres, le fil de l’exposĂ© se fait parfois plus difficile Ă  suivre dans la seconde partie d’un livre par ailleurs guĂšre servi par son Ă©dition que de coquilles et d’anglicismes pour une collection aussi prestigieuse ! 109Xavier PaulĂšsPolitique françaiseKrop JĂ©rĂŽme, La MĂ©ritocratie rĂ©publicaine Ă©litisme et scolarisation de masse sous la TroisiĂšme RĂ©publique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 174 p., 17 €110Jean-François Chanet le souligne d’emblĂ©e dans sa prĂ©face La nostalgie pour l’école de la TroisiĂšme RĂ©publique est l’un des traits qui accompagnent dans notre pays la prise de conscience collective de l’échec des idĂ©aux Ă©galitaires de l’aprĂšs-guerre. » À cet Ă©gard, l’ouvrage de JĂ©rĂŽme Krop est rien moins que nostalgique ! Extrait de sa thĂšse de doctorat sur Les fondateurs de l’école du peuple corps enseignants, institution scolaire et sociĂ©tĂ© urbaine 1870-1920 » [6], le livre va en effet au cƓur social de la question scolaire de quelle Ă©galitĂ© la dĂ©mocratisation tertio-rĂ©publicaine fut-elle porteuse ? Ce faisant, il rouvre chez les historiens de l’école le chantier de la question sociale. 111Son propos, fortement charpentĂ© et clairement nuancĂ©, est trĂšs convaincant la scolarisation de masse par l’école rĂ©publicaine a entraĂźnĂ© une augmentation considĂ©rable de la culture maĂźtrisĂ©e par la population voir l’accroissement des dĂ©tenteurs du certificat d’études mais aussi un maintien des inĂ©galitĂ©s sociales. Dit sommairement, la mĂ©ritocratie ne fut pas pour tous et les habituelles distinctions socioculturelles et spatiales se sont perpĂ©tuĂ©es. JĂ©rĂŽme Krop dĂ©boulonne salutairement les idĂ©es reçues sur l’école de Jules Ferry », donne parfaitement Ă  lire le systĂšme GrĂ©ard » comme fondateur d’élitisme et propose des pistes passionnantes telle que celle d’une histoire Ă  faire du redoublement comme systĂšme de protection des meilleurs dĂšs les annĂ©es 1880. Toutefois, derriĂšre les clichĂ©s de notre Ă©poque que JĂ©rĂŽme Krop dĂ©truit Ă  la suite d’Antoine Prost ou de Patrick Cabanel, cette Ă©cole de la Belle Époque se voulait-elle Ă©galitaire ? La dĂ©mocratisation de la RĂ©publique des Jules n’était-elle pas avant tout politique ? La scolarisation dĂ©ployĂ©e jusqu’aux masses visait-elle autre chose que la politisation des tĂȘtes blondes, c’est-Ă -dire leur rĂ©publicanisation ? À cette aune, la premiĂšre TroisiĂšme RĂ©publique n’a-t-elle pas rĂ©ussi sa dĂ©mocratisation qui Ă©tait politique et non sociale ? 112Au total, Ă  condition de ne pas se laisser prendre au titre plutĂŽt abusif d’un livre qui ne concerne ni toute la RĂ©publique il s’agit du seul dĂ©partement de la Seine, ni toute la TroisiĂšme RĂ©publique pas vraiment celle de l’entre-deux-guerres, ni exactement notre dĂ©mocratisation sociale, puissamment renouvelĂ©e par le Front populaire, donc pas tout Ă  fait notre mĂ©ritocratie, on tient avec cet ouvrage une trĂšs nourrissante et neuve monographie sur l’élitisme rĂ©publicain et la scolarisation de masse dans le dĂ©partement de la Seine Ă  la Belle Époque. On y retrouve toutes les remarquables qualitĂ©s des thĂšses de doctorat en histoire sociale centrĂ©es sur un corpus de sources labourĂ© exhaustivement. C’est d’un grand prix ! DĂšs lors, on attend avec impatience l’ouvrage annoncĂ© de JĂ©rĂŽme Krop, La PremiĂšre GĂ©nĂ©ration des instituteurs rĂ©publicains dans la Seine 1870-1920 [7], portant sur le cƓur de sa thĂšse de doctorat, afin d’y lire Ă  plein les renouvellements de nos connaissances sur les instituteurs de la Belle Époque. 113Olivier LoubesNaquet Emmanuel, Pour l’HumanitĂ© la Ligue des droits de l’Homme de l’affaire Dreyfus Ă  la dĂ©faite de 1940, prĂ©f. de Pierre Joxe, postf. de Serge Berstein, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 684 p., 29 €114GrĂące Ă  cet ouvrage, l’histoire de la Ligue des droits de l’Homme, de sa fondation aux dĂ©buts de la Seconde Guerre mondiale, est enfin accessible dans son ensemble et sous une forme actualisĂ©e par les derniĂšres recherches de l’auteur. Le beau format offert par l’éditeur permet de conserver une trame trĂšs dense dans cette version pourtant abrĂ©gĂ©e de la thĂšse de doctorat qu’Emmanuel Naquet avait consacrĂ©e Ă  ce monument constitutif de la RĂ©publique » qui la marqua notamment en raison de sa pĂ©rennitĂ© et de son audience. L’ensemble est Ă©crit d’une trĂšs belle plume, tout Ă  la fois littĂ©raire et d’une grande efficacitĂ©, qui ne sacrifie donc pas le style Ă  la prĂ©cision d’un propos tout en nuances. La prĂ©face de Pierre Joxe et la postface de Serge Berstein apportent des Ă©clairages synthĂ©tiques sur ce travail appelĂ© Ă  devenir un grand classique de l’histoire de la TroisiĂšme RĂ©publique. 115Si le plan d’ensemble est chronologique premiĂšre partie des origines de la Ligue Ă  1914 ; deuxiĂšme partie sur l’ entre-deux de l’engagement politique » entre 1914 et 1932 ; troisiĂšme partie sur la Ligue des droits de l’Homme dans les annĂ©es 1930 face aux totalitarismes et Ă  la montĂ©e des tensions nationales et internationales, chacune des parties est construite thĂ©matiquement. La perspective diachronique permet de conserver une grande cohĂ©rence Ă  la dĂ©monstration et de montrer combien l’histoire de cette association est profondĂ©ment tributaire de la gĂ©nĂ©ration qui, initialement, la dirige, mais aussi du temps politique national et international. Le traitement Ă©galement thĂ©matique nous fait pĂ©nĂ©trer au cƓur des dossiers auxquels les dirigeants de la Ligue ont choisi de consacrer l’organisation. 116Cet ouvrage offre une incroyable variĂ©tĂ© de pistes de rĂ©flexion et est appelĂ© Ă  ravir un lectorat d’une grande diversitĂ©. Les historiens du politique y trouveront une indispensable synthĂšse pour parfaire le tableau de la sociĂ©tĂ© politique sous la TroisiĂšme RĂ©publique rĂ©affirmation des valeurs rĂ©publicaines, capacitĂ© de mobilisation des rĂ©seaux qui unissent de simples citoyens et des Ă©lus, importance de la presse et des publications pour dĂ©fendre les opinions, travail de lobbying auprĂšs des Ă©lus, cĂ©citĂ© partielle aussi Ă  l’égard des ligueurs accĂ©dant au pouvoir. Les historiens du culturel y puiseront de riches analyses sur les Ă©tapes et les formes de l’engagement civique ou politique des Ă©lites, notamment des intellectuels, ou sur les modes de sociabilitĂ© au sein de la Ligue. Les historiens du droit apprĂ©cieront les analyses sur l’implication d’une association dans le domaine juridique, sa capacitĂ© Ă  ĂȘtre une vigie du droit, Ă  dĂ©fendre des principes comme des dossiers particuliers. La volontĂ© de l’auteur de traiter du combat ligueur aussi dans sa dimension internationale offre des pistes Ă©galement dans ce domaine de l’histoire capacitĂ© de la Ligue Ă  essaimer Ă  l’étranger, volontĂ© de fĂ©dĂ©rer les diffĂ©rentes ligues nationales pour donner plus d’écho Ă  leur combat, souci de montrer, au-delĂ  de la dĂ©fense de cas individuels, les dangers pesant plus gĂ©nĂ©ralement sur les droits et les libertĂ©s dans le monde, soutien concret aux rĂ©fugiĂ©s. 117Outre la mention des sources utilisĂ©es, commentĂ©es dans la trĂšs utile introduction, et de classiques orientations bibliographiques, notons dans cette version publiĂ©e un index fouillĂ© et un cahier photographique couleur qui offrent des reproductions de documents d’archives donnant corps Ă  cette histoire, notamment les unes ou les couvertures de publications de la Ligue, les portraits photographiques de membres du ComitĂ© central. Les renvois Ă  la thĂšse de doctorat consultable en ligne assurent enfin aux lecteurs de pouvoir aisĂ©ment se rĂ©fĂ©rer aux documents joints de la version originelle de ce travail. 118Anne-Laure AnizanIgounet ValĂ©rie, Le Front national de 1972 Ă  nos jours le parti, les hommes, les idĂ©es, Paris, Éd. du Seuil, 2014, 495 p., 24 €119SpĂ©cialiste du nĂ©gationnisme en France, l’historienne ValĂ©rie Igounet propose une synthĂšse de l’histoire du Front national depuis sa crĂ©ation en 1972 jusqu’à sa place centrale dans le jeu politique actuel. Pour mener Ă  bien son travail, elle a dĂ©pouillĂ© de nombreux fonds d’archives, certains inĂ©dits, et rĂ©alisĂ© des entretiens avec des membres historiques du Front national, Ă  commencer par Jean-Marie Le Pen. La spĂ©cificitĂ© du Front national dans le jeu politique national impose que l’on en restitue la genĂšse politique et intellectuelle depuis qu’Alain Robert, le fondateur d’Ordre nouveau le mouvement Occident ayant Ă©tĂ© dissous en 1968, a suggĂ©rĂ© Ă  l’ancien dĂ©putĂ© poujadiste Jean-Marie Le Pen de rejoindre le projet de crĂ©ation d’un Front national pour l’unitĂ© française » en 1972. 120Adoptant un plan chronologique comportant cinq parties, des lendemains de 1968 jusqu’à l’ascension de la fille du leader historique en 2011, l’historienne retrace une histoire complexe marquĂ©e par les prises de position qui isolent durablement le Parti notamment le point de dĂ©tail de l’histoire » et les crises internes, en particulier la scission mĂ©grĂ©tiste de 1999. De ce point de vue, on ne peut ĂȘtre que marquĂ© par la maniĂšre dont ce parti s’est nĂ©anmoins dĂ©veloppĂ© alors mĂȘme qu’en 1981, Jean-Marie Le Pen n’était pas parvenu Ă  rassembler les signatures suffisantes pour se prĂ©senter Ă  l’élection prĂ©sidentielle et que le mouvement comptait alors Ă  peine cent cinquante adhĂ©rents Ă  jour de cotisation. Il convient de remettre sa trajectoire en perspective par rapport Ă  la ligne gauche-droite qui traversait jusque-lĂ  la vie politique ; le Front national ayant refusĂ© en 1986 de devenir un alliĂ© occasionnel de la droite revenue alors au pouvoir tandis que la gauche tentait d’en jouer pour contrer la droite Pierre BĂ©rĂ©govoy parlant d’une chance historique pour les socialistes ». L’auteur met Ă©galement en avant l’importance de la structuration du Parti par Bruno MĂ©gret et ses Ă©quipes. Le Front national devient alors une vĂ©ritable machine Ă©lectorale disposant d’un appareil extrĂȘmement structurĂ©. La crise qui Ă©clate aprĂšs l’éviction du clan mĂ©grĂ©tiste en 1999 rend d’autant plus surprenants les rĂ©sultats du premier tour des Ă©lections prĂ©sidentielles de 2002 qui hissent l’extrĂȘme droite française Ă  un niveau jamais atteint jusque-lĂ . Cette synthĂšse trĂšs bien documentĂ©e permet au final de mieux dĂ©finir l’identitĂ© sociopolitique d’un parti hors-norme, en mettant l’accent sur ces spĂ©cificitĂ©s, qu’il s’agisse de sa plasticitĂ© en matiĂšre doctrinale, notamment vis-Ă -vis des États-Unis, ou bien encore des tensions qui existent au sein du mouvement entre une approche pragmatique ayant pour perspective l’exercice du pouvoir, et le maintien d’une idĂ©ologie dure qui flirte avec la pensĂ©e historique de l’extrĂȘme droite datant de la fin du 19e siĂšcle. 121Thibault TellierSociĂ©tĂ© françaiseMension-Rigau Éric, SinguliĂšre noblesse l’hĂ©ritage nobiliaire dans la France contemporaine, Paris, Fayard, Histoire », 2015, 377 p., 20 €122À l’instar de ses prĂ©cĂ©dents ouvrages, notamment Aristocrates et grands bourgeois [8], Éric Mension-Rigau, professeur d’histoire contemporaine et titulaire de la chaire d’histoire sociale et culturelle Ă  la Sorbonne, s’attache dans ce nouvel opus Ă  croiser histoire de la famille et sociologie des Ă©lites. Il mĂȘle avec brio connaissances approfondies du sujet qu’il Ă©tudie depuis plus d’un quart de siĂšcle, rigueur historique et mĂ©thode ethnosociologique, grĂące Ă  de nombreux entretiens. 123L’auteur apporte une analyse prĂ©cise et documentĂ©e sur l’évolution de la noblesse française au tournant du 21e siĂšcle. Le livre se lit trĂšs agrĂ©ablement, faisant alterner analyses et citations. DestinĂ© Ă  un public concernĂ© par l’histoire des Ă©lites, l’ouvrage intĂ©ressera plus largement tous ceux qui cherchent Ă  comprendre l’évolution de la sociĂ©tĂ© d’aujourd’hui. Au fil des pages, sont abordĂ©es successivement et avec une grande finesse les Ă©volutions de ce milieu social singulier » liĂ©es aux changements rapides de la sociĂ©tĂ© française actuelle. Dans un premier temps, est analysĂ© un monde de mĂ©moire » au prisme de la crise » et des dĂ©fis » de la transmission des biens en particulier le chĂąteau familial ainsi que des valeurs essentielles de la noblesse. Une attention particuliĂšre est portĂ©e Ă  l’étude de l’évolution du droit qui peut ĂȘtre en contradiction avec les principes nobiliaires. Les aspects de l’attraction du pouvoir, du service et du rang Ă  tenir ainsi que du code aristocratique sont largement Ă©tudiĂ©s dans une deuxiĂšme partie. Un troisiĂšme temps est consacrĂ© aux arbitres des Ă©lĂ©gances » et notamment Ă  la distinction ». La conclusion pose la judicieuse question de savoir comment conserver une identitĂ© nobiliaire propre si l’on ne se situe plus dans la chaĂźne de l’histoire. 124D’un point de vue formel, on peut regretter, en annexe, l’absence de liste des entretiens menĂ©s par l’auteur et leur date de rĂ©alisation, essentielle pour montrer l’évolution de la noblesse depuis les travaux prĂ©cĂ©dents de l’auteur. Sur le fond, la question qui demeure aprĂšs la lecture passionnante de SinguliĂšre noblesse est de savoir, au-delĂ  de l’incontestable hĂ©ritage nobiliaire », s’il demeure vĂ©ritablement une spĂ©cificitĂ© de la noblesse liĂ©e Ă  l’honneur ou Ă  la volontĂ© de tenir son rang ou si elle s’est fondue avec la bourgeoisie ancienne du vieil argent dans une Ă©lite plus vaste dont le point commun resterait l’attachement indĂ©fectible Ă  ses valeurs traditionnelles, notamment catholiques. Le mĂ©canisme du maintien de la position de la noblesse lui est-il singulier » ou est-il l’illustration d’un phĂ©nomĂšne plus gĂ©nĂ©ral de maintien des Ă©lites ? 125Odile Gaultier-VoituriezBianchi Serge, Une tragĂ©die sociale en 1908 les grĂšves de Draveil-Vigneux et Villeneuve-Saint-Georges, NĂ©rac, Amis du vieux NĂ©rac/ComitĂ© de recherches historiques sur les rĂ©volutions de l’Essonne/Éditions d’Albret, 2014, 665 p., 20 €126La longue grĂšve des terrassiers du Val-de-Seine, au printemps 1908, est bien connue des spĂ©cialistes. Elle s’inscrit dans le vaste ensemble des conflits sociaux qui, au lendemain du 1er Mai sanglant de Fourmies 1891, se signalent par la rudesse des affrontements, l’usage de la troupe, les morts ouvriĂšres, et marquent, si l’on suit les analyses classiques, le dĂ©but d’un nouvel Ăąge de la grĂšve ou, mieux, le moment de la plus forte tension entre un syndicalisme en plein essor, un patronat conquĂ©rant et des gouvernements inquiets de la poussĂ©e socialiste. 127Faisant le constat du silence qui entoure les Ă©vĂ©nements de Draveil, Vigneux et Villeneuve-Saint-Georges sur les lieux mĂȘmes de la tragĂ©die » six morts, Serge Bianchi, professeur Ă©mĂ©rite Ă  l’UniversitĂ© Rennes-II, animateur de plusieurs sociĂ©tĂ©s savantes de l’Essonne, entend faire Ɠuvre de mĂ©moire dans le respect des archives ». S’appuyant sur l’ouvrage pionnier de Jacques Julliard [9], Clemenceau, briseur de grĂšves, dont il entreprend de revisiter les conclusions, il prĂ©sente scrupuleusement le contexte local, le fil des Ă©vĂ©nements, les enjeux nationaux et les logiques mĂ©morielles. De la masse d’informations disponibles sur cette grĂšve qui renvoie aux transformations de la surveillance policiĂšre Ă  l’ñge du prĂ©fet LĂ©pine et aux inquiĂ©tudes du gouvernement face Ă  un conflit se radicalisant aux portes de Paris dans un secteur vital pour les travaux de la capitale rĂ©sulte un ouvrage particuliĂšrement riche, mais au systĂ©matisme dĂ©concertant, qui n’évite ni les rĂ©pĂ©titions ni les dĂ©veloppements trop gĂ©nĂ©raux sur le rĂŽle de la presse ou les acteurs nationaux du drame Victor Griffuelhes, Jean JaurĂšs, Paul Lafargue, Georges Clemenceau. Au-delĂ  de l’analyse des ressorts syndicaux et politiques du conflit, l’ouvrage lance de nombreuses hypothĂšses stimulantes sur les mĂ©tamorphoses d’une banlieue en pleine croissance oĂč se croisent populations locales et nouveaux venus de France ou de l’étranger, sur les mutations du travail dans le contexte d’une accĂ©lĂ©ration de l’industrialisation et sur l’émergence d’un patronat combatif en rupture avec les vieilles logiques paternalistes. 128Nous regretterons avec l’auteur que la documentation disponible ne permette pas toujours de franchir le mur quotidien de la grĂšve, mĂȘme si nous disposons d’informations sur les rĂ©unions, les dĂ©placements, les soupes communistes, la vie des familles ou la situation des enfants qui permettraient, en les creusant, d’esquisser une premiĂšre anthropologie de la grĂšve dans laquelle la question des solidaritĂ©s, des tensions, des contacts avec les autoritĂ©s, des violences, du rapport complexe Ă  la machine, du rythme et des respirations de la grĂšve seraient en mesure de mieux Ă©clairer les transformations en cours du monde ouvrier. Compte tenu du propos initial sur les sources, une place centrale est accordĂ©e aux reproductions de documents qui ne sont malheureusement pas toujours exploitables du fait de leur petite taille. C’est dommage. 129StĂ©phane GaconFontaine Marion, Fin d’un monde ouvrier LiĂ©vin, 1974, Paris, Éd. de l’EHESS, Cas de figure, 36 », 2014, 240 p., 16 €130La dĂ©sindustrialisation qui touche l’économie des pays occidentaux depuis environ un demi-siĂšcle n’est pas la fin de l’industrie. Cependant, ce processus est incontestablement le terme d’un systĂšme productif nĂ© Ă  la fin du 19e siĂšcle et qui avait organisĂ© les sociĂ©tĂ©s occidentales autour de grands secteurs industriels liĂ©s notamment au charbon et au minerai de fer. En France, les houillĂšres du Nord-Pas-de-Calais en ont longtemps Ă©tĂ© un des emblĂšmes ; les gueules noires » faisant figure d’archĂ©types d’une classe ouvriĂšre courageuse soumise aux dangers de l’extraction souterraine du charbon. Au cours de la seconde moitiĂ© du 20e siĂšcle, mĂȘme si l’évolution des mesures de sĂ©curitĂ© et les progrĂšs techniques ont rendu les risques moins importants dans les galeries, des mineurs ont encore Ă©tĂ© blessĂ©s, silicosĂ©s ou tuĂ©s, les grandes catastrophes miniĂšres continuant Ă©galement de jalonner la mĂ©moire et l’histoire charbonniĂšres. Marion Fontaine revient sur l’une des derniĂšres Ă  s’ĂȘtre dĂ©roulĂ©e sur le territoire français celle de LiĂ©vin, survenue en 1974 et qui fit quarante-deux morts. Elle l’analyse selon une perspective d’histoire politique et sociale, tout en rĂ©alisant de nombreuses incursions bienvenues dans le domaine de l’histoire des reprĂ©sentations, principalement Ă  partir de sources archivistiques et journalistiques. 131Cette catastrophe apparaĂźt comme un dramatique indice » p. 39 de la disparition du monde industriel ancien. PrĂ©cisĂ©ment, l’un des nombreux mĂ©rites du livre, en plus de sa grande intelligibilitĂ©, est de prĂ©senter la dimension anachronique de cet Ă©vĂ©nement dans la France de la fin des Trente Glorieuses. MĂȘme le mythe du mineur martyr n’a plus le mĂȘme Ă©cho au moment de LiĂ©vin. Les temps ont changĂ©. Les forçats de la terre sont devenus des techniciens. Tandis que l’activitĂ© miniĂšre disparaĂźt, les gueules noires » sont dĂ©sormais des perdants magnifiques » p. 53. L’extrĂȘme gauche, si dynamique en cet aprĂšs-68, a d’ailleurs beaucoup de difficultĂ©s Ă  utiliser positivement le monde des mineurs dans son argumentation idĂ©ologique, alors que la ConfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale du travail CGT et le Parti communiste français PCF continuent de se revendiquer comme Ă©tant les porte-parole les plus lĂ©gitimes de cette composante de la classe ouvriĂšre. Cependant, au milieu des annĂ©es 1970, davantage qu’une armĂ©e de rĂ©volutionnaires en marche, les populations miniĂšres apparaissent comme les victimes d’un ordre industriel ancien. La dĂ©fense des familles des mineurs morts lors de la catastrophe reposant mĂȘme sur l’action d’un petit juge » dont l’objectif s’inscrit dans un mouvement plus large de criminalisation gĂ©nĂ©ralisĂ©e des accidents de travail » p. 157 qui n’aboutira pas. 132Si LiĂ©vin est une impasse politique et judiciaire » p. 224, l’évĂ©nement correspond aussi Ă  des changements culturels et sociaux importants au sein des populations ouvriĂšres dans la façon de considĂ©rer les risques professionnels ou dans la maniĂšre d’exiger la dĂ©mocratisation et la transparence. Une nouvelle identitĂ© ouvriĂšre est alors en construction. 133Pascal RaggiTrajectoires politiques et intellectuellesFormaglio CĂ©cile, FĂ©ministe d’abord » CĂ©cile Brunschvicg 1877-1946, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Archives du fĂ©minisme », 2014, 334 p., 22 €134CĂ©cile Brunschvicg fait partie de ces personnalitĂ©s dont le nom dit quelque chose Ă  tout historien du 20e siĂšcle, puisqu’elle est l’une des trois premiĂšres femmes françaises Ă  avoir participĂ© Ă  un gouvernement, celui de LĂ©on Blum en 1936, avec IrĂšne Joliot-Curie et Suzanne Lacore. Cependant, elle fait aussi partie de ces personnalitĂ©s dont l’histoire n’a retenu qu’un seul fait de gloire », occultant pour la postĂ©ritĂ© la richesse et la complexitĂ© d’une vie et d’un itinĂ©raire d’engagement. C’est pour cela que le travail biographique que lui a consacrĂ© CĂ©cile Formaglio tout au long de son parcours universitaire et dont ce livre, issu de sa thĂšse de doctorat, rend compte, est d’une grande utilitĂ© tant pour l’histoire des femmes et du genre que pour l’histoire des intellectuels, l’histoire politique et l’histoire sociale. 135Cette Ă©tude ne rĂ©vĂšle pas une femme d’avant-garde, mais une femme patiemment rĂ©formiste, d’autant plus soucieuse d’amĂ©liorer le sort des femmes qu’elle est consciente de la chance que son statut social elle fait partie de la haute bourgeoisie aisĂ©e et conjugal son Ă©poux, l’universitaire LĂ©on Brunschvig, est lui aussi convaincu de l’égalitĂ© des sexes lui offre. L’auteur montre que les engagements de CĂ©cile Brunschvicg se sont dĂ©veloppĂ©s Ă  partir d’un cadre de pensĂ©e nourri du fĂ©minisme. L’approche Ă  la fois chronologique et thĂ©matique permet de suivre les combats fĂ©ministes, sociaux et politiques, qu’elle a menĂ©s pendant des annĂ©es, et de voir l’évolution de sa pensĂ©e sur diffĂ©rentes questions le contrĂŽle des naissances, l’éducation des filles, le travail des femmes, le suffrage fĂ©minin, etc.. Elle permet aussi de mesurer la part immense prise dans la vie de CĂ©cile Brunschvicg par ses activitĂ©s militantes dans les associations fĂ©ministes, notamment l’Union française pour le suffrage des femmes et le Conseil national des femmes françaises, Ă  la direction du journal La Française, au Parti radical et dans diffĂ©rents groupes d’experts. Elle rĂ©vĂšle aussi leur dimension souvent internationale. 136La structuration dynamique de l’ouvrage en rend la lecture Ă  la fois aisĂ©e et stimulante. Le cahier d’illustrations central incarne cette histoire dont les sources sont peu loquaces sur la vie intĂ©rieure et les Ă©motions de cette femme, y compris dans les pĂ©riodes douloureuses des guerres mondiales. À ce sujet, le dernier chapitre est passionnant et nul doute qu’il y aurait beaucoup Ă  Ă©crire encore sur la façon dont CĂ©cile Brunschvicg a traversĂ© la pĂ©riode de l’Occupation dans la clandestinitĂ©. 137Anne RenoultStenger Nicolas, Denis de Rougemont les intellectuels et l’Europe au xxe siĂšcle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, 410 p., 22 €138Denis de Rougemont, l’un des rares penseurs de l’Europe unie et fĂ©dĂ©rale au 20e siĂšcle, suscite rĂ©guliĂšrement l’attention des spĂ©cialistes de l’europĂ©isme on peut aussi citer les travaux de François de Saint-Ouen. Incontestablement, dans une bibliographie dĂ©jĂ  riche, ce travail mĂ©rite un dĂ©tour. Le livre vaut par son approche soigneuse par exemple, les activitĂ©s du publiciste dans la guerre froide culturelle et surtout critique ainsi que par sa capacitĂ© Ă  dĂ©coller de certaines histoires pieuses qui ont, parfois, caractĂ©risĂ© l’historiographie de la construction de l’Europe. Un Jean-Pierre Rioux avait contestĂ© il y a quelques annĂ©es cette histoire tĂ©lĂ©ologique en forme de supplĂ©ment d’ñme Ă  la construction europĂ©enne » VingtiĂšme SiĂšcle, n° 50, avril-juin 1996. Ici, l’auteur nuance non, le congrĂšs de La Haye en 1948 ne fut pas un dĂ©part vraiment rĂ©ussi de l’aventure europĂ©enne, rĂ©vise les activitĂ©s culturelles menĂ©es par Denis de Rougemont, dont le fameux Centre europĂ©en de la culture nĂ© en 1950, furent toujours trĂšs prĂ©caires et, somme toute, prend largement Ă  contrepied le bilan des activitĂ©s europĂ©ennes de Rougemont s’avĂšre plutĂŽt dĂ©cevant bon nombre de propos optimistes sur le rĂŽle de certains intellectuels dans la cause europĂ©enne. On pourrait plutĂŽt parler de leur marginalitĂ© par rapport aux diverses instances politiques europĂ©ennes. 139On s’étonne des efforts dĂ©ployĂ©s pendant trente ans aprĂšs 1947, moment oĂč ce travail dĂ©marre par l’écrivain suisse et quelques-uns de ses proches dont surtout l’éminence grise » polonaise Joseph Retinger et le banquier Paul Van Zeeland qui le soutinrent dans les moments les plus pĂ©rilleux et le peu d’échos concrets rencontrĂ©s. Les milieux d’affaires les industriels suisses Ă©tant peut-ĂȘtre les moins ladres et les milieux politiques du Conseil de l’Europe se montrĂšrent en permanence avares. Le fameux groupe de Bilderberg, dont Denis de Rougemont Ă©tait membre et auquel une histoire complotiste » prĂȘte beaucoup, s’est finalement avĂ©rĂ© incapable d’aider sĂ©rieusement le Centre europĂ©en de culture en dĂ©pit de la prĂ©sence de nombreux banquiers et industriels. Les Fondations amĂ©ricaines restĂšrent quant Ă  elles constamment sceptiques devant ses projets, et ce bien que de Rougemont fĂ»t une personnalitĂ© Ă©minente du CongrĂšs pour la libertĂ© de la culture largement financĂ© par la Fondation Ford. Pour les rares intellectuels d’esprit europĂ©en Aron, Madariaga, Mounier, leur collaboration fut le plus souvent dĂ©cevante ou Ă©pineuse, comme avec le recteur de Nancy, Jean Capelle. Certes, le Centre europĂ©en de la culture, via son prĂ©cieux Bulletin tirĂ© Ă  quatre mille exemplaires, porte toute une sĂ©rie de projets, scientifiques il lance le CERN de GenĂšve, culturelles crĂ©ation de l’association des Instituts d’études europĂ©ennes et de l’association europĂ©enne des festivals de musique ou pĂ©dagogiques les plans de causeries » diffusĂ©s Ă  plus d’un million d’exemplaires en 1952. Cependant, les rĂ©sultats d’ensemble sont minces et les vicissitudes pour crĂ©er une universitĂ© europĂ©enne Ă  partir de 1958 le futur institut de Florence donnent une bonne mesure de ce que fut rĂ©ellement l’Europe de la culture » pendant les annĂ©es 1950 Ă  1970. Sans doute, l’examen des annĂ©es 1980 apporterait un panorama moins sombre avec les industries culturelles ». Denis de Rougemont se voit finalement contraint au cours des annĂ©es 1970 Ă  se replier sur l’espace universitaire suisse pour sauver son Centre de culture. 140Que reste-t-il donc de cette vie de lutteur ? Une Ɠuvre, Ă  l’écriture souvent entraĂźnante, mais aussi parfois assez datĂ©e sur le plan intellectuel. Sa vision d’une Europe surtout marquĂ©e par le christianisme religion de l’incarnation et de la personne et par l’innovation paraĂźt Ă  tout le moins assez incomplĂšte, voire bien partiale. Plus topique, semble-t-il, son insistance sur la diversitĂ© unitaire le dialogisme » qui caractĂ©rise l’Europe politicoculturelle et qui devrait inciter tous les responsables politicoculturels Ă  un permanent travail d’interculturalitĂ©, sur le modĂšle d’Arte. À ce titre, Denis de Rougemont, intellectuel engagĂ© dans la cause europĂ©enne depuis les lointaines annĂ©es 1930, laisse un tĂ©moignage qui force le respect. 141François ChaubetPoncet Charles, Camus et l’impossible TrĂȘve civile, suivi d’une correspondance avec Amar Ouzegane, textes Ă©tablis, annotĂ©s et commentĂ©s par Yvette Langrand, Christian PhĂ©line et AgnĂšs Spiquel-Courdille, Paris, Gallimard, 2015, 330 p., 24 €142 De quoi s’agit-il ? D’obtenir que le mouvement arabe et les autoritĂ©s françaises, sans avoir Ă  entrer en contact ni Ă  s’engager Ă  rien d’autre, dĂ©clarent, simultanĂ©ment, que, pendant toute la durĂ©e des troubles, la population civile sera, en toute occasion, respectĂ©e et protĂ©gĂ©e. » En prĂ©sentant ainsi l’initiative que, avec bien d’autres, il avait prise et qui fut prĂ©sentĂ©e le 22 janvier 1956 lors d’une rĂ©union Ă  Alger, Albert Camus se situait dans la logique de sa piĂšce créée six ans plus tĂŽt, Les Justes aucun combat ne peut justifier la mort d’un innocent. Or, des innocents, beaucoup avaient Ă©tĂ© tuĂ©s dans le Constantinois au mois d’aoĂ»t prĂ©cĂ©dent, lors de massacres qui, par leur ampleur, marquĂšrent la vie politique au point que la question algĂ©rienne devint le principal enjeu des Ă©lections lĂ©gislatives de janvier 1956. Elles conduisirent au Palais-Bourbon une majoritĂ© de gauche censĂ©e trouver une solution nĂ©gociĂ©e au problĂšme algĂ©rien. C’est dans ce contexte que, pour au moins Ă©viter les tueries, se constitua un groupe informel, des amis qui souvent se connaissaient depuis les annĂ©es 1930. 143Le projet connut bien des vicissitudes, ne fĂ»t-ce que pour se rĂ©unir une salle de la mairie, promise par Jacques Chevallier, ancien secrĂ©taire d’État de Pierre MendĂšs France et maire d’Alger, n’a en dĂ©finitive pas Ă©tĂ© mise Ă  la disposition du groupe aprĂšs les incidents qui, une dizaine de jours plus tĂŽt, avaient empĂȘchĂ© le dĂ©putĂ© Charles Hernu d’y tenir une confĂ©rence. Comme aucun propriĂ©taire de cinĂ©ma n’acceptait de louer sa salle, la rĂ©union dĂ»t se tenir au Cercle du progrĂšs, siĂšge de l’Association des oulĂ©mas. Soutenu par le clergĂ© protestant et LĂ©on-Étienne Duval, archevĂȘque d’Alger depuis deux ans, mais aussi Ferhat Abbas, qui n’était pas encore officiellement membre du Front national de libĂ©ration FLN, le ComitĂ© pour la TrĂȘve civile qui s’est alors mis en place comprenait des hommes comme l’éditeur Edmond Charlot, le peintre Louis Benisti, l’écrivain Emmanuel RoblĂšs, des militants pour l’indĂ©pendance forts discrets sur leur appartenance au FLN et le messaliste Mohamed Lebjaoui. AssiĂ©gĂ©e par des manifestants criant À mort Camus ! MendĂšs au poteau ! », protĂ©gĂ©e par un service d’ordre largement composĂ© de militants du FLN mais les membres du comitĂ© l’ignoraient, la sĂ©ance se tint dans un climat tendu. L’émeute d’Alger deux semaines plus tard, lors de la visite du prĂ©sident du Conseil, Guy Mollet, puis le changement de politique de la nouvelle majoritĂ© et, au printemps, les mesures militaires ont rendu vains les espoirs des promoteurs de la TrĂȘve civile. Tout au plus l’initiative de Germaine Tillion, essayant Ă  l’étĂ© 1957 d’obtenir du FLN l’interruption des attentats aveugles et, du pouvoir, celle de l’exĂ©cution des peines de mort, peut-elle ĂȘtre comprise comme se situant dans sa continuitĂ©. 144Ami proche de Camus qu’il a connu en 1935 dans le cadre du groupe pacifiste et antifasciste Amsterdam Pleyel, Charles Poncet Ă©tait, comme plusieurs acteurs de cette initiative, un passionnĂ© de théùtre. Il a mis une vingtaine d’annĂ©es Ă  Ă©crire ce texte J’ai eu Ă  prĂ©sent assez d’emmerdements avec toutes ces histoires, et je me demande si je ne ferais pas mieux de rester tranquille dans mon coin », Ă©crivait-il Ă  la fin de l’annĂ©e 1963. SollicitĂ© peu aprĂšs sa mort par Roger Quillot pour la publication des deux tomes des Ɠuvres de Camus dans la BibliothĂšque de la PlĂ©iade », il s’est attelĂ© Ă  la rĂ©daction d’un tĂ©moignage qui ne fut achevĂ© qu’un quart de siĂšcle plus tard. Outre le rĂ©cit de Poncet, qui permet une approche approfondie de cet Ă©pisode de la guerre d’AlgĂ©rie, ce volume propose aussi la correspondance Ă©changĂ©e entre mai et octobre 1976 avec Amar Ouzegane, un des organisateurs de la rĂ©union, secrĂ©taire adjoint du Parti communiste algĂ©rien en 1937, l’annĂ©e oĂč Camus en fut exclu pour trotskisme. Un riche appareil critique met l’ensemble en perspective, et en particulier l’analyse comparĂ©e des six rĂ©cits dĂ©jĂ  effectuĂ©s de cet Ă©pisode et de la maniĂšre dont ils ont Ă©tĂ© repris dans les biographies de Camus, ainsi que la perception rarement pertinente de cette initiative par les Renseignements gĂ©nĂ©raux. 145 L’Appel pour une TrĂȘve civile en AlgĂ©rie » fut publiĂ© par les Ă©ditions Gallimard en 1958 dans Chroniques algĂ©riennes. Ce recueil regroupe plusieurs des textes que Camus a consacrĂ©s Ă  l’AlgĂ©rie, notamment les articles publiĂ©s en 1939 dans l’Alger rĂ©publicain sur la misĂšre en Kabylie et ceux de Combat oĂč, seul Ă©ditorialiste de la presse française Ă  les condamner, il s’est Ă©levĂ© contre les massacres de mai 1945 et a tentĂ© une synthĂšse des dĂ©fis Ă  relever dans une AlgĂ©rie marquĂ©e par la guerre qui venait de se terminer. Les positions de Camus ont tant Ă©tĂ© caricaturĂ©es, voire tronquĂ©es comme la rĂ©ponse qu’il avait apportĂ©e Ă  la question d’un Ă©tudiant algĂ©rien lors de la confĂ©rence de presse de Stockholm au moment de la remise de son prix Nobel, qu’il ne faut pas hĂ©siter Ă  lire ce recueil pour situer l’Appel dans la continuitĂ© de ses engagements. 146Christian ChevandierMercier Charles, Autonomie, autonomies RenĂ© RĂ©mond et la politique universitaire aux lendemains de mai 1968, Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, 283 p., 24 €147Le livre de Charles Mercier est non seulement un rĂ©cit de l’action de RenĂ© RĂ©mond Ă  la prĂ©sidence de Nanterre de 1971 Ă  1976, mais Ă©galement un chapitre de l’histoire des politiques universitaires, d’Olivier Guichard Ă  Alice Saunier-SeĂŻtĂ©. L’auteur a exploitĂ© les archives de RenĂ© RĂ©mond, versĂ©es Ă  la BibliothĂšque nationale de France ou conservĂ©es par son fils Emmanuel, les archives des prĂ©sidents de la RĂ©publique, du ministĂšre, de la prĂ©fecture des Hauts-de-Seine. Cette abondante documentation, complĂ©tĂ©e par la presse, l’analyse d’émissions radiophoniques ou tĂ©lĂ©visuelles, de nombreux tĂ©moignages publiĂ©s ou sollicitĂ©s par l’auteur, lui permettent de suivre trĂšs prĂ©cisĂ©ment les interventions de RenĂ© RĂ©mond, Ă  la fois dans son UniversitĂ©, au sein de la ConfĂ©rence des prĂ©sidents d’universitĂ© CPU et auprĂšs des ministres. Ajoutons qu’une bonne bibliographie et un index complĂštent heureusement cet ouvrage auquel ne manque qu’une chronologie. 148Au sein de la CPU, RenĂ© RĂ©mond a assez vite pris une place importante, comme il le dit lui-mĂȘme p. 46. Il prĂ©side d’abord la Commission pĂ©dagogie et formation permanente », ce qui le fait siĂ©ger Ă  la Commission permanente. Élu troisiĂšme vice-prĂ©sident en septembre 1973, il prend la tĂȘte de la CPU un an plus tard pour une annĂ©e et la quitte en fĂ©vrier 1976, quand cesse son mandat de prĂ©sident de Nanterre. 149Sa notoriĂ©tĂ©, sa courtoisie, sa compĂ©tence, son souci du consensus, son rĂ©seau de relations, notamment dans les milieux catholiques il prĂ©side le ComitĂ© catholique des intellectuels français lui facilitent les contacts avec les ministres et les hauts responsables de l’Éducation nationale. C’est un homme de compromis, un sage » sur qui l’on peut compter Ă  la fin de l’annĂ©e 1971, on lui propose de succĂ©der Ă  son ami Jean Sirinelli comme directeur dĂ©lĂ©guĂ© aux enseignements supĂ©rieurs, ce qu’il refuse. Il est en trĂšs bon termes avec Olivier Guichard et Joseph Fontanet, puis avec Jean-Pierre Soisson, sur qui il exerce mĂȘme une certaine ascendance » p. 213. En revanche, avec la nomination d’Alice Saunier-SeĂŻtĂ©, en janvier 1976, c’est la disgrĂące. RenĂ© RĂ©mond la juge mĂ©diocre et vulgaire, et elle ne le lui pardonne pas. En outre, elle rompt dĂ©libĂ©rĂ©ment avec la politique qu’il avait peu Ă  peu fait prĂ©valoir et qu’il ne peut plus dĂ©fendre qu’en coulisse, puisqu’il perd ses positions officielles. 150RenĂ© RĂ©mond ne contestait absolument pas l’autoritĂ© des ministres, car il Ă©tait convaincu des responsabilitĂ©s de l’État envers le service public d’enseignement supĂ©rieur, mais il Ă©tait en mĂȘme temps un partisan rĂ©solu de l’autonomie des universitĂ©s. ConformĂ©ment Ă  la tradition universitaire, il tenait Ă  distinguer l’ordre du pouvoir et celui de l’esprit, et il Ă©tait convaincu que seuls les prĂ©sidents des universitĂ©s Ă©taient en mesure de gĂ©rer efficacement celles-ci. Aussi souhaitait-il que les dĂ©cisions ministĂ©rielles soient approuvĂ©es par les prĂ©sidents, afin d’acquĂ©rir une lĂ©gitimitĂ© incontestable. Il Ă©tait donc indispensable pour lui que les ministres et la CPU Ɠuvrent en bonne entente, ce qui excluait Ă  la fois la franche opposition et la docilitĂ© servile. 151Cependant, afin que la CPU puisse jouer ce rĂŽle, intervenant avant les dĂ©cisions pour les inflĂ©chir, il fallait qu’elle parle d’une voix unanime. RenĂ© RĂ©mond s’est donc attachĂ© Ă  rechercher des compromis, en s’interdisant d’exprimer ses opinions personnelles pour ĂȘtre le porte-parole de l’ensemble de la CPU. Cette attitude lui a permis quelques succĂšs, notamment un assouplissement des contraintes budgĂ©taires. En revanche, la CPU n’a pas rĂ©ussi Ă  faire admettre l’organisation rĂ©gionale prĂ©vue par la loi d’orientation, ni Ă  empĂȘcher une modification des rĂšgles Ă©lectorales, questions politiquement trop sensibles. De toute façon, RenĂ© RĂ©mond n’était qu’un acteur parmi d’autres, et la CPU qu’une instance, Ă  cĂŽtĂ© des syndicats et surtout du Conseil national supĂ©rieur de l’enseignement et de la recherche CNESER. L’intĂ©rĂȘt majeur du travail de Charles Mercier, qui Ă©vite le biais inhĂ©rent Ă  toute approche biographique de surestimer le rĂŽle de son hĂ©ros, est prĂ©cisĂ©ment de montrer l’interaction des diffĂ©rents acteurs sur tous les thĂšmes discutĂ©s pendant cette pĂ©riode la formation des maĂźtres, la dĂ©finition des diplĂŽmes nationaux, notamment du DiplĂŽme d’études universitaires gĂ©nĂ©rales DEUG, qu’il veut assouplir, la formation permanente et quelques autres. Il s’agit d’une contribution essentielle Ă  l’histoire des universitĂ©s. 152Avec Alice Saunier-SeĂŻtĂ© et la droitisation de la politique giscardienne, la centralisation reprend ses droits. La secrĂ©taire d’État attache autant, sinon davantage d’importance aux rĂ©unions de recteurs, et elle dĂ©tricote tout ce que RenĂ© RĂ©mond et la CPU avaient promu. À plus long terme cependant, le mouvement amorcĂ© se poursuit. MalgrĂ© l’amertume de RenĂ© RĂ©mond, l’avenir lui donne raison. 153Antoine ProstVilles et politiques urbainesReid Donald, Paris Sewers and Sewermen Realities and Representations, Cambridge, Harvard University Press, 1991 ; trad. fr., id., Égouts et Ă©goutiers de Paris rĂ©alitĂ©s et reprĂ©sentations, prĂ©f. de Michelle Perrot, trad. de l’angl. par HĂ©lĂšne Chuquet, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 256 p., 19 €154 L’histoire des hommes se reflĂšte dans l’histoire des cloaques », Ă©crivait Victor Hugo, aphorisme rappelĂ© par l’historien amĂ©ricain Donald Reid. Écrit en 1991 mais tout juste traduit en français, son ouvrage permet de descendre dans l’égout parisien, aux cĂŽtĂ©s des hommes qui l’entretiennent, et de retrouver une histoire qui sent pour dire la sociĂ©tĂ©, comme dans le Miasme et la Jonquille d’Alain Corbin [10]. Examinant les rĂ©alitĂ©s et reprĂ©sentations » de ce lieu prosaĂŻque, antithĂšse du sublime », l’auteur montre en quoi il devint [
] un objet de sublimation ». 155La premiĂšre partie expose comment les Ă©gouts de l’Ancien RĂ©gime et de la premiĂšre moitiĂ© du 19e siĂšcle, stagnants et puants, ajoutant au danger sanitaire le pĂ©ril politique aprĂšs la RĂ©volution, se transforment avec la rĂ©novation technique et administrative principalement rĂ©alisĂ©e sous le Second Empire. Pour parachever l’abandon du rapport mĂ©tonymique entre les Ă©gouts et la menace sociale », les Ă©diles en organisent la visite le public peut constater la propretĂ© et l’absence d’odeurs preuve[s] de la rĂ©volution sanitaire » et de l’ ordre qui rĂ©gnait dans le souterrain ». Peut-ĂȘtre s’agit-il aussi de le confronter aux immondices dĂ©sormais maĂźtrisĂ©es, processus cathartique que l’auteur rapproche de la psychologie freudienne. La transformation de la fange en richesse peut aussi ĂȘtre physique, tels les fruits rĂ©coltĂ©s dans les champs irriguĂ©s par les eaux usĂ©es. 156La sublimation » vaut aussi pour les hommes. Donald Reid montre dans la deuxiĂšme partie de son ouvrage comment les Ă©goutiers passent d’ intouchable[s] de l’Ancien RĂ©gime » Ă  l’ incarnation de la santĂ©, de l’ordre et de la civilisation », grĂące aussi aux Ă©crits de l’hygiĂ©niste Alexandre Jean-Baptiste Parent-DuchĂątelet qui les peint dans les annĂ©es 1830 en prolĂ©taires moraux ». Ils n’en restent pas moins, par la nature de leur travail mĂ©prisĂ©, en marge de la classe ouvriĂšre, donnant ainsi l’occasion Ă  des auteurs de la critique sociale », tel Auguste Blanqui, de mesurer [Ă  travers leur cas] la valeur du travail et les valeurs de la sociĂ©tĂ© ». Les Ă©goutiers eux-mĂȘmes participent Ă  la sublimation », comprend-on dans la derniĂšre partie. Leur syndicat, créé en 1887, prĂ©curseur en matiĂšre sociale au sein de la Ville de Paris et ciment de leur cohĂ©sion, contribue Ă  ce qu’ils se rĂ©approprient l’image de prolĂ©taires moraux » en en renouvelant la signification sociale et politique ». Ressort notamment l’importance de la solidaritĂ© corporatiste[s] » pour la protection de leurs corps dans et hors du travail, visible dans l’entraide face aux dangers du sous-sol, et dans l’existence d’un domaine collectif, la Colonie, destinĂ© Ă  accueillir les retraitĂ©s et les orphelins du service. Si, au cours du 20e siĂšcle, les quelque huit cents Ă©goutiers ont peu eu besoin de faire banquette » pour dĂ©fendre leur position d’ aristocrates » de l’administration parisienne, le dernier chapitre laisse voir comment les mesures adoptĂ©es aprĂšs l’arrivĂ©e d’un maire Ă  Paris en 1977 dĂ©stabilisent le collectif, conduisant Ă  une dĂ©mythification et dĂ©mystification de l’égoutier ». 157MĂȘme si les trois parties distinguent Ă©gouts et Ă©goutiers, rĂ©alitĂ©s et reprĂ©sentations, une des forces du propos est de montrer qu’elles sont entremĂȘlĂ©es, les unes influant sur les autres, notamment dans le processus de sublimation ». L’ouvrage de Donald Reid lui-mĂȘme y contribue, en nous promenant de l’obscure fange souterraine jusqu’aux clartĂ©s des pages littĂ©raires et politiques consacrĂ©es Ă  cet univers, en passant par l’espoir social qu’il parvient Ă  faire sourdre de l’évocation des forme[s] de coopĂ©ration et de camaraderie » des Ă©goutiers. 158Barbara ProstGodard Pierre et Donzel AndrĂ©, Éboueurs de Marseille entre luttes syndicales et pratiques municipales, Paris, Syllepse, 2014, 228 p., 15 €159Pourquoi Marseille est-elle sale ? À la suite du Grenelle des poubelles » rĂ©unissant en 2011 Ă©lus et associations Ă  l’invitation d’une intersyndicale des agents, un Ă©boueur syndicaliste marseillais, Pierre Godard, et un sociologue, AndrĂ© Donzel, apportent leurs Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse en liant diffĂ©rents plans d’analyse la conjoncture politique locale, les mobilisations syndicales et les transformations techniques Ă  l’Ɠuvre ». L’ouvrage retrace l’histoire d’un service de propretĂ© qui n’a pas toujours dysfonctionnĂ© mais est soumis depuis une soixantaine d’annĂ©es aux pesanteurs d’un systĂšme municipal opaque ». 160On dĂ©couvre d’abord que la saletĂ© est un stigmate » de Marseille depuis l’AntiquitĂ©, guĂšre effacĂ© par les amĂ©liorations techniques et administratives amorcĂ©es au 19e siĂšcle. Concernant la seconde moitiĂ© du 20e siĂšcle, les auteurs pointent le systĂšme de cogestion clientĂ©laire des relations sociales avec le syndicat FO », mis en place aprĂšs la guerre par Gaston Defferre pour lutter contre le fort communisme local. Au nettoiement, le petit systĂšme » voit les responsables de secteur Ă©galement chefs de Force ouvriĂšre assurer la marche du service et gĂ©rer les quelque mille agents par un savant dosage d’autoritarisme et de favoritisme ». MalgrĂ© des grĂšves intervenues en 1976, 1982, 1983, etc., entre autres pour obtenir des rĂšgles plus conformes au service public, le petit systĂšme » perdure aprĂšs l’élection de Jean-Claude Gaudin en 1995. Les auteurs dĂ©noncent aussi les choix opĂ©rĂ©s pour la gestion des dĂ©chets, qui s’avĂšrent autant un Ă©chec financier le traitement concĂ©dĂ© au privĂ© est plus cher qu’ailleurs qu’une source de turpitudes Ă©cologiques associĂ©es Ă  des scandales politicofinanciers. 161 À cĂŽtĂ© de ces dĂ©rives, le “fini-parti” est un problĂšme mineur. » Si AndrĂ© Donzel et Pierre Godard se saisissent Ă  leur tour de ce totem incontournable dans le vocabulaire politique marseillais », c’est pour montrer que sa mise Ă  l’index et le dĂ©bat sur son maintien sont de faux problĂšmes. Afin de contrecarrer le haro » sur les Ă©boueurs, les auteurs reviennent sur le sens des nombreuses grĂšves des derniĂšres annĂ©es, trĂšs mĂ©diatisĂ©es. Avec l’appui de leurs syndicats hĂ©tĂ©rodoxes », le but est toujours d’obtenir des rĂšgles claires » pour le fonctionnement du service, maniĂšre d’impulser la nĂ©cessaire transformation du systĂšme de gestion des dĂ©chets dans son ensemble ». 162Il est donc possible que cet ouvrage Ă©claire moins les lecteurs souhaitant connaĂźtre les caractĂ©ristiques sociologiques et professionnelles de ces travailleurs, que ceux dĂ©sirant en savoir plus sur une histoire locale trĂšs conflictuelle », les affaires liĂ©es aux dĂ©chets et le petit systĂšme » contre lequel certains Ă©boueurs luttent pour leur intĂ©rĂȘt et celui du public. L’ouvrage souhaite en effet aussi nourrir la rĂ©flexion sur l’avenir d’un service urbain dans un contexte de mĂ©contentement gĂ©nĂ©ralisĂ© de la population quant Ă  la qualitĂ© et au coĂ»t ». 163Barbara ProstRatouis Olivier dir., Bordeaux et ses banlieues la construction d’une agglomĂ©ration, GenĂšve, MĂ©tisPresses, VuesDensemble », 2013, 610 p., 54 €164Qu’est-ce qu’une agglomĂ©ration ? Cette expression a-t-elle un sens au-delĂ  de son utilisation massive par les Ă©lus et les amĂ©nageurs Ă  partir de la seconde moitiĂ© du 20e siĂšcle ? Ce questionnement est Ă  l’origine de l’ouvrage dirigĂ© par Olivier Ratouis, qui prend pour terrain d’étude la ville de Bordeaux et ses banlieues. Le livre est scandĂ© par sept parties chronologiques, chacune correspondant Ă  une pĂ©riode de croissance et d’organisation de l’espace urbain, depuis un long 18e siĂšcle 1701-1815 qui voit Bordeaux prendre forme autour de plans d’amĂ©nagement et d’assainissement, oĂč la question de l’eau est rĂ©currente dans tous les projets, jusqu’à l’exposĂ© des dĂ©veloppements les plus rĂ©cents, avec l’intĂ©gration d’une vingt-huitiĂšme commune dans la CommunautĂ© urbaine de Bordeaux CUB en juillet 2013. 165L’originalitĂ© de ce travail est de se prĂ©senter sous la forme d’une anthologie de textes jugĂ©s reprĂ©sentatifs du fait urbain bordelais. Ces documents sont pour l’essentiel soit issus des fonds des archives municipales de Bordeaux, soit extraits de rapports d’activitĂ©s, d’études techniques, de schĂ©mas d’amĂ©nagement, de revues, d’essais ou de journaux y compris tĂ©lĂ©visĂ©s qui donnent une profondeur historique remarquable au mot agglomĂ©ration ». Cent neuf notices mettent en perspective les textes. Elles comprennent une prĂ©sentation historique souvent fouillĂ©e, une bibliographie trĂšs utile et, dans de nombreux cas, un voire plusieurs documents iconographiques qui donnent chair au quartier ou Ă  l’amĂ©nagement dont il est question. En fin de volume, une chronologie synthĂ©tise sur quelques pages les Ă©tapes de l’urbanisation bordelaise. Un cahier cartographique » rĂ©capitule en quelque sorte la croissance de la ville et de ses banlieues sur le plan spatial et dĂ©mographique. L’ensemble est servi par un excellent travail d’édition les trĂšs nombreuses cartes permettent au lecteur de visualiser la lente Ă©laboration de la ville Ă  plusieurs Ă©chelles et sont complĂ©tĂ©es par des photographies de quartiers ou de couvertures de brochures qui rappellent Ă  quel point la fabrique de l’agglomĂ©ration a suscitĂ© des dĂ©bats, y compris en dehors des cercles d’experts ou des dĂ©cideurs. 166L’ouvrage mĂ©rite d’ĂȘtre connu et reconnu Ă  plusieurs titres. Il tĂ©moigne d’abord de la qualitĂ© d’un travail de recherche menĂ© en Ă©quipe, rĂ©digĂ© Ă  plusieurs mains et qui a su tirer parti des compĂ©tences variĂ©es d’une vingtaine de collaborateurs enseignants-chercheurs, doctorants en amĂ©nagement, urbanistes et architectes. En outre, si deux tiers de l’ouvrage sont consacrĂ©s Ă  l’agglomĂ©ration bordelaise du 20e siĂšcle, l’historien pourra utiliser avec profit les notices concernant des pĂ©riodes plus anciennes, une annexe Avant l’agglomĂ©ration » situant en outre quelques enjeux prĂ©gnants de la premiĂšre modernitĂ©. Enfin, l’introduction prĂ©sente entre autres une rĂ©flexion sur les usages pluriels du mot agglomĂ©ration » Ă  la fois agrĂ©gation d’habitants, espace et entitĂ© politique qui inscrit dans la longue durĂ©e l’histoire des rapports entre une ville-centre et ses pĂ©riphĂ©ries, tout en mobilisant diffĂ©rentes sciences humaines et sociales. 167Olivier ChatelanVadelorge LoĂŻc, Retour sur les villes nouvelles une histoire urbaine du 20e siĂšcle, Paris, CrĂ©aphis, 2014, 466 p., 25 €168Les neuf villes nouvelles créées au milieu des annĂ©es 1960 font partie de l’imaginaire urbain français, non sans ambivalences Cergy-Pontoise, Évry, Marne-la-VallĂ©e, Melun-SĂ©nart et Saint-Quentin-en-Yvelines, pour la rĂ©gion parisienne, auxquelles s’ajoutent Le Vaudreuil, Lille-Est, L’Isle d’Abeau et les Rives-de-l’Étang-de-Berre, incarnent Ă  la fois un Ăąge d’or du gaullisme technocratique, le contre-modĂšle des grands ensembles, le temps des habitants pionniers de la participation et aujourd’hui une relĂ©gation qui les classerait dans la catĂ©gorie des banlieues en crise ». C’est Ă  une dĂ©construction de ce prĂȘt-Ă -penser urbain, pour partie vĂ©hiculĂ© par la mĂ©moire des acteurs de l’amĂ©nagement, que l’auteur invite son lecteur, au travers d’une entreprise salutaire d’historicisation des villes nouvelles. 169Disons-le d’emblĂ©e le pari est rĂ©ussi. En s’appuyant sur un corpus riche et variĂ© d’archives publiques versĂ©es par les diffĂ©rents ministĂšres et Ă©tablissements concernĂ©s, LoĂŻc Vadelorge rĂ©tablit la chronologie des diffĂ©rentes Ă©tapes de la conception puis de la mise en Ɠuvre de ces agglomĂ©rations nouvelles, rectifiant au passage bon nombre d’idĂ©es reçues. Dans la premiĂšre partie, intitulĂ©e La question des origines », l’auteur montre en particulier que la rupture de 1965, qui attribue l’essentiel de la paternitĂ© des villes nouvelles Ă  Paul Delouvrier et au SchĂ©ma directeur d’amĂ©nagement et d’urbanisme de la rĂ©gion parisienne SDAURP, ne rĂ©siste pas Ă  l’analyse. En amont de ce lĂ©gendaire, les villes nouvelles sont Ă  comprendre comme une rĂ©ponse aux contradictions de l’amĂ©nagement du territoire et Ă  situer dans la continuitĂ© des mesures prises sous la QuatriĂšme RĂ©publique en faveur du logement. Au cƓur de cet hĂ©ritage oubliĂ© », la place des rĂ©flexions de la gĂ©ographie volontaire » ou appliquĂ©e » des annĂ©es 1950, Ă©tudiĂ©es dans des travaux rĂ©cents, est essentielle la planification rĂ©gionale pose des questions fondamentales sur les formes et sur la maĂźtrise de l’urbanisation au tournant des dĂ©cennies 1950-1960, au moment oĂč les conditions juridiques et administratives des villes nouvelles sont mises en place, et leur usage sĂ©mantique stabilisĂ©. 170DĂšs lors, le moment Delouvrier », objet de la deuxiĂšme partie, ne peut plus ĂȘtre celui de la fondation de ce nouvel urbanisme, produit d’une Ă©poque plus que d’une Ă©quipe, mais bien celui d’une triple prĂ©occupation chez les rĂ©dacteurs du SDAURP utiliser les prĂ©visions de forte croissance dĂ©mographique dĂ©jĂ  connues comme fondement d’une nouvelle politique ; gagner la bataille de l’opinion par une vĂ©ritable stratĂ©gie mĂ©diatique, en mobilisant enquĂȘtes, revues spĂ©cialisĂ©es et journaux grand public ; enfin, contourner les rĂ©ticences des architectes et des urbanistes en s’appuyant sur les sciences sociales alors en plein essor, qui trouvent dans cette impulsion de l’État, sans parler des commandes, quelques terrains d’entente la dĂ©nonciation des grands ensembles alors mĂȘme que l’auteur montre des rameaux communs avec les villes nouvelles ou la promotion de l’espace et du loisir comme nouveaux paradigmes. 171MalgrĂ© les rĂ©ticences de plusieurs acteurs celle de nombreux Ă©lus locaux, forts de leur lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique, n’étant pas la moindre, les villes nouvelles entrent au dĂ©but des annĂ©es 1970 dans le temps de leur mise en Ɠuvre empirique troisiĂšme partie du livre, appuyĂ©e sur une rhĂ©torique ad hoc l’ innovation » et sur la mobilisation des habitants, dont l’auteur s’attache lĂ  encore Ă  nuancer, documents Ă  l’appui, la vision d’un Ăąge d’or pionnier, participatif et prĂ©-animateur. 172DĂ©passant le cadre des monographies et la seule problĂ©matique de la dĂ©cision, LoĂŻc Vadelorge construit avec brio une histoire globale des villes nouvelles inscrite plus largement dans l’histoire des politiques publiques et de la rĂ©forme de l’État. 173Olivier ChatelanCochoy Franck, Aux origines du libre-service Progressive Grocer 1922-1959, Lormont, Le Bord de l’eau, Mondes marchands », 2014, 340 p., 24 €174À l’origine de cette recherche, deux missions de l’auteur Ă  Berkeley et Ă  Chicago. SpĂ©cialiste de la mĂ©diation marchande, Franck Cochoy avait de bonnes raisons de s’intĂ©resser Ă  Progressive Grocer, la revue professionnelle de l’épicerie de dĂ©tail indĂ©pendante amĂ©ricaine, lancĂ©e en 1922. Articulant sociologie et histoire, il consacre son nouveau livre Ă  l’histoire du libre-service du point de vue de cette revue. Loin de subir passivement la pression des chaĂźnes ou des supermarchĂ©s, le secteur du petit commerce alimentaire se rĂ©vĂšle en effet ĂȘtre un extraordinaire laboratoire de la modernisation des formes de vente. 175Le pari mĂ©thodologique repose sur la focalisation mĂ©diale, une approche qui consiste Ă  chausser les lunettes d’un mĂ©dia spĂ©cialisĂ© pour observer le devenir du monde concernĂ© » p. 321. VoilĂ  l’occasion de juger de la performativitĂ© de ce mĂ©dia, un concept utilisĂ© ici en vue d’étudier le rĂŽle par lequel les agents Ă©conomiques participent Ă  la construction technique des marchĂ©s. Progressive Grocer mobilise les mots et les choses en vue de moderniser le commerce, introduisant dans le rapport entre l’offre et la demande de nouveaux Ă©quipements ou des idĂ©es qui n’étaient a priori pas Ă©videntes. Pourtant, cette performativitĂ© promeut des choses sur le point de se dĂ©velopper, presque par elles-mĂȘmes. Prophetic » Grocer prescrit les choses qui se produisent ! 176Cette modernisation s’opĂšre au grĂ© de deux mouvements. D’abord, sous la forme d’une amĂ©lioration du service humain classique, Ă  grand renfort de soin sanitaire, d’outillage des gestes Ă©piciers, de vente tĂ©lĂ©phonique et de livraison motorisĂ©e ; elle rĂ©pond au souci qu’ont les commerçants de prĂ©server l’essence de leur identitĂ© professionnelle le service. La modernisation prend ensuite la forme d’une transformation plus radicale, dans laquelle l’introduction progressive de l’ open display » et du libre-service vient finalement supplĂ©er, voire remplacer les vendeurs. Cette transformation consiste Ă  amĂ©nager trĂšs Ă©troitement la libre circulation des personnes, en introduisant d’astucieux dispositifs de canalisation des parcs et d’identification des marques des produits et de la clientĂšle. L’auteur aborde enfin la façon dont l’introduction des chariots parachĂšve la reconfiguration du commerce en accroissant les capacitĂ©s de circulation et d’achat, en somme, de laisser faire » le client. 177Au rebours de la littĂ©rature disponible sur le sujet, Franck Cochoy propose une archĂ©ologie du temps prĂ©sent » reposant sur une foule d’illustrations et de photographies. Elle nous permet de saisir le quotidien d’un commerce au ras des Ă©tagĂšres », le plus souvent impossible Ă  apprĂ©hender grĂące aux sources Ă©crites. Cet ouvrage original, surprenant parfois, complĂšte les recherches de Catherine GrandclĂ©ment sur le libre-service dans les supermarchĂ©s Ă©tats-uniens et ouvre la perspective d’une Ă©tude du sujet pour la France. À dĂ©faut d’ĂȘtre comparatif, dirons-nous qu’il est performatif ? 178Olivier LondeixLauras Clarisse, Firminy-Vert de l’utopie municipale Ă  l’icĂŽne patrimoniale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Art SociĂ©tĂ© », 2014, 361 p., 24 €179Parmi les expĂ©rimentations urbaines et sociales marquantes du 20e siĂšcle en France figure assurĂ©ment celle de Firminy dans la Loire. AprĂšs son Ă©lection comme maire en 1953, l’ancien rĂ©sistant et ministre de la Reconstruction EugĂšne Claudius-Petit, par ailleurs dĂ©putĂ© Union dĂ©mocratique et socialiste de la RĂ©sistance UDSR, dĂ©cide la construction d’un nouveau quartier qui doit traduire sa vision urbanistique des citĂ©s modernes et humaines. Celle-ci se fonde Ă  la fois sur son passĂ© de militant inspirĂ© des idĂ©es du catholicisme social et sur son expĂ©rience de ministre qui, entre 1948 et 1953, a jetĂ© les bases du vaste programme de construction appelĂ© Ă  marquer la France des Trente Glorieuses. 180Pour mener Ă  bien ce vaste chantier, Claudius-Petit fait appel Ă  une Ă©quipe d’architectes dont certains se sont connus dans la RĂ©sistance. FidĂšles aux principes de la Charte d’AthĂšnes et de l’architecture moderne, les concepteurs du projet Firminy-Vert entendent promouvoir un nouvel art d’habiter et de vivre pour les quelques milliers de locataires qui seront logĂ©s dans ce nouveau quartier. Le projet porte en outre l’ambition de faire de ces derniers des acteurs Ă  part entiĂšre, au moyen d’une participation active sous forme de gouvernement municipal pour une gestion de progrĂšs ». Un demi-siĂšcle plus tard, force est de constater que ce projet, en partie utopique, a fortement Ă©voluĂ© et est dĂ©sormais intĂ©grĂ© aux programmes de patrimonialisation liĂ©s aux projets de rĂ©novation urbaine. Cette biographie de quartier », selon les mots de l’auteur, met l’accent sur les enjeux locaux et sur le contexte politique, social, urbanistique de l’époque. Si la mĂ©moire collective a en effet surtout retenu les rĂ©alisations architecturales rĂ©alisĂ©es Ă  Firminy-Vert par Le Corbusier qui, pour certaines d’entre elles, ont Ă©tĂ© achevĂ©es il y a peu, il est essentiel de replacer le projet dĂ©fendu par EugĂšne Claudius-Petit pendant prĂšs de vingt ans dans une problĂ©matique plus large qui renvoie en partie Ă  l’histoire urbaine de la seconde moitiĂ© du 20e siĂšcle. Richement illustrĂ©, cet ouvrage s’inscrit Ă©galement dans de nouvelles perspectives de recherches, telles que l’impact de l’urbanisation sur la faune et la flore locales. En cela, l’histoire de Firminy-Vert doit Ă©galement s’inscrire dans une relecture plus globale des Trente Glorieuses. 181Thibault TellierBackouche Isabelle, AmĂ©nager la ville les centres urbains français entre conservation et rĂ©novation de 1943 Ă  nos jours, Paris, Armand Colin, Recherches », 2013, 480 p., 30 €182Le livre s’organise autour d’un objet, les abords, a priori peu engageant scientifiquement et gĂ©nĂ©ralement peu considĂ©rĂ©, mais que l’auteure a su remarquablement placer au centre de l’analyse. De quoi s’agit-il ? 183La Commission supĂ©rieure des monuments historiques puis la Commission des abords Ă  partir de 1964 ont pour mission d’examiner des projets urbains susceptibles d’ĂȘtre rĂ©alisĂ©s Ă  proximitĂ© d’un monument historique et Ă©mettent des avis sur la compatibilitĂ© entre les deux constructions. L’intĂ©rĂȘt de l’étude rĂ©side, on le comprend, dans l’apprĂ©ciation nĂ©cessairement discutĂ©e de cette compatibilitĂ©, qui ouvre un immense espace de travail au chercheur, du jeu des acteurs aux variations d’échelles, d’une histoire croisĂ©e de l’architecture et de la ville aux rapports complexes et passionnants entre administration et politique. Le pari n’était pas gagnĂ© d’avance, pour deux raisons au moins l’auteure rappelle d’abord que la question des abords, qui renvoient par dĂ©finition Ă  autre chose qu’eux-mĂȘmes, ne constitue Ă  aucun moment le fleuron d’un ministĂšre ni ne sert de matrice Ă  l’élaboration d’une politique urbaine. La dispersion des sources s’en trouve, en outre, dĂ©multipliĂ©e. Seconde donnĂ©e quelque peu rebutante l’étude des dossiers traitĂ©s par la Commission des abords introduit dans une routine bureaucratique au ras de la ville, en traquant les processus souvent longs de la prise de dĂ©cision, et ce dans un dĂ©dale de considĂ©rations techniques portant sur des projets de portĂ©e locale pour la majoritĂ© d’entre eux. 184Cependant, c’est bien lĂ  le tour de force de l’auteure, qui n’est pas sans rappeler les meilleures intuitions de la micro-histoire au cƓur de cette histoire urbaine de biais » p. 14 qui s’apparente Ă  une coupe gĂ©ologique dans ce que l’on pourrait appeler la matiĂšre locale brute », la contextualisation du particulier instruit des enjeux plus larges et permet une montĂ©e en gĂ©nĂ©ralitĂ© maĂźtrisĂ©e. Le pas de cĂŽtĂ© change la perspective et donne Ă  voir ce qui ne l’était pas ou mal la transformation urbaine entre strates passĂ©es et projets d’amĂ©nagement urbain qui aboutissent ou non, mais aussi l’écart entre textes rĂ©glementaires et mises en pratique, en mettant en lien normativitĂ© des procĂ©dures et compromis sur le terrain. L’historienne puise dans un vaste panel de villes, notamment de taille moyenne Carcassonne, Rodez, Toul, Troyes, etc., habituellement moins travaillĂ©es, qui constituent des observatoires passionnants. Le cas de la facultĂ© des lettres de Tours 1965-1969, voulue par son maire Jean Royer contre l’avis de la Commission des abords, est une belle illustration de la richesse des dossiers exhumĂ©s par l’auteure les Ă©chelles et les acteurs concernĂ©s sont multiples municipalitĂ©, prĂ©fecture, rectorat, Conseil gĂ©nĂ©ral des bĂątiments de France, ministĂšres des Affaires culturelles et de l’Éducation nationale, les argumentaires Ă©changĂ©s rĂ©vĂ©lateurs Ă  la fois d’ambitions et d’accommodements, et l’arbitrage rendu assez inattendu c’est le Premier ministre Maurice Couve de Murville qui valide le projet. Un grand livre d’histoire urbaine, assurĂ©ment. 185Olivier ChatelanÉchanges culturelsBaudouin Charles, Un pays et des hommes carnet de route 1915-1919, Ă©dition Ă©tablie par Martine Ruchat, Antoinette Blum et Doris Jakubec, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2014, 336 p., 30 €186On ne savait jusqu’alors que trĂšs peu de chose des activitĂ©s de Charles Baudouin 1893-1963 pendant la Grande Guerre. À l’exception des quelques travaux d’Antoinette Blum et Martine Ruchat, rares avaient en effet Ă©tĂ© les chercheurs Ă  s’ĂȘtre intĂ©ressĂ©s Ă  cette pĂ©riode de sa vie. En choisissant de publier la partie de son Carnet de route que Baudouin avait consacrĂ©e aux annĂ©es 1915-1919, les Ă©ditions L’Âge d’Homme ont apportĂ© la matiĂšre qui manquait peut-ĂȘtre pour susciter l’intĂ©rĂȘt des spĂ©cialistes du premier conflit mondial. 187Surtout connu pour avoir fondĂ© en 1924 un institut international de psychothĂ©rapie et de psychanalyse pratiquant l’autosuggestion, Baudouin a Ă©galement Ă©tĂ© un Ă©crivain, un poĂšte et un traducteur dont le profil a commencĂ© Ă  s’affirmer Ă  partir du moment oĂč il rejoignit la Suisse en octobre 1915. MobilisĂ© en 1914 mais rĂ©formĂ© pour cause de tuberculose pulmonaire, il fut de ceux qui, impressionnĂ©s par Au-dessus de la mĂȘlĂ©e », cherchĂšrent le contact avec Romain Rolland, comme en tĂ©moigne abondamment le premier chapitre du journal. La deuxiĂšme partie est presque tout entiĂšre placĂ©e sous le signe du Carmel » p. 67, petite revue » qu’il lança en 1916 afin d’apporter une contribution collective Ă  la dĂ©mobilisation culturelle ainsi qu’à l’émergence d’une Europe pacifiĂ©e. 188Les trois chapitres suivants attirent surtout l’attention par les descriptions des milieux autour desquels gravitait Charles Baudouin. Hormis Henri Guilbeaux, Pierre Jean Jouve, Frans Masereel et Stefan Zweig, Baudouin consacre un nombre non nĂ©gligeable de pages Ă  la description de Russes fanatiques de TolstoĂŻ Paul Birukoff, Nicolas Roubakine. Chose Ă©tonnante, alors que les sommaires du Carmel tĂ©moignent de l’intĂ©rĂȘt qu’il portait pour l’Allemagne, Ă  l’exception de Georg Friedrich NicolaĂŻ, objet d’un long dĂ©veloppement dans la quatriĂšme partie p. 171-173, les dissidents allemands n’occupent qu’une place mineure dans les sociabilitĂ©s transnationales qu’il dĂ©crit. Cette absence n’affecte en rien l’importance de cette publication, un instrument de choix pour quiconque souhaite reconstituer la trajectoire de Charles Baudouin et dĂ©coudre le tissu humain des rĂ©seaux dont la Suisse fut, parmi tous les pays restĂ©s neutres, le plus puissant vecteur. 189L’édition Ă©tablie par Martine Ruchat, Antoinette Blum et Doris Jakubec reprend le texte intĂ©gral du manuscrit de 1942, qui avait dĂ©jĂ  fait l’objet d’un important travail de réécriture en 1929 et que Baudouin revisita en 1952. De la version de 1952, les Ă©ditrices ont fait le choix de ne retenir que les passages Ă  mĂȘme d’enrichir le regard rĂ©trospectif que l’auteur avait portĂ© sur les annĂ©es de guerre. Choisir le manuscrit de 1942 comme point de dĂ©part Ă©tait tout Ă  fait lĂ©gitime, Baudouin lui-mĂȘme ayant prĂ©vu de le publier tel quel chez Delachaux et NiestlĂ©. Ajouter des extraits d’une mouture plus tardive et basĂ©e, qui plus est, sur un autre dĂ©coupage temporel, complexifiait nĂ©anmoins considĂ©rablement le travail. On pourrait Ă  juste titre faire valoir que l’insertion de ces passages Ă  la suite de chacune des cinq parties de l’ouvrage hache la lecture. La prĂ©sentation retenue a toutefois pour mĂ©rite de montrer avec pertinence comment l’écriture postchronique de Charles Baudouin a encore Ă©voluĂ© dans un contexte qui avait, lui aussi, profondĂ©ment changĂ©. 190Landry CharrierFraixe Catherine, Piccioni Lucia et Poupault Christophe dir., Vers une Europe latine acteurs et enjeux des Ă©changes culturels entre la France et l’Italie fasciste, Bruxelles/Paris, Peter Lang/Institut national d’histoire de l’art, 2014, 330 p., 40 €191Catherine Fraixe, Lucia Piccioni, toutes deux historiennes de l’art, et Christophe Poupault, spĂ©cialiste des rĂ©seaux culturels franco-italiens, ont rassemblĂ© ici le rĂ©sultat de deux journĂ©es d’étude tenues en juin 2009 Ă  l’École des hautes Ă©tudes en sciences sociales EHESS et consacrĂ©es aux acteurs et enjeux idĂ©ologiques des Ă©changes et transferts culturels entre la France et l’Italie 1925-1935 ». L’ouvrage collectif qui en rĂ©sulte rĂ©unit quatorze contributions dont cinq en italien, certaines richement illustrĂ©es ; il parcourt la pĂ©riode allant de la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale Ă  ce qui est considĂ©rĂ© par les directeurs de l’ouvrage comme le point culminant du rapprochement entre la France et l’Italie fasciste, soit les accords de Rome en janvier 1935. 192L’ouvrage s’inscrit, au sens large, dans les Ă©tudes transnationales en vogue aujourd’hui, l’idĂ©e Ă©tant d’analyser les Ă©changes culturels et leurs impacts idĂ©ologiques et politiques dans le rapprochement de la France et de l’Italie fasciste. Point focal annoncĂ©, la latinitĂ© », concept flou, Ă  gĂ©omĂ©trie variable mais qui, selon Catherine Fraixe et Christophe Poupault, joue un rĂŽle clĂ© dans les tentatives d’union d’une intelligentsia française, non seulement italophile, mais fascisante, avec l’Italie de Benito Mussolini. La latinitĂ© », dĂ©finie comme un mythe fĂ©dĂ©rateur », puisqu’elle postule une vĂ©ritable parentĂ© culturelle, unique en Europe », fait donc l’objet d’une analyse visant Ă  envisager ses multiples ramifications, principalement culturelles, tout au long des annĂ©es 1920 et 1930. 193L’ouvrage voue une attention particuliĂšre aux rĂ©seaux officiels diplomatiques, politiques et Ă  leurs acteurs, mais il s’intĂ©resse aussi Ă  la constellation d’associations comme la Ligue d’union latine, de mouvements politiques comme l’Action française et d’organisations politicoculturelles dont certaines maisons d’édition, comme Les Chroniques du jour de Gualtieri di San Lazzaro, qui avaient pour mot d’ordre et raison d’ĂȘtre la cause » ou la fraternitĂ© » latine ». Le ComitĂ© France-Italie, créé Ă  la veille de la PremiĂšre Guerre mondiale et prĂ©sidĂ©, dĂšs 1929, par Albert Besnard, membre de l’AcadĂ©mie des Beaux-Arts et de l’AcadĂ©mie française, y occupe une place Ă  part et, selon les contributeurs, sans doute dĂ©terminante. 194Vers une Europe latine propose des contributions de spĂ©cialistes, majoritairement des historiens de l’art, et permet d’aborder sous un angle particulier ce que Catherine Fraixe et Christophe Poupault appellent la rĂ©alitĂ© d’un fascisme français dont le discours reste en grande partie Ă  Ă©tudier » p. 278. Cependant, l’ouvrage pĂšche par une attention insuffisante au contexte dans lequel se nouent les relations et les intenses Ă©changes culturels entre la France et l’Italie fasciste. Il manque ainsi une analyse de ces rĂ©seaux d’acteurs culturels en termes sociaux, Ă©conomiques et politiques, mais aussi de la rĂ©alitĂ© du fascisme italien au cours de cette pĂ©riode, en particulier de sa politique Ă©trangĂšre. L’entrĂ©e par les Ă©changes et les transferts culturels permet certes de vĂ©rifier Ă  nouveaux frais que ceux-ci Ă©taient essentiels Ă  la diffusion de la culture de l’Italie nouvelle » et d’observer la fascisation des Ă©lites françaises » p. 277, mais elle ne peut en aucun cas faire oublier la complexitĂ© de l’impĂ©rialisme fasciste et de la politique extĂ©rieure qui l’accompagne au cours de ces annĂ©es. 195L’ouvrage souffre aussi d’une focalisation imparfaite sur le concept de latinitĂ© » qui, Ă  la lecture des contributions, semble s’effilocher sans offrir ni une dĂ©finition ni une analyse de ce que Catherine Fraixe et Christophe Poupault nomment un vecteur Ă  part entiĂšre de la politique Ă©trangĂšre » p. 278. Ainsi en est-il de l’article, intĂ©ressant par ailleurs, de Laura Iamurri sur l’antifasciste italien et historien de l’art Lionello Venturi. Enfin, si les contributions approchent les chantres de la latinitĂ© qui entendaient prĂ©parer les esprits non seulement Ă  une entente avec l’Italie fasciste mais aussi Ă  l’instauration d’un rĂ©gime d’ordre », il n’offre que peu d’élĂ©ments analytiques pour l’étude du fascisme français ». Il s’agit lĂ  nĂ©anmoins d’une premiĂšre Ă©tape bienvenue devant mener Ă  de nouvelles recherches sur les Ă©changes culturels et politiques entre la France et l’Italie fasciste ; la richesse des contributions prĂ©sentĂ©es ici semble le confirmer. 196Stefanie PreziosoFontaine Alexandre, Aux heures suisses de l’école rĂ©publicaine un siĂšcle de transferts culturels et de dĂ©clinaisons pĂ©dagogiques dans l’espace franco-romand, Paris, Demopolis, 2015, 307 p., 29,50 €197Issu d’une thĂšse de doctorat soutenue Ă  Fribourg en 2013, l’ouvrage est centrĂ© sur le personnage d’Alexandre Daguet 1816-1894. Cet ancien Ă©lĂšve des jĂ©suites est trĂšs marquĂ© par sa rencontre avec le pĂšre franciscain GrĂ©goire Girard, un des promoteurs de l’enseignement mutuel. Daguet est directeur de l’École normale puis de l’École secondaire de jeunes filles de Fribourg. Il fonde la SociĂ©tĂ© des instituteurs romands en 1864 et dirige son bulletin, L’Éducateur, jusqu’en 1889. Il est en contact avec de nombreux spĂ©cialistes europĂ©ens de l’éducation par ce bulletin, par une abondante correspondance trois mille lettres ainsi que par des contacts directs avec les Français rĂ©fugiĂ©s politiques ou autres qui sĂ©journent en Suisse Ă  l’époque du Second Empire en particulier Edgar Quinet et Ferdinand Buisson. Il participe Ă  diverses rencontres internationales telles que les congrĂšs de la Ligue nationale pour la paix et la libertĂ© et les assemblĂ©es de spĂ©cialistes de l’éducation qui se tiennent dans le cadre des Expositions universelles. 198La Suisse romande et, Ă  travers elle, le monde germanique sont une rĂ©fĂ©rence pour les thĂ©oriciens et les acteurs de la politique française d’éducation. L’auteur en donne plusieurs exemples. Les pĂšres Girard et Daguet ont l’idĂ©e d’une Ă©ducation civique » et le Fribourgeois Louis Bornet publie en 1856 un Cours graduĂ© d’instruction civique qui inspire Edgar Quinet et Jules Barni. Quand, en France, l’enseignement de la gymnastique devient obligatoire pour les garçons, le Manuel que fait diffuser Jules Ferry en 1882 s’inspire de celui qu’a publiĂ© la ConfĂ©dĂ©ration suisse en 1876. Les bataillons scolaires », créés en 1882, sont une adaptation des corps de cadets » suisses Ă  la crĂ©ation desquels Daguet a contribuĂ©. Les Ferien-Kolonien organisĂ©es par le pasteur de Suisse alĂ©manique Bion en 1876 servent d’exemple aux premiĂšres colonies de vacances françaises lancĂ©es dans le neuviĂšme arrondissement de Paris en 1879. 199La circulation n’est pas Ă  sens unique comme le montre, au dĂ©but du 19e siĂšcle, l’expĂ©rience de l’enseignement mutuel et comme en tĂ©moigne l’intĂ©rĂȘt portĂ© par les Suisses Ă  la politique scolaire de la TroisiĂšme rĂ©publique. Alexandre Fontaine met en valeur les notions d’ apports rĂ©ciproques », d’ hybridation », de mĂ©tissage », de resĂ©mentisation » des pratiques pĂ©dagogiques française, romande et germanique. Le dĂ©veloppement de l’enseignement de la musique dans le cadre scolaire en est un exemple. 200Le discours sur les concepts est intĂ©ressant mais on aurait aimĂ© que le rĂ©cit des divers transferts idĂ©ologiques et institutionnels mentionnĂ©s ci-dessus soit plus dĂ©taillĂ©. RelĂ©guĂ© en fin de volume, il n’a droit qu’à 16 % des pages. 201Cet ouvrage est Ă  lire conjointement avec une autre thĂšse de doctorat, celle de Damiano Matasci, soutenue en 2012 en cotutelle entre l’UniversitĂ© de GenĂšve et l’École des hautes Ă©tudes en sciences sociales EHESS de Paris et publiĂ©e Ă©galement en 2015 [11]. 202Jean LeducAmĂ©rique latineCapdevila Luc et Langue FrĂ©dĂ©rique dir., Le PassĂ© des Ă©motions d’une histoire Ă  vif, AmĂ©rique latine et Espagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Des AmĂ©riques », 2014, 204 p., 19 €203Cet ouvrage sur les Ă©motions prĂ©sente les rĂ©sultats de travaux menĂ©s par le groupe de recherche Histoire des sensibilitĂ©s Ă©criture de l’histoire et Ă©motions dans les mondes ibĂ©riques ». Les deux responsables de ce groupe et auteurs de la prĂ©sente livraison avaient dĂ©jĂ  publiĂ© un ouvrage sur ces questions en 2009 [12]. 204Mettant cette fois-ci au centre de la rĂ©flexion la notion d’émotion, mise Ă  l’épreuve des diffĂ©rents rĂ©gimes d’historicitĂ© qui travaillent l’histoire du temps prĂ©sent latino-amĂ©ricain et espagnol, cet ouvrage est organisĂ© en deux parties, oĂč la dialectique entre mĂ©moire et Ă©motions est travaillĂ©e par les diffĂ©rents contributeurs. Elles sont toutes deux introduites par un article programmatique qui nourrit la rĂ©flexion, en particulier celui sur l’apport des sciences cognitives, pour repenser l’économie gĂ©nĂ©rale des Ă©motions Alejandro GĂłmez. 205La premiĂšre partie s’intĂ©resse Ă  la mĂ©moire des corps » et aborde cette problĂ©matique comme manifestation collective, des corps handicapĂ©s Gildas BrĂ©gain ou endeuillĂ©s Sandra Gayol, et sous l’angle plus intime et individuel des corps de femmes mutilĂ©s, oĂč c’est l’absence de traces de ces Ă©motions qui est auscultĂ©e Rosalina Estrada Urroz, renvoyant Ă  une dimension plus Ă©pistĂ©mologique de ce champ, Ă  savoir la valeur heuristique de l’émotion en tant que matiĂšre premiĂšre de l’historien. Par principe, elle se dĂ©robe et ses traces sont Ă©vanescentes. NĂ©anmoins, les modernistes, prĂ©curseurs en la matiĂšre, ont dĂ©montrĂ© la fĂ©conditĂ© de l’approche par le sensible et les Ă©motions, considĂ©rĂ©es comme manifestations du social, faisant du corps une archive. 206Les contributions de la seconde partie, les Ă©motions de la mĂ©moire », mettent en tension l’articulation entre les rĂ©gimes d’historicitĂ© et l’instrument que peuvent devenir les Ă©motions dans le champ du politique instrument de mobilisation, de cristallisation des tensions, voire des haines politiques et d’enjeux mĂ©moriels. 207Si l’histoire des Ă©motions est un champ relativement neuf, son façonnement s’inscrit dans une archĂ©ologie dĂ©jĂ  ancienne, dont se sont plus prĂ©cocement emparĂ©s les modernistes et l’historiographie anglo-saxonne et dont rend compte l’ouvrage. C’est ce que rappellent Ă©galement, chacun dans une perspective quelque peu diffĂ©rente, deux autres publications en histoire contemporaine parues au mĂȘme moment [13]. Le PassĂ© des Ă©motions les complĂšte, tout en enrichissant le dĂ©bat et le terrain d’étude notamment parce que les mondes ibĂ©riques contemporains sont absents de ces deux autres titres. 208VĂ©ronique HĂ©brardDrinot Paulo et Knight Alan dir., The Great Depression in Latin America, Durham, Duke University Press, 2014, 362 p., 26,95 $209La crise de 1929 a reprĂ©sentĂ©, pour l’AmĂ©rique latine comme pour le reste du monde, une rupture majeure de l’histoire du 20e siĂšcle. Plusieurs auteurs ont mis en lumiĂšre les impacts tant Ă©conomiques que politiques que la crise avait eus dans le sous-continent, faisant de cette derniĂšre un des facteurs de premier plan pour expliquer l’émergence, au cours des annĂ©es 1930 et 1940, de rĂ©gimes populistes et, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, l’accroissement du rĂŽle de l’État. NĂ©anmoins, il n’existe aucun travail qui fasse des consĂ©quences de la crise de 1929 en AmĂ©rique latine son principal objet d’étude et qui tente d’en cerner les implications aussi bien Ă©conomiques que politiques, sociales et institutionnelles Ă  l’échelle de la rĂ©gion. L’ouvrage The Great Depression in Latin America, coordonnĂ© par Paulo Drinot Institute of the Americas, University College of London et par Alan Knight University of Oxford, rassemblant neuf articles, en plus de l’introduction de Paulo Drinot et de la conclusion d’Alan Knight, a pour but de combler cette lacune historiographique. Il s’agit tout Ă  la fois d’avoir une vision d’ensemble de ce qu’a pu reprĂ©senter la crise dans la rĂ©gion, tout en rendant compte de la diversitĂ© des situations nationales. Le postulat de dĂ©part est que la rĂ©cession a créé un contexte politique et idĂ©ologique favorable au changement ; cependant, ce changement n’a pas prĂ©sentĂ© les mĂȘmes caractĂ©ristiques d’un pays Ă  l’autre. Tandis que chacun des neuf articles s’attache Ă  un pays ou Ă  une zone AmĂ©rique centrale, Argentine, BrĂ©sil, Chili, Colombie, Cuba, Mexique, PĂ©rou, Venezuela, celui d’Alan Knight qui clĂŽt le livre s’efforce d’offrir une rĂ©elle perspective comparatiste et de dresser des typologies, en termes Ă©conomiques, politiques et sociaux. Ce faisant, il parvient Ă  offrir une vision globale de la rĂ©gion tout en restituant la diversitĂ© des situations nationales. 210Sans remettre en cause la perception de la crise de 1929 comme rupture, le propos de cet ouvrage est de tenter d’évaluer le poids rĂ©el de cette derniĂšre dans les bouleversements qui affectent le sous-continent au cours des annĂ©es 1930 et 1940 et de montrer qu’elle a souvent Ă©tĂ© un catalyseur de tendances qui lui Ă©taient antĂ©rieures. Le point de vue exposĂ© par ce livre complĂšte celui d’auteurs qui, Ă  l’instar de l’historien chilien Eduardo DevĂ©s ValdĂ©s, ont analysĂ© comment, Ă  la suite de la crise Ă©conomique, les rĂ©flexions autour de l’identitĂ© nationale et de l’identitĂ© latino-amĂ©ricaine se sont polarisĂ©es de plus en plus autour des questions Ă©conomiques, la dĂ©fense de l’intĂ©rĂȘt national devenant un leitmotiv et dĂ©bouchant sur l’émergence d’une pensĂ©e Ă©conomique centrĂ©e sur les rĂ©alitĂ©s du sous-continent. 211Pour conclure, la grande force de ce livre rĂ©side dans l’articulation des Ă©chelles internationale en particulier dans l’introduction de Paulo Drinot, nationale et rĂ©gionale. 212Juliette DumontPoniatowska Elena, La Nuit de Tlatelolco histoire orale d’un massacre d’État, trad. de l’esp. par Marion Gary et Joani Hocquenghem, Toulouse, Éd. CMDE, À l’ombre du Maguey », 2014, 328 p., 25 €213Voici enfin la traduction de l’un des ouvrages indispensables consacrĂ©s au mouvement Ă©tudiant soixante-huitard mexicain et Ă  son dĂ©nouement tragique, le massacre menĂ© par l’armĂ©e le 2 octobre 1968 des manifestants prĂ©sents Ă  Tlatelolco, un quartier de Mexico. Ce recueil publiĂ© en 1971 est rapidement devenu un classique rĂ©ussissant le pari de rassembler les tĂ©moignages trĂšs divers et courts d’une simple phrase Ă  une demi-page des diffĂ©rents acteurs de ce mouvement. DĂ©filent ainsi au fil des pages les tĂ©moignages d’étudiants, anonymes comme leaders du mouvement, exposant leurs idĂ©es et leurs actes. 214Le recueil, d’ailleurs, ne se limite pas Ă  ces acteurs essentiels, son ambition Ă©tant de fournir un cadre de comprĂ©hension plus global de la sociĂ©tĂ© mexicaine avec ses contradictions et ses points de vue divergents face au mouvement Ă©tudiant. Sont ainsi prĂ©sentĂ©es des conversations de rue, des confrontations verbales dures entre les orateurs Ă©tudiants et les passants, les jugements des forces de l’ordre, des extraits d’articles de presse et des tĂ©moignages des parents d’étudiants. 215De cette succession de points de vue, d’idĂ©es, de rĂ©cits, le lecteur parvient Ă  comprendre intuitivement toute la richesse et toute la complexitĂ© de cet Ă©vĂ©nement et de son issue douloureuse. L’ambiance soixante-huitarde est magistralement reconstituĂ©e Ă  travers la banalitĂ© quotidienne de nombre de tĂ©moignages qui laissent imaginer l’atmosphĂšre, les dĂ©bats et l’effervescence de cette gĂ©nĂ©ration, gĂ©nĂ©ration tout de mĂȘme confrontĂ©e Ă  l’indiffĂ©rence ou l’hostilitĂ© de nombre de Mexicains. Le dĂ©roulement des Ă©vĂ©nements transparaĂźt Ă©galement au fil des rĂ©cits, permettant lĂ  encore de penser sans mĂ©diation les dynamiques de mobilisation qui ont menĂ© Ă  la constitution d’un mouvement massif rĂ©agissant Ă  la rĂ©pression croissante de l’État. Évidemment, une bonne partie de l’ouvrage est consacrĂ©e Ă  la tragĂ©die du 2 octobre, Ă©pisode d’autant plus traumatisant qu’il fera l’objet d’une constante dĂ©nĂ©gation de la part des autoritĂ©s mexicaines. Face au silence de l’État, la parole est ici donnĂ©e aux diffĂ©rents tĂ©moins oculaires Ă©tudiants, journalistes, employĂ©s de la morgue, militaires reconstituant une rĂ©pression qui a sans doute fait trois cents victimes. 216Si la diversitĂ© et le nombre impressionnant de tĂ©moignages et leur succession rapide pouvaient Ă©ventuellement reprĂ©senter un obstacle Ă  la comprĂ©hension de ces faits marquants, l’auteure a veillĂ© Ă  les encadrer d’une efficace introduction explicative et engagĂ©e, ainsi que d’une chronologie dĂ©taillĂ©e. Ce beau livre est Ă©galement agrĂ©mentĂ© de nombreuses photographies qui permettent de concevoir ce mouvement par l’image. 217En somme, il s’agit d’un recueil engagĂ© d’histoire orale devenu une rĂ©fĂ©rence majeure, concernant un Ă©vĂ©nement hautement symbolique pour toute une gĂ©nĂ©ration de Mexicains. 218FrĂ©dĂ©ric JohanssonAfrique colonialeGoerg Odile, FantĂŽmas sous les tropiques aller au cinĂ©ma en Afrique coloniale, Paris, Éd. VendĂ©miaire, 2015, 288 p., 22 €219Aux frontiĂšres de l’histoire politique, de l’étude culturelle et de la sociologie, Odile Goerg s’intĂ©resse au cinĂ©ma africain au temps des colonies. Son livre n’est pas une histoire des films africains bien rares d’ailleurs avant les indĂ©pendances, mais une analyse d’une pratique sociale ce qu’aller au cinĂ©ma voulait dire dans un contexte colonial. Cette enquĂȘte se heurte Ă  la raretĂ© des sources les archives officielles ne conservant guĂšre de trace de ce loisir frivole, Odile Goerg a utilisĂ© des sources plus rarement sollicitĂ©es par l’historien romans ou autobiographies tel le livre CinĂ©ma de Tierno MonĂ©membo [14] et menĂ© des entretiens auprĂšs des lointains survivants de l’époque. 220OĂč se dĂ©roulent les premiĂšres sĂ©ances de cinĂ©ma ? Au dĂ©part, sur la place du village ou dans une arriĂšre-cour avant que, pendant les annĂ©es 1920, se construisent des salles dĂ©diĂ©es dont les appellations reprennent celles de la mĂ©tropole Palace, Rex, Rialto, Vox, Paris, etc. Le cinĂ©ma est dĂšs l’origine un Ă©vĂ©nement urbain qui crĂ©e, au cƓur de la citĂ©, un rassemblement festif et un nouvel espace de sociabilitĂ©. 221Qui va au cinĂ©ma ? Les EuropĂ©ens au premier chef, qui ont connu leurs premiĂšres expĂ©riences cinĂ©matographiques en mĂ©tropole et qui cherchent Ă  rompre la monotonie de leur sĂ©jour, mais aussi les Africains sans lesquels les exploitants n’atteindraient pas l’équilibre commercial. Les premiers spectateurs sont des Ă©voluĂ©s » des Africains instruits qui vivent au contact des Blancs et copient leurs pratiques sociales. À la diffĂ©rence de l’Afrique du Sud ou du Congo belge, Africains et colons font salle commune. Les relations se reconfigurent, celles entre les sexes, Ă  la faveur de l’obscuritĂ© les salles de cinĂ©ma deviennent le lieu de rencontres plus ou moins clandestines, car les adultes ne sont jamais loin. Ce mĂ©lange a toutefois ses limites, les prix, qui varient entre l’orchestre et le balcon, entraĂźnant une sĂ©grĂ©gation spatiale de fait. 222Si on ne va pas au cinĂ©ma uniquement pour voir un ou plusieurs films, le contenu importe malgrĂ© tout. Les autoritĂ©s coloniales vont d’ailleurs bientĂŽt s’inquiĂ©ter des programmes dont certains mettent Ă  mal le prestige du Blanc. Une censure est mise en place en 1934, qui double la censure mĂ©tropolitaine. Les spectateurs africains se rĂ©approprient cependant des contenus qui peuvent sembler anodins les frasques de Charlot font rire au dĂ©triment des gardiens de l’ordre, le racisme d’un Tarzan provoque des manifestations de dĂ©sapprobation, La Bataille du rail encourage le nationalisme et la rĂ©sistance. 223 FenĂȘtre ouverte sur l’ailleurs » qui donne aux publics africains l’occasion de se frotter au monde, lieu de rassemblement, oĂč l’obscuritĂ© et l’anonymat encouragent des manifestations impossibles en d’autres lieux, la salle de cinĂ©ma a constituĂ© un espace potentiel de contestation du pouvoir colonial. Odile Goerg a cependant raison de ne pas dramatiser le tableau. L’ambiance bruyante des salles est plus festive que rĂ©volutionnaire. En mĂ©tropole comme aux colonies, le cinĂ©ma est moins un lieu d’expression politique qu’un divertissement paisible. 224Yves GouninJennings Éric, La France libre fut africaine, Paris, MinistĂšre de la DĂ©fense/Perrin, 2014, 350 p., 23 €225La France libre est automatiquement associĂ©e Ă  Londres d’oĂč le gĂ©nĂ©ral de Gaulle lança son appel le 18 juin 1940 et oĂč il Ă©tablit ses quartiers. Pour autant, et le bel ouvrage d’Éric Jennings le dĂ©montre avec force, la France libre, Ă  bien des Ă©gards, fut africaine. 226SpĂ©cialiste de l’Empire colonial demeurĂ© sous domination vichyste, Éric Jennings contribue avec ce livre Ă  renouveler l’histoire du rĂŽle jouĂ© par les territoires français d’Outre-mer dans la victoire des AlliĂ©s contre les puissances de l’Axe lors la Seconde Guerre mondiale. La richesse de son travail rĂ©sulte de la consultation d’un important corpus archivistique, en France Archives nationales d’Outre-mer Ă  Aix-en-Provence, Archives diplomatiques de Nantes, Service historique de la dĂ©fense, Fondation Charles-de-Gaulle et du MĂ©morial Leclerc, mais aussi en Afrique oĂč il a consultĂ© les archives nationales de la rĂ©publique du Cameroun Ă  YaoundĂ© et celles de la rĂ©publique du Congo Ă  Brazzaville ou encore celles du SĂ©nĂ©gal Ă  Dakar. Ces sĂ©jours archivistiques africains lui ont Ă©galement permis d’acquĂ©rir une rĂ©elle connaissance de ces territoires et d’évaluer les traces de la mĂ©moire locale. 227Le concours de l’AEF Ă  l’effort de guerre gaulliste fut dĂ©terminant pendant les premiĂšres annĂ©es du conflit. Entre 1940 et 1943, en effet, la majoritĂ© des combattants de la France libre Ă©taient issus du Tchad, du Cameroun ou de l’Oubangui-Chari. Au total, vingt-sept mille hommes, dont dix-sept mille Africains, furent recrutĂ©s par la France libre en AEF et au Cameroun, soit prĂšs de 40 % des trente-neuf mille Français et trente mille coloniaux que comptait la France libre Ă  l’étĂ© 1943. GrĂące Ă  leurs ressources naturelles, l’Afrique Ă©quatoriale française et le Cameroun contribuĂšrent Ă©conomiquement Ă  l’effort de guerre gaulliste. Ils jouĂšrent aussi un rĂŽle stratĂ©gique en servant de base Ă  l’attaque de la Libye par les troupes du gĂ©nĂ©ral Leclerc en 1941. Surtout, l’importance de ces espaces fut politique. Ils confĂ©rĂšrent au gĂ©nĂ©ral de Gaulle un territoire sur lequel la France libre put exercer sa souverainetĂ©, faisant de la France libre non plus un mouvement mais un gouvernement » p. 11. 228ÉloignĂ©s de la mĂ©tropole, ces territoires furent Ăąprement disputĂ©s. L’auteur souligne la force des conflits persistant avec les vichystes et des inimitiĂ©s ou divisions au sein de la sociĂ©tĂ© coloniale ; autant de tensions qui entravĂšrent les efforts de la France libre pour asseoir sa lĂ©gitimitĂ©. 229Éric Jennings s’attache ensuite Ă  suivre la trace des soldats africains dans les combats de la France libre, de leur recrutement influencĂ© par la thĂ©orie des races guerriĂšres aux derniĂšres passes d’armes dans les poches de l’Atlantique en 1945, en passant par le mythique serment de Koufra. S’il rappelle la difficultĂ© de saisir ces individualitĂ©s dans des archives qui privilĂ©gient le groupe ou les combattants europĂ©ens, il rapporte les longues marches dans le dĂ©sert, les lacunes du ravitaillement ou encore les manifestations ordinaires de racisme de la part des officiers. Il a Ă©galement su retrouver dans les archives des dĂ©tails qui donnent chair Ă  cette histoire peu connue, tel ce repas oĂč exceptionnellement, aprĂšs la prise de Koufra, troupes blanches et noires partagĂšrent le mĂȘme menu les macaronis au parmesan dĂ©robĂ©s aux Italiens. Éric Jennings ne tait pas les sujets plus Ă©pineux tels les rixes entre soldats ou encore les exactions commises contre les populations civiles Ă  Fort Archambault au Tchad en mars 1941. Le poids de la contribution des soldats d’AEF et du Cameroun Ă  la libĂ©ration du territoire national demeura nĂ©anmoins mesurĂ© car, comme le rappelle l’auteur, deux blanchiments, l’un intervenant dĂšs 1943 avec la mobilisation de l’Afrique du Nord et l’autre, plus connu, qui, Ă  l’automne 1944, permit d’intĂ©grer les Forces françaises de l’intĂ©rieur FFI. 230Éric Jennings analyse enfin l’impact de la guerre sur les populations d’AEF et du Cameroun. CoupĂ©s de la mĂ©tropole, ces territoires basculĂšrent dans la sphĂšre d’influence Ă©conomique britannique et progressivement de celle des États-Unis. Pour contenir cette double influence, la France libre s’efforça d’exploiter au mieux les ressources naturelles de son Empire. Alors que la Malaisie, Singapour et l’Indochine, principaux producteurs de caoutchouc, Ă©taient occupĂ©s par le Japon, le latex d’AEF servit la cause du gĂ©nĂ©ral de Gaulle en Ă©toffant la contribution de la France libre Ă  l’effort de guerre alliĂ©. L’extraction d’or permit quant Ă  elle d’accroĂźtre l’autonomie financiĂšre de la France libre. Cette exploitation eut toutefois un coĂ»t que les populations locales payĂšrent au prix fort. Les exigences de productivitĂ© renforcĂšrent des pratiques prĂ©existantes de travail forcĂ©, de corvĂ©es, dont tĂ©moignent les clichĂ©s de Germaine Krull, photographe officielle de la France libre, reproduits dans le cahier central. Elles autorisĂšrent le renforcement des contraintes policiĂšres fichage des individus, emprisonnements abusifs, etc. 231Si l’image d’une RĂ©sistance essentiellement mĂ©tropolitaine et londonienne s’est imposĂ©e aprĂšs-guerre, l’ouvrage riche et nuancĂ© d’Éric Jennings a le grand mĂ©rite de rappeler les racines africaines de la France libre la contribution de l’AEF et du Cameroun fut certes limitĂ©e dans son ampleur et dans le temps, mais elle fut dĂ©cisive pour asseoir la lĂ©gitimitĂ© du mouvement. 232Julie Le GacMillman Brock, British Somaliland An Administrative History, 1920-1960, Londres, Routledge, 2014, 303 p., 95 ÂŁ233Cet ouvrage Ă©claire trois processus faiblement connus la structuration politique et territoriale de la Corne d’Afrique, par l’étude de la trajectoire de ce qui devient en 1991 l’ÉrythrĂ©e ; les modalitĂ©s concrĂštes du contrĂŽle colonial sur un territoire Ă  travers le suivi des dispositifs administratifs britanniques ; enfin, la lente mutation de l’exercice colonial sur un territoire au cours d’une sĂ©quence de temps souvent, et malheureusement, divisĂ©e par la Seconde Guerre mondiale. Le choix de l’auteur se porte sur la production d’un rĂ©cit Ă  partir de sources britanniques faiblement exploitĂ©es, celles des rapports d’administrateurs et des diffĂ©rents fonctionnaires d’empire. Ce n’est donc pas une Ă©tude des rĂ©actions locales Ă  la prĂ©sence impĂ©riale. Cette approche permet d’enrichir et de prĂ©ciser notre comprĂ©hension de l’Empire britannique en terre arabe. L’auteur part d’un paradoxe qui structure largement la politique britannique au cours du demi-siĂšcle d’occupation comment se construit un projet de gestion territoriale et politique d’un espace dont on envisage systĂ©matiquement la cession ? À travers l’étude du systĂšme administratif et des politiques de dĂ©veloppement, l’auteur montre comment, en cinq sĂ©quences, cette partie de la Corne d’Afrique se structure. 234Les ruptures chronologiques sont dĂ»ment justifiĂ©es. Entre le milieu du 19e siĂšcle et 1920, les autoritĂ©s britanniques Ă©crasent la rĂ©volte conduite par le cheikh local et s’emparent d’un lieu problĂ©matique. Cependant, ils ne mettent pas en valeur leur conquĂȘte dont ils ne savent que faire. Ils pensent l’intĂ©grer Ă  un marchandage avec les Italiens pour obtenir des gages de sĂ©curitĂ© dans le golfe d’Aden. Cependant, leur simple prĂ©sence temporaire entraĂźne la structuration d’une administration fondĂ©e sur quelques fonctionnaires coloniaux qui s’appuient sur les chefs locaux. L’étude montre bien comment la justice locale est ainsi rĂ©formĂ©e durablement puisqu’elle survit Ă  l’expĂ©rience coloniale. La deuxiĂšme sĂ©quence s’ouvre avec l’invasion italienne qui remet en cause la prĂ©sence britannique. Elle prĂ©cipite des Ă©changes entre les populations du Somaliland, de Somalie et du Kenya, suscitant des rĂ©actions contrastĂ©es volontĂ© d’unifier ces territoires, rĂ©actions hostiles des populations du Somaliland Ă  la prĂ©sence kenyane et dĂ©couverte du besoin de dĂ©veloppement » pour pouvoir entrer en compĂ©tition avec ces autres populations. La troisiĂšme sĂ©quence s’ouvre en 1941 avec la reconquĂȘte militaire du Somaliland. Ici, l’auteur montre comment l’armĂ©e assume une gestion civile avec un personnel militaire. La croissance de l’administration et la somalisation du personnel provoquent des mutations Ă©conomiques et sociales qui se traduisent par l’augmentation des dĂ©penses et des importations pour rĂ©pondre aux nouveaux besoins. Finalement, au cours des annĂ©es 1950, un processus constitutionnel forge un nouvel État Ă  la croisĂ©e des mouvements indĂ©pendantistes et des pressions nassĂ©riennes. 235Ce livre s’inscrit dans la relecture des dispositifs impĂ©riaux britanniques et permet de saisir les mĂ©canismes d’institutionnalisation consĂ©cutifs Ă  la prĂ©sence coloniale. 236Matthieu ReyPiret BĂ©rengĂšre, Les Cent Mille Briques la prison et les dĂ©tenus de Stanleyville, Lille, Centre d’histoire judiciaire, 2014, 205 p., 30 €237Issu d’un mĂ©moire de maĂźtrise, ce livre retrace l’histoire de la prison centrale de Stanleyville, aujourd’hui Kisangani, au Congo belge. Cette monographie constitue la premiĂšre Ă©tude sur l’emprisonnement dans cette colonie connue pour ses rapports de domination exacerbĂ©s. Elle s’inscrit dans un courant de recherche consacrĂ© Ă  l’enfermement carcĂ©ral colonial, initiĂ© notamment par Florence Bernault [15]. 238Cette Ă©tude de cas a le mĂ©rite de rappeler combien l’enfermement occupe une place centrale dans le projet colonial belge. D’une part, l’inscription de la prison dans le dispositif du travail forcĂ© souligne l’intĂ©rĂȘt Ă©conomique que la colonie tire de sa population carcĂ©rale. D’autre part, le contrĂŽle des populations par la pratique de l’incarcĂ©ration participe de l’entreprise de sujĂ©tion coloniale. 239L’ouvrage se prĂ©sente comme une plongĂ©e dans la prison de Stanleyville en quatre temps. Le cadre lĂ©gislatif occupe la premiĂšre partie, de la crĂ©ation de la prison en 1891 au grand dĂ©cret de rĂ©organisation de 1931, en passant par une premiĂšre rĂ©forme en 1906. Au centre de cette Ă©volution se trouve le passage d’une organisation carcĂ©rale Ă  caractĂšre militaire Ă  un systĂšme pĂ©nitentiaire civil. Cependant, le sous-encadrement administratif de la colonie explique le maintien de soldats de la Force publique ainsi qu’une utilisation de prisonniers jugĂ©s dignes de confiance, les capitas », pour surveiller les dĂ©tenus. Les deux parties suivantes sont consacrĂ©es Ă  l’architecture de la prison et Ă  la population carcĂ©rale. L’auteur insiste sur le souci permanent de sĂ©paration des indigĂšnes et des colons, malgrĂ© les difficultĂ©s liĂ©es au surpeuplement carcĂ©ral chronique. La derniĂšre partie, centrĂ©e sur la rĂ©alitĂ© quotidienne des dĂ©tenus, donne Ă  voir l’importance du travail carcĂ©ral. Celui-ci est nĂ©cessaire autant Ă  la gestion de la prison qu’à l’économie de la ville qui profite des travaux et de l’entretien effectuĂ©s par les prisonniers. 240À partir de sources administratives coloniales, issues des Affaires africaines de Bruxelles, BĂ©rengĂšre Piret met en lumiĂšre l’obsession de sĂ©grĂ©gation qui anime le projet pĂ©nitentiaire au Congo belge, mais aussi le pragmatisme qui caractĂ©rise la gestion de la prison de Stanleyville. Pour autant, certains aspects spĂ©cifiques Ă  l’emprisonnement colonial ne sont qu’esquissĂ©s. Le rapport Ă  la mĂ©tropole mĂ©riterait, par exemple, d’ĂȘtre davantage explorĂ©, qu’il s’agisse de la circulation des modĂšles ou de celle des acteurs pĂ©nitentiaires. L’ouvrage se donne ainsi Ă  lire comme une premiĂšre pierre posĂ©e pour la construction d’une histoire de l’enfermement carcĂ©ral au Congo, invitant Ă  prĂ©ciser toujours plus les formes que la violence coloniale a prises. 241Elsa GĂ©nardLachenal Guillaume, Le MĂ©dicament qui devait sauver l’Afrique un scandale pharmaceutique aux colonies, Paris, La DĂ©couverte, Les empĂȘcheurs de penser en rond », 2014, 283 p., 18 €242La pentamidine a Ă©tĂ© massivement utilisĂ©e dans les annĂ©es 1950 en Afrique pour combattre la maladie du sommeil. Ses inventeurs estimaient qu’elle pouvait ĂȘtre stockĂ©e plusieurs mois par l’organisme et dĂ©truire les trypanosomes en cas d’infection. Son invention tĂ©moigne des gĂ©ographies transnationales de l’industrie pharmaceutique » p. 49 dĂ©couverte au Royaume-Uni, testĂ©e en Sierra Leone puis au Congo belge pendant la Seconde Guerre mondiale, cette wonder drug coloniale a Ă©tĂ© commercialisĂ©e par le français RhĂŽne-Poulenc Ă  partir de 1946 sous le nom de Lomidine. 243Ses modalitĂ©s d’utilisation tĂ©moignent de la nouvelle donne de la mĂ©decine coloniale » caractĂ©risĂ©es aprĂšs 1945 par sa massification. Pour Ă©radiquer la maladie du sommeil est mis en Ɠuvre un programme vertical de santĂ© publique » p. 82 des campagnes systĂ©matiques de lomidinisation » chimio-prophylactique consistant Ă  injecter prĂ©ventivement la Lomidine Ă  toute une population. 244Cette politique s’est dans un premier temps avĂ©rĂ©e efficace. La maladie du sommeil a quasiment disparu d’Afrique Ă©quatoriale. Cependant, la lomidinisation avait des effets secondaires dĂ©plaisants et parfois dramatiques. L’injection intramusculaire dans la fesse Ă©tait trĂšs douloureuse, provoquant des abcĂšs voire des dĂ©cĂšs par gangrĂšne gazeuse. En novembre 1954, Ă  Yokadouma, dans l’Est du Cameroun, une campagne de lomidinisation tue trente-deux patients, ce qui suscite une vive Ă©motion dans un territoire dĂ©jĂ  agitĂ© par la fiĂšvre indĂ©pendantiste. Deux ans plus tĂŽt, Ă  Nkoltang, au Gabon, quatorze personnes avaient trouvĂ© la mort. Dans les deux cas, une souillure de la solution mĂ©dicamenteuse, toujours eu Ă©gard aux conditions de sa prĂ©paration en brousse, est incriminĂ©e. Des analyses pharmacologiques plus fines dĂ©montrent bientĂŽt l’absence de rĂ©tention de la pentamidine dans l’organisme. Son injection avait permis de lutter contre la maladie du sommeil par son effet thĂ©rapeutique sur les sujets infectĂ©s et non par son effet prophylactique sur les sujets sains. Dit autrement, la lomidinisation de sujets sains Ă©tait Ă  la fois dangereuse et inutile. 245Le travail de Guillaume Lachenal ne se rĂ©duit pas Ă  Ă©crire une page anecdotique et scandaleuse de l’histoire de la mĂ©decine coloniale. Son ambition est plus vaste. Il traque dans les politiques coloniales mises en place en Afrique aprĂšs la Seconde Guerre mondiale la part de dĂ©raison que contenaient leurs propres principes de rationalitĂ©, d’autoritĂ© et de scientificitĂ© » p. 9. Comme Olivier Le Cour Grandmaison l’a fait avec le droit colonial [16], Guillaume Lachenal rĂ©vĂšle la logique Ă  l’Ɠuvre dans la mĂ©decine coloniale Ă  rebours des principes Ă©thiques aujourd’hui appliquĂ©s, l’efficacitĂ© d’un mĂ©dicament dĂ©pendait de son utilitĂ© collective. DĂ©conseillĂ©e aux Blancs, car ses effets secondaires Ă©taient depuis l’origine connus, la lomidine Ă©tait un mĂ©dicament racialisĂ© » p. 122, dont l’injection forcĂ©e Ă  la population noire aurait dĂ» permettre l’éradication de la maladie du sommeil, fĂ»t-ce au prix de quelques victimes collatĂ©rales. 246Yves GouninBlum Françoise, RĂ©volutions africaines Congo, SĂ©nĂ©gal, Madagascar, annĂ©es 1960-1970, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 202 p., 18 €247Françoise Blum, chercheuse au Centre d’histoire sociale du 20e siĂšcle, a coordonnĂ©, en collaboration avec le Centre d’études des mondes africains, un sĂ©minaire sur les Circulations des cultures d’opposition mouvements politiques et sociaux dans l’Afrique des annĂ©es 1960 ». Dans la continuitĂ©, un colloque consacrĂ© aux Mouvements Ă©tudiants en Afrique francophone de 1960 Ă  nos jours » s’est tenu Ă  Paris, en juillet 2014, alors que paraissait ce livre sur les contestations ayant marquĂ© la premiĂšre dĂ©cennie des indĂ©pendances dans d’anciennes colonies de la France. Françoise Blum a profitĂ© du sĂ©minaire et de quelques Ă©tudes prĂ©cises, mais l’ouvrage, qui s’inscrit dans la lignĂ©e de ses recherches sur le militantisme, en France et en Afrique, est novateur par ses sources et par son approche. Il s’appuie, du cĂŽtĂ© français, sur des archives officielles, des ambassades et de Jacques Foccart, ainsi que sur des tĂ©moignages de diplomates et de coopĂ©rants. Les archives nationales malgaches et une quinzaine d’entretiens donnent l’essentiel des points de vue africains. 248La relative synchronie avec d’autres mouvements, notamment le Mai français, et l’adoption de slogans nĂ©s ailleurs ne signifient ni manque d’imagination, ni manque de capacitĂ© autonome d’agir. L’Afrique qui participe, par de multiples rĂ©seaux et connexions, Ă  la globalisation » p. 173 s’approprie ce qu’elle reçoit. Ses rĂ©sistances et ses luttes font sens pour le reste du monde, ne serait-ce que par le militantisme d’anciens Ă©tudiants formĂ©s en France et sĂ©duits par les expĂ©riences socialistes dans leur diversitĂ©. La premiĂšre partie de l’ouvrage propose une analyse comparĂ©e des rĂ©voltes et des rĂ©volutions. La circulation de savoirs et de pratiques, par des livres, des mĂ©dias ou des passeurs de diverses nationalitĂ©s, affiliĂ©s, pour certains d’entre eux, Ă  des associations ou des syndicats, en constitue la seconde. 249Les contestations Ă©clatent dans de nouvelles nations, dont la formation limite la portĂ©e du panafricanisme, Ă©galement concurrencĂ© par l’hĂ©ritage de la colonisation. Le poids de la coopĂ©ration française et la volontĂ© des dirigeants qui ont nĂ©gociĂ© les indĂ©pendances de brider la vie politique ont provoquĂ© un vif mĂ©contentement, en particulier chez les jeunes. De fait, si ces rĂ©volutions ne se rĂ©sument pas Ă  un conflit de gĂ©nĂ©rations, les cadets ont jouĂ© un rĂŽle primordial dans leur dynamique, se constituant ainsi en classe d’ñge politique ». Cette dĂ©ception explique l’admiration pour la GuinĂ©e, longtemps apparue comme LE symbole de l’indĂ©pendance, avant que des rĂ©voltes causĂ©es par les dĂ©rives du rĂ©gime de SĂ©kou TourĂ© ne la secouent elle aussi. Quoique ne figurant pas dans le titre, la GuinĂ©e est omniprĂ©sente dans l’ouvrage qui se clĂŽt sur l’expĂ©rience, Ă  l’UniversitĂ© ouvriĂšre de GuinĂ©e, d’une formation syndicale communiste pour des Africains dont les origines dessinent une cartographie des Afriques socialistes ou en lutte contre la prĂ©sence coloniale ». 250Faranirina V. RajaonahMoyen-OrientCorm Georges, PensĂ©e et politique dans le monde arabe contextes historiques et problĂ©matiques, xixe-xxie siĂšcles, Paris, La DĂ©couverte, 2015, 389 p., 15,99 €251Ce nouvel ouvrage de l’économiste et historien Georges Corm impressionne par son Ă©rudition. L’auteur y expose les nombreuses facettes de la pensĂ©e politique arabe depuis le 19e siĂšcle et la Nahda, mouvement de renaissance arabe, politique, culturel et religieux, caractĂ©risĂ© par un dĂ©sir de modernitĂ©. Georges Corm va Ă  l’encontre des clichĂ©s qui associent culture arabe et civilisation islamique, clichĂ©s prĂ©gnants en Occident, d’Ernest Renan Ă  nos jours. Il veut montrer l’inanitĂ© de l’approche de la pensĂ©e arabe Ă  travers le seul prisme religieux. 252Pour cela, il n’hĂ©site pas Ă  remonter loin dans l’histoire, rappelant que La Mecque paĂŻenne au 7e siĂšcle Ă©tait une grande ville de commerce et d’échanges culturels, abritant chrĂ©tiens, juifs et polythĂ©istes, influencĂ©e par la culture syriaco-aramĂ©enne et par la culture grĂ©co-romaine, et que cette diversitĂ© d’influences a Ă©tĂ© le creuset de la culture arabe. 253En historien, il montre les consĂ©quences d’évĂ©nements historiques comme la chute de l’Empire ottoman en 1923, la crĂ©ation de l’État d’IsraĂ«l en 1948 ou la dĂ©faite de la guerre des Six Jours en 1967 sur la pensĂ©e arabe. 254Il redonne vie, Ă  grand renfort d’exemples concrets et de portraits vivants, Ă  nombre d’intellectuels arabes, comme Al-Tahtawi 1801-1873, mandatĂ© par le gouverneur d’Égypte Mohammed Ali pour aller en mission Ă  Paris de 1826 Ă  1830. Al-Tahtawi a ainsi introduit la culture française en Égypte et initiĂ© un grand mouvement de traduction vers l’arabe d’Ɠuvres de la littĂ©rature politique française. 255Georges Corm montre que la pensĂ©e arabe n’est pas monolithique mais polymorphe, et qu’elle a pu donner lieu Ă  des dĂ©bats et controverses, comme par exemple entre le grand rĂ©formateur religieux Ă©gyptien Mohammed Abdou 1849-1905 et l’essayiste libanais positiviste convaincu des bienfaits de la laĂŻcitĂ© Farah Antoun 1874-1922. 256Plus rĂ©cemment, l’intellectuel Ă©gyptien Taha Hussein 1889-1973 a critiquĂ© la façon d’enseigner la religion dans la cĂ©lĂšbre UniversitĂ© Al-Azhar du Caire, et a affirmĂ© que par son histoire, l’Égypte appartenait au monde europĂ©en mĂ©diterranĂ©en, soulignant les profondes influences rĂ©ciproques entre l’Égypte pharaonique, d’une part, et la GrĂšce et Rome, d’autre part. Georges Corm n’oublie pas les femmes et en cite plusieurs comme May ZiadĂ© 1886-1941, premiĂšre femme de lettres arabe d’origine palestino-libanaise, qui a tenu un salon littĂ©raire, ou Nawal El-Saadawi, aux multiples talents d’écriture, emprisonnĂ©e en 1981 car opposante au rĂ©gime d’Anouar el-Sadate. 257Sur le plan religieux, il oppose au clichĂ© sur l’islamisme de nombreux autres courants, comme la wassatiya » ou juste milieu », pensĂ©e religieuse ancrĂ©e dans le Coran et contrant la pensĂ©e islamiste radicale et fanatique. 258Ce vaste panorama est passionnant et dĂ©montre de maniĂšre stimulante la richesse exceptionnelle de la culture arabe. 259ChloĂ© MaurelLuizard Pierre-Jean, Histoire politique du clergĂ© chiite, xviiie-xxie siĂšcle, Paris, Fayard, 2014, 325 p., 20 €260Dans un style des plus clairs, avec un appareil de notes dĂ©pouillĂ© pour ne pas alourdir la lecture palpitante de cet ouvrage, Pierre-Jean Luizard, dont les travaux sur l’Irak des premiĂšres dĂ©cennies du 20e siĂšcle demeurent pionniers pour la comprĂ©hension du chiisme politique, et donc des mobilisations au nom de l’islam, propose ici un voyage captivant Ă  travers deux siĂšcles d’histoire et de nombreux territoires, Ă  la dĂ©couverte de l’univers du clergĂ© militant. Sa trĂšs solide connaissance des Ă©coles, des combats doctrinaux et des biographies des 18e-21e siĂšcles lui permet d’expliquer l’émergence d’un acteur politique inĂ©dit le clergĂ© chiite. Naturellement, le but de ce livre n’est pas de prĂ©senter une thĂšse ni de faire dĂ©couvrir au public connaisseur tel ou tel dĂ©tail sur le chiisme. D’autres ouvrages indiquĂ©s en bibliographie ou en introduction de chapitre supplĂ©ent cette demande. Il s’agit de dresser un tableau synthĂ©tique de la trajectoire de cet acteur et des consĂ©quences politiques de son engagement. 261Les quatorze chapitres qui structurent l’ouvrage adoptent trois points de vue. Globalement, ils s’agencent selon un plan chronologique attendu, avec un prĂ©lude sur les modalitĂ©s de clĂ©ricalisation du chiisme depuis son apparition jusqu’à la victoire de l’usĂ»lisme tendance du chiisme favorable Ă  l’action des mujtahid ou savants, clercs dans les affaires de la citĂ© suivi de plusieurs chapitres sur les diffĂ©rentes Ă©tapes de l’implication du clergĂ© dans la politique moyen-orientale, Iran compris. Ensuite, il laisse place Ă  un suivi gĂ©ographique. Les premiers chapitres se consacrent largement Ă  l’analyse de l’Irak et de l’Iran dont les Ă©volutions des clergĂ©s sont analysĂ©es en relation avec les moments rĂ©volutionnaires. Pierre-Jean Luizard montre bien le retournement de la situation iranienne avec la rĂ©volution de 1979, aboutissement de la doctrine usĂ»liste, et la crise du rĂ©gime face aux mujtahids critiques du velayet al-faqih gouvernement du docteur de la loi Ă  la mort de Khomeiny. Ensuite, les situations libanaises et golfiques font l’objet d’un Ă©clairage plus prĂ©cis. Ces chapitres tordent la chronologie reprenant les premiers pas du clergĂ© libanais dans les annĂ©es 1920 par exemple. Enfin, un troisiĂšme dĂ©coupage suit les Ă©vĂ©nements marquants de l’implication clĂ©ricale, revenant sur la grĂšve des tabacs ou la rĂ©volution constitutionnaliste. Le choix de l’auteur d’isoler ces sĂ©quences est particuliĂšrement judicieux, dans la mesure oĂč peu ou aucune prĂ©sentation synthĂ©tique de ces moments majeurs n’existait jusque-lĂ . DĂšs lors, l’ouvrage donne toutes les clĂ©s au lecteur pour arpenter les diffĂ©rents aspects historiques de l’implication politique du clergĂ© chiite. 262Faut-il faire remarquer une lĂ©gĂšre distorsion dans les prĂ©sentations entre les cas irako-iraniens qui reprĂ©sentent plus des trois quarts de l’ouvrage, au dĂ©triment des cas libanais et golfique ? L’auteur pourra arguer respecter le poids dĂ©mographique des communautĂ©s et non nĂ©cessairement le traitement chronologique. Ce livre constitue dans tous les cas une excellente initiation Ă  une forme originale de mobilisation musulmane encore faiblement connue. 263Matthieu ReyFeroz Ahmad, The Young Turks and the Ottoman Nationalities Armenians, Greeks, Albanians, Jews and Arabs, 1908-1918, Ann Arbor, The University of Utah Press, 2014, 191 p., 25 $264Le dernier moment ottoman qui dĂ©bute par la rĂ©volution Jeune turque en 1908 et se clĂŽt Ă  la fin de la PremiĂšre Guerre mondiale comprend de nombreux aspects encore mĂ©connus. L’ouvrage de Feroz Ahmad comble ici un manque important comprendre comment la restauration de la Constitution et du parlementarisme interagissent avec les acteurs se revendiquant des minoritĂ©s nationales. Son angle d’approche est double et propose un traitement du monde des Ă©lites pour en restituer les clivages et une analyse des jeux qui se dĂ©roulent entre les reprĂ©sentants des nationalitĂ©s impĂ©riales. L’auteur corrige l’image d’un Empire finissant oppresseur des nationalitĂ©s pour montrer les hĂ©sitations et les stratĂ©gies antagonistes coexistantes. 265L’auteur dĂ©termine cinq groupes nationaux afin de montrer que le nationalisme, qui a imprĂ©gnĂ© les groupes minoritaires de l’Empire depuis la RĂ©volution française, n’est pas la seule grammaire de l’action des dĂ©putĂ©s en 1908. Chaque groupe accueille la Constitution de 1908 et les Ă©lections consĂ©cutives de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e. Certains, comme les reprĂ©sentants armĂ©niens, espĂšrent obtenir l’égalitĂ© des conditions et la fin de toute forme d’oppression dans le rĂ©tablissement de la Constitution. D’autres, comme les Grecs, voient des oppositions fortes entre le patriarche et les autoritĂ©s d’AthĂšnes. Si ces derniĂšres n’appartiennent pas Ă  l’Empire, elles continuent d’exercer une influence importante sur les groupes rĂ©sidant en Asie mineure. L’auteur revient en dĂ©tail sur la maniĂšre dont chaque inflexion de la trajectoire parlementaire et politique du rĂ©gime prĂ©cipite des repositionnements, des gains ou des pertes pour les reprĂ©sentants minoritaires. Ce n’est ainsi qu’en 1913, en rĂ©action aux dĂ©veloppements libĂ©raux et aux soutiens minoritaires que les autoritĂ©s du ComitĂ© d’Union et ProgrĂšs se dĂ©font de toute politique dĂ©centralisatrice. De mĂȘme, l’auteur restitue les mouvements armĂ©s pendant la PremiĂšre Guerre mondiale pour expliquer la marche vers le gĂ©nocide armĂ©nien rĂ©sultant, entre autres, des Ă©chos du conflit. Enfin, l’auteur revient, de maniĂšre plus que convaincante, sur les effets du parlementarisme Ă  l’égard des Arabes. Ils trouvent un moyen de renĂ©gocier les intĂ©rĂȘts de leurs provinces et de prĂ©venir ce qu’ils perçoivent comme des menaces impĂ©rialistes. Ce n’est que tardivement et de façon non unanime que certains segments des Ă©lites impĂ©riales arabes renoncent Ă  leur loyautĂ© pour Istanbul. L’épilogue rĂ©vĂšle comment une relecture de cette pĂ©riode apparaĂźt au lendemain de la guerre. 266Cette Ă©tude particuliĂšrement intĂ©ressante prĂ©sente deux limites. Le lecteur devra connaĂźtre le dĂ©roulement du gĂ©nocide pour en saisir les principales Ă©tapes. L’autre problĂšme concerne la sĂ©lection et la construction des groupes minoritaires. Le recours Ă  la nationalitĂ©, au sens de la confession, explique l’étude des juifs ou des ArmĂ©niens. Cependant, l’auteur ne le mentionne pas comme tel. De mĂȘme, la variable ethnique aurait pu ĂȘtre avancĂ©e. NĂ©anmoins, comme les choix ne sont pas explicitĂ©s, le lecteur comprend mal pourquoi les juifs sont Ă©tudiĂ©s, mais pas les chiites ou encore les ArmĂ©niens et pas les Kurdes. Il n’en demeure pas moins que cet ouvrage constitue une Ă©tude des plus utiles pour la comprĂ©hension du monde ottoman. 267Matthieu ReyRutledge Ian, Enemy on the Euphrates The British Occupation of Iraq and the Great Arab Revolt, 1914-1920, Londres, Saqi, 2014, 471 p., 20 ÂŁ268Un Ă©trange paradoxe ouvre cette vaste fresque de l’Irak au cours de la PremiĂšre Guerre mondiale alors que le soulĂšvement de 1920 constitue le point de dĂ©part des Ă©tudes historiques irakiennes pour de nombreux chercheurs du Moyen-Orient, l’épisode est mĂ©connu, pour ne pas dire ignorĂ© du public, universitaire ou non, en Occident. C’est donc une page originale de la guerre et de ses suites que l’auteur souhaite Ă©crire avec force de dĂ©tails. D’emblĂ©e, de grandes figures, comme le conseiller britannique de la couronne Mark Sykes parcourant Ă  la fin des annĂ©es 1900 un Orient arabe dont il dĂ©couvre les richesses naturelles et les rĂ©alitĂ©s tribales, incarnent le rĂ©cit historique qui revient sur la rencontre de deux dynamiques antagonistes celle d’armĂ©es britanniques sĂ»res d’une avancĂ©e rapide en terre ottomane, et celle de populations locales, appelĂ©es au jihad, se soulevant contre le nouvel occupant Ă©tranger. 269Les trente-quatre chapitres qui charpentent l’ouvrage suivent un agencement chronologique rigoureux et se divisent en deux parties les deux grandes pĂ©riodes de la guerre et de ses sorties. Dans la premiĂšre partie, l’auteur porte une attention particuliĂšre aux connaissances britanniques sur le terrain. DĂšs 1908, les Britanniques apprennent l’existence de gisements d’hydrocarbures dans la rĂ©gion de Mossoul. Pendant la guerre, une convergence d’intĂ©rĂȘts rapproche des dĂ©cideurs et dĂ©termine les stratĂ©gies Winston Churchill, qui demande Ă  la Navy d’adopter la propulsion par pĂ©trole, s’entend avec sir Maurice, qui dĂ©fend les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques spĂ©cifiques de la Grande-Bretagne dans la rĂ©gion du Golfe, tous deux accrĂ©ditant les projets de Mark Sykes. L’auteur fait une large place aux conflits intrabritanniques, avec les oppositions entre Piercy Cox et Mark Sykes, pour montrer les incertitudes des ambitions britanniques. Dans une seconde partie, il s’attache Ă  un suivi extrĂȘmement mĂ©ticuleux des alliances locales entre tribus et chefs urbains, de l’émergence de figures irakiennes et de leur disparition, mĂȘlant la grande histoire le jihad contre les Britanniques, l’insurrection des villes irakiennes aprĂšs la guerre et la petite la mort du garant arabe de la rĂ©volte conduite par le chĂ©rif Hussein. Ce livre offre indĂ©niablement le meilleur tableau de la composition et des mouvements des forces en prĂ©sence en Irak au cours de l’épisode trouble de l’insurrection de 1920. 270Notons le parti pris de l’auteur qui se focalise sur les questions d’hydrocarbures. Si celles-ci constituent un enjeu de la guerre et de ses sorties, leur prĂ©sentation peut laisser penser au lecteur que le pĂ©trole est le nerf de la guerre mĂ©sopotamienne pour les Britanniques, alors mĂȘme qu’il n’a pas pris encore toute son importance stratĂ©gique. En outre, l’auteur, ignorant les travaux de Pierre-Jean Luizard, ne montre pas l’effervescence religieuse qui accompagne la mobilisation chiite. Hormis ces deux correctifs, ce livre se lit trĂšs aisĂ©ment en raison de l’entrecroisement de portraits et donne accĂšs Ă  une rĂ©alitĂ© peu connue la guerre mĂ©sopotamienne des Britanniques entre 1914 et 1918. 271Matthieu ReyL’Europe mĂ©dianeBene KrisztiĂĄn et Ferenc David dir., Entre coopĂ©ration et antagonismes les dimensions des relations franco-hongroises, de l’époque moderne Ă  l’intĂ©gration europĂ©enne. Actes du colloque international d’histoire de l’UniversitĂ© de PĂ©cs, 13 mars 2013, Talmont-saint-Hilaire, Éd. Codex/UniversitĂ© de PĂ©cs, Dialogue, 1 », 2014, 166 p., 20 €272L’UniversitĂ© de PĂ©cs, en Hongrie, avec le soutien de l’Institut français de Budapest, de l’AcadĂ©mie hongroise des sciences et de l’UniversitĂ© nationale hongroise du service public, a publiĂ© le premier numĂ©ro d’une collection vouĂ©e Ă  accueillir les avancĂ©es de la recherche sur les relations entre la Hongrie et la France et, de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, le monde francophone. 273Ce premier numĂ©ro est consacrĂ© Ă  la publication des actes d’un colloque rĂ©alisĂ© avec le soutien des mĂȘmes institutions, et qui a permis de croiser les regards de chercheurs aussi bien français que hongrois. Y sont abordĂ©s des Ă©pisodes connus, comme la pĂ©riode qui a entourĂ© le traitĂ© de Trianon, mais aussi des moments moins Ă©tudiĂ©s, grĂące Ă  l’ouverture des archives pour la pĂ©riode contemporaine, des annĂ©es 1970 aux annĂ©es 1980. Ce volume s’inscrit, Ă  cet Ă©gard, dans le mouvement de renouvellement historiographique sur les rapports franco-hongrois, et plus largement sur le rapport de la France Ă  l’Europe mĂ©diane. 274Le choix d’une couverture chronologique aussi large que possible a Ă©tĂ© retenu. Une contribution fait ainsi le point sur l’apport des hussards en France, considĂ©rĂ©s comme un des premiers facteurs de contact avec la Hongrie. Une autre s’attache aux guerres napolĂ©oniennes, mais sous un angle double outre les affrontements militaires, la question du mĂ©morial Ă©difiĂ© Ă  PĂ©cs en mĂ©moire des soldats de la Grande ArmĂ©e permet en effet d’approfondir l’étude de la tendance francophile dans l’intelligentsia hongroise avant la PremiĂšre Guerre mondiale. Le dĂ©ficit de connaissances françaises sur la Hongrie est, lui, rappelĂ© Ă  travers l’analyse des articles consacrĂ©s Ă  ce pays dans la Revue de Paris. La pĂ©riode de la PremiĂšre Ă  la Seconde Guerre mondiale donne lieu Ă  plusieurs contributions, dont une sur le traitĂ© de Trianon, et une sur un Ă©pisode moins connu du grand public, Ă  savoir les accords de Bled, avec la pĂ©riode des annĂ©es 1930 et le dĂ©litement de la politique française en Europe centrale. L’étude de l’action des services de renseignement hongrois permet aussi de nuancer l’image parfois donnĂ©e des rapports bilatĂ©raux. Si le cadre du colloque n’a pas permis d’analyser plus amplement la pĂ©riode communiste, un article des varia est consacrĂ© Ă  l’histoire littĂ©raire Ă  l’époque du kadarisme. Les deux derniĂšres contributions portent, enfin, sur l’un des moments considĂ©rĂ©s comme les plus importants, Ă  savoir le double septennat de François Mitterrand, et sur l’état des relations franco-hongroises aujourd’hui, dans le cadre de l’intĂ©gration europĂ©enne. 275Pierre BouillonEngelking Barbara, Jest jak piękny sƂoneczny dzieƄ
 Losy Ć»ydĂłw szukających ratunku na wsi polskiej, 1942-1945 Il fait si beau aujourd’hui destins de juifs cherchant de l’aide dans la campagne polonaise, 1942-1945, Varsovie, Stowarzyszenie Centrum BadaƄ nad ZagƂadą Ć»ydĂłw, 2011 ; trad. fr., id., On ne veut rien vous prendre
 seulement la vie » des Juifs cachĂ©s dans les campagnes polonaises, 1942-1945, trad. du pol. par Xavier Chantry, Paris, Calmann-Levy/MĂ©morial de la Shoah, 2015, 334 p., 24,90 €276La traduction du livre de Barbara Engelking, directrice Ă  Varsovie du Centre de recherches sur l’extermination des juifs, vient Ă  point nommĂ© pour faire connaĂźtre en France le renouvellement historiographique sur la Shoah dans les campagnes polonaises. DĂ©jĂ  Ă  l’échelle locale, l’historien Jan Grabowski avait Ă©tudiĂ© le sort de la population juive dans un canton rural, pendant et aprĂšs l’Aktion Reinhardt mars 1942-octobre 1943 visant Ă  la destruction systĂ©matique du judaĂŻsme polonais, par la liquidation des ghettos, la dĂ©portation vers les centres de mises Ă  mort et les assassinats de masse [17]. Il avait conclu Ă  l’isolement de la population juive au milieu de leurs voisins polonais qui majoritairement refusĂšrent de les aider, voire pour certains participĂšrent plus ou moins activement Ă  la chasse au juif », une phase moins connue de l’histoire de la Shoah, Ă©clairĂ©e par ce travail. 277Barbara Engelking parvient aux mĂȘmes conclusions, Ă  l’échelle de l’ensemble du monde rural polonais cette fois-ci. L’auteure a choisi, Ă  partir de cinq cents tĂ©moignages de juifs rescapĂ©s de la Shoah, privilĂ©giant en majoritĂ© ceux recueillis dĂšs le lendemain de la guerre, ainsi que de trois cents actes de procĂšs faisant suite aux dĂ©crets d’aoĂ»t 1944, qui jugeaient les actes de collaboration avec l’ennemi allemand pendant la guerre, de donner le point de vue des juifs cachĂ©s ou tentant de se cacher dans les campagnes polonaises, pour Ă©chapper aux dĂ©portations et Ă  la mort, entre 1942 et 1945. Elle essaie de dĂ©gager leurs motivations pour entreprendre de se cacher, leurs diffĂ©rentes stratĂ©gies, et va jusqu’aux plus sombres recoins de ces histoires, avec de nombreuses citations Ă  l’appui et insistant notamment sur les entreprises ayant Ă©chouĂ©, Ă  savoir les juifs qui furent dĂ©noncĂ©s et arrĂȘtĂ©s, sinon directement tuĂ©s. 278Bien que le point de vue adoptĂ© et, partant, la construction mĂȘme de son ouvrage, soit celui de la victime juive, l’auteure, en psychologue, s’interroge Ă©galement sur les motivations de ceux qui ont cachĂ© ou dĂ©noncĂ© ou tuĂ© ces juifs. L’immense intĂ©rĂȘt de cette succession de narrations commentĂ©es est de montrer la complexitĂ© de la situation on sort de la dichotomie Justes dĂ©sintĂ©ressĂ©s versus une poignĂ©e de dĂ©lateurs dĂ©pravĂ©s, pour entrer dans la zone grise » des juifs cachĂ©s le plus souvent en Ă©change de biens et, lorsque les moyens de dĂ©dommagement arrivent Ă  Ă©puisement rapidement tant les sommes exigĂ©es Ă©taient exorbitantes les juifs cachĂ©s Ă©taient au mieux expulsĂ©s, au pire dĂ©noncĂ©s Ă  la police polonaise ou aux gendarmes allemands, voire parfois mĂȘme tuĂ©s de la main mĂȘme de leur hĂŽte. Se dessine aussi, en creux, le portrait d’une campagne oĂč les portes se fermĂšrent aux juifs demandant asile ou simplement Ă  manger, et oĂč des voisins en dĂ©noncĂšrent d’autres qui cachaient des juifs, et ce pour des motifs plus ou moins clairs querelle de voisinage, jalousies, sentiment d’injustice de voir l’autre s’enrichir, appĂąt du gain de la rĂ©compense en cas de dĂ©nonciation ou, bien souvent aussi, la peur des reprĂ©sailles collectives. 279L’originalitĂ© de cet ouvrage rĂ©side enfin dans son Ă©criture mĂȘme, plaçant le lecteur au centre d’une sorte de jeu de rĂŽle oĂč, Ă  l’instar du juif traquĂ©, il est tour Ă  tour confrontĂ© aux choix qui s’offrent Ă  lui dans son errance Ă  travers un dĂ©sert humain au sens propre – absence d’aide, ballottement d’une personne Ă  l’autre avec, toujours, cette nĂ©cessitĂ© de recommencer les mĂȘmes dĂ©marches – comme au sens psychologique – vain espoir de comprĂ©hension, mais aussi perte de la confiance rĂ©confortante en autrui » p. 54. Au lieu de tenir Ă  distance la souffrance de ces histoires, elle vise au contraire Ă  les intĂ©rioriser. Ce faisant, elle s’écarte aussi d’une historiographie plus classique, pour davantage impliquer le lecteur, l’empĂȘcher de demeurer indiffĂ©rent et lui poser la mĂȘme question qu’elle se pose elle-mĂȘme en conclusion, celle de son impuissance face au problĂšme de l’accomplissement du mal comme face au mystĂšre de l’expĂ©rience de la souffrance » p. 254. 280Audrey KichelewskiHistoires comparĂ©e et mondialeBaudouin Jean et Bruneteau Bernard dir., Le Totalitarisme un concept et ses usages, Rennes, Presses universitaires de Rennes, Essais », 2014, 212 p., 18 €281Cet ouvrage rassemble onze auteurs dont les textes s’inscrivent dans deux parties. L’une est dĂ©diĂ©e Ă  l’étude du statut du totalitarisme en histoire Marc Lazar, dans la science politique française Jean Baudouin et amĂ©ricaine des annĂ©es 1960 et 1970 Thuriane SĂ©veno, en philosophie politique FrĂ©dĂ©ric Lambert, en droit Jacky Hummel, statut ayant oscillĂ© entre pleine reconnaissance de sa valeur heuristique et rejet. La seconde partie examine l’utilisation du totalitarisme dans l’historiographie d’objets singuliers le fascisme italien Marie-Anne Matard-Bonucci, la RDA Chantal Metzger et Emmanuel Droit, le nazisme Rainer Hudemann et l’URSS stalinienne Jean-Paul Depretto. Bien que l’approche du concept varie parfois selon les auteurs, tous le considĂšrent comme un outil opĂ©ratoire de leur discipline et de leurs recherches. 282Le livre rappelle les controverses ayant entourĂ© le concept et en sonde les raisons. Certaines d’entre elles sont liĂ©es Ă  ses usages politiques il fut instrumentalisĂ© au cours de plusieurs pĂ©riodes, notamment pendant les annĂ©es 1950 et 1960 par les tenants de l’anticommunisme. D’autres renvoient Ă  des motifs scientifiques. Selon des historiens et des politistes se rĂ©clamant d’une approche sociale, la rĂ©alitĂ© des faits et l’autonomie du social rendent le concept non opĂ©ratoire c’est la position de l’école rĂ©visionniste amĂ©ricaine des annĂ©es 1970 et 1980 Ă  propos de l’étude de l’URSS de Staline, d’historiens travaillant sur les dĂ©mocraties populaires, la RDA en particulier, d’historiens du nazisme. 283C’est Ă©galement la comparaison, Ă  l’aune du concept de totalitarisme, entre nazisme et communisme qui est tenue pour illĂ©gitime au regard non seulement de facteurs mĂ©thodologiques – dissymĂ©trie des historiographies et de l’accĂšs Ă  leurs sources respectives au moins jusqu’en 1991 –, mais aussi de facteurs politiques et d’un diffĂ©rentiel de mĂ©moire entre les deux phĂ©nomĂšnes. 284Afin de parer aux critiques Ă  son endroit et de lĂ©gitimer son usage dans la recherche, Bernard Bruneteau cible, dans son texte introductif, les dĂ©marches Ă  observer, en insistant particuliĂšrement sur l’historisation du concept de totalitarisme. Toute analyse d’un rĂ©gime totalitaire doit mettre en relief la notion d’expĂ©rience, car le totalitarisme est un processus continu fondĂ© sur une dynamique rĂ©volutionnaire. Par ailleurs, si chaque expĂ©rience totalitaire est singuliĂšre, elle doit ĂȘtre replacĂ©e dans un contexte historique global qui a créé les conditions de l’émergence de rĂ©gimes politiques nouveaux au lendemain de la PremiĂšre Guerre mondiale. Il convient ensuite de dĂ©gager, par-delĂ  leurs origines et rĂ©fĂ©rences respectives qu’il ne s’agit pas de nier, les structures et fonctions semblables des idĂ©ologies totalitaires ; enfin de considĂ©rer comme matrice du fonctionnement des rĂ©gimes totalitaires la violence du pouvoir. 285Comme l’affirme Bernard Bruneteau, l’objet du livre n’est pas de poser les bases d’une nouvelle big theory » du totalitarisme, mais d’en faire usage pour interprĂ©ter le 20e siĂšcle. 286Olivier ForlinKouamĂ© Nathalie dir., Historiographies d’ailleurs comment Ă©crit-on l’histoire en dehors du monde occidental ?, Paris, Karthala, 2014, 303 p., 21 €287Ce livre collectif dirigĂ© par Nathalie KouamĂ©, spĂ©cialiste de l’histoire de l’Asie, professeure Ă  l’UniversitĂ© Paris-VII, est le fruit d’un travail de plusieurs annĂ©es engagĂ© par de nombreux chercheurs issus de divers horizons scientifiques et institutionnels, qui s’est traduit par une trentaine de confĂ©rences organisĂ©es Ă  Paris de 2010 Ă  2013. Ambitionnant de proposer une vision dĂ©centrĂ©e de l’historiographie mondiale, autre que l’historiographie occidentale qui s’est imposĂ©e dans le monde depuis le 19e siĂšcle, les auteurs prĂ©sentent des Ă©tudes monographiques sur diffĂ©rentes façons de faire de l’histoire dans les aires extra-occidentales depuis l’AntiquitĂ©. 288Les contributions, trĂšs stimulantes, Ă©crites par des chercheurs spĂ©cialistes reconnus de leurs sujets, prĂ©sentent le travail d’historiens des Suds, et sont classĂ©es par ordre du soutien le plus fort Ă  la contestation la plus ouverte des historiographes Ă©tudiĂ©s avec le pouvoir en place dans leurs pays respectifs Ă  leurs Ă©poques. Ainsi, le volume commence par Ă©voquer le cas d’auteurs dont le rĂ©cit sur l’histoire vise Ă  cĂ©lĂ©brer un pouvoir, comme avec le cas de Tun Sri Lanang, rĂ©dacteur d’une histoire des Malais » visant Ă  exalter la lignĂ©e des sultans de Johore, cas Ă©tudiĂ© par Romain Bertrand. Ensuite, le volume prĂ©sente des historiens qui ont choisi d’adhĂ©rer aux pouvoirs en place c’est le cas de l’historien sierra-lĂ©onais Sibthorpe qui a souscrit aux valeurs du pouvoir britannique qui dominait son pays, cas Ă©tudiĂ© par Odile Goerg. Puis, le livre prĂ©sente les situations de savants s’attachant Ă  conseiller les pouvoirs en place, comme les rĂ©dacteurs de monographies d’histoire-gĂ©ographie locale dans la Chine et le Japon ancien, pour renseigner le pouvoir central sur les diffĂ©rentes parties de l’Empire, Ă©tudiĂ©s par Nathalie KouamĂ© et Vincent Goossaert. Enfin, l’ouvrage prĂ©sente le travail d’historiens qui s’attachent Ă  critiquer le pouvoir, comme dans le chapitre Ă©crit par Éric Meyer sur l’Indien Bankim Chandra Chatterjee l’un des premiers diplĂŽmĂ©s de l’UniversitĂ© de Calcutta au 19e siĂšcle, qui a popularisĂ© le vieux terme sanscrit itihasa, histoire, l’investissant d’un sens prophĂ©tique, et a créé le terme d’hindutwa, hindouitĂ© et son compatriote Romesh Chandra Dutt ; tous deux, sous la domination britannique, se sont distanciĂ©s de l’historiographie coloniale de l’Inde. Jacques Pouchepadass Ă©tudie le cas, plus rĂ©cent, de l’Indien Ranajit Guha qui, dans les annĂ©es 1970-1980, a rejetĂ© l’historiographie nationaliste dominante en Inde et a fondĂ© les subaltern studies ; ce courant se situe dans le sillage d’Antonio Gramsci, introducteur du terme subalterne » dans la pensĂ©e marxiste. 289Le volume se clĂŽt sur une Ă©tude intĂ©ressante de Catherine Coquery-Vidrovitch qui montre comment les historiens africains ayant contribuĂ© Ă  l’Histoire gĂ©nĂ©rale de l’Afrique de l’Unesco ont voulu s’affranchir du regard occidental sur leur continent. Ce projet entamĂ© en 1964 a vu son achĂšvement en 2014 avec la parution d’un neuviĂšme volume. Il prouve la vigueur de l’historiographie africaine dĂšs les annĂ©es ayant suivi les indĂ©pendances, aussi bien du cĂŽtĂ© anglophone avec les Ă©coles d’Ibadan et de Dar es Salaam que du cĂŽtĂ© francophone avec le SĂ©nĂ©galais Cheikh Anta Diop et le Burkinabe Joseph Ki-Zerbo. Les coordinateurs des volumes de l’Histoire gĂ©nĂ©rale de l’Afrique ont souvent privilĂ©giĂ© une optique engagĂ©e, comme le GhanĂ©en Adu Boahen qui a choisi comme ligne directrice du sixiĂšme volume la rĂ©sistance des peuples africains au pouvoir colonial. 290Au total, ce livre rigoureux et Ă©rudit, qui nous fait voyager de l’Asie Ă  Madagascar et d’IsraĂ«l Ă  l’AmĂ©rique latine en passant par l’Afrique subsaharienne, est trĂšs intĂ©ressant et sa dĂ©marche peut ĂȘtre saluĂ©e comme une contribution de valeur Ă  l’histoire mondiale. 291ChloĂ© Maurel Notes [1] Olivier Lalieu, La Zone grise ? La RĂ©sistance française Ă  Buchenwald, Paris, Tallandier, 2005. [2] Voir Christopher Clark, The Sleepwalkers How Europe Went to War in 1914, New York, Harper, 2013 ; trad. fr., id., Les Somnambules, trad. de l’angl. par Marie-Anne de BĂ©ru, Paris, Flammarion, 2013. [3] Jacques Julliard, Les Gauches françaises, 1762-2012 histoire, politique et imaginaire, Paris, Flammarion, 2012. [4] RĂ©mi Darfeuil, Le communisme rural en Haute-Vienne », mĂ©moire de maĂźtrise, UniversitĂ© Paris-X, 1999. [5] Laird Boswell, Rural Communism in France 1920-1939, Ithaca, Cornell University Press, 1998. [6] JĂ©rĂŽme Krop, Les fondateurs de l’école du peuple corps enseignants, institution scolaire et sociĂ©tĂ© urbaine 1870-1920 », thĂšse de doctorat en histoire, sous la direction de Jean-NoĂ«l Luc, UniversitĂ© Paris-IV, 2012. [7] JĂ©rĂŽme Kropp, La PremiĂšre GĂ©nĂ©ration des instituteurs rĂ©publicains dans la Seine 1870-1920, Paris, Éd. du CTHS, Ă  paraĂźtre. [8] Éric Mension-Rigau, Aristocrates et grands bourgeois Ă©ducation, traditions, valeurs, Paris, Hachette littĂ©ratures, Pluriel », 1996, Perrin, Tempus », 2007 ; id., L’Enfance au chĂąteau l’éducation familiale des Ă©lites françaises au xxe siĂšcle, Paris, Rivages, Histoire », 1990. [9] Jacques Julliard, Clemenceau, briseur de grĂšves, Paris, Julliard, 1965. [10] Alain Corbin, Le Miasme et la Jonquille l’odorat et l’imaginaire social, xviiie-xixe siĂšcle, Paris, Aubier-Montaigne, 1982. [11] Damiano Matasci, L’École rĂ©publicaine et l’étranger une histoire internationale des rĂ©formes scolaires en France, 1870-1914, Lyon, ENS Ă©ditions, 2015. [12] Luc Capdevila et FrĂ©dĂ©rique Langue dir., Entre mĂ©moire collective et histoire officielle l’histoire du temps prĂ©sent en AmĂ©rique latine, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009. [13] Anne-Claude Ambroise-Rendu, Anne-Emmanuelle Demartini, HĂ©lĂšne Eck et Nicole Edelman dir., Émotions contemporaines xixe-xxie siĂšcles, Paris, Armand Colin, 2014 ; Histoire des sensibilitĂ©s au 20e siĂšcle », numĂ©ro spĂ©cial dirigĂ© par Christophe Granger, VingtiĂšme SiĂšcle. Revue d’histoire, juillet-septembre 123, 2014. [14] Tierno MonĂ©membo, CinĂ©ma, Paris, Éd. du Seuil, 1997. [15] Florence Bernault, Enfermement, prison et chĂątiment en Afrique du 19e siĂšcle Ă  nos jours, Paris, Karthala, 1999. [16] Olivier Le Cour Grandmaison, De l’indigĂ©nat anatomie d’un monstre » juridique, Paris, La DĂ©couverte, 2010. [17] Jan Grabowski, Hunt for the Jews Betrayal and Murder in German-Occupied Poland, Bloomington, Indiana University Press, 2013. +3Spiritual MaudAudrey49000*Morgane*7 participantsAuteurMessage*Morgane*Mega FanNombre de messages 753Age 33Date d'inscription 14/01/2006 Audrey49000Pilier du ForumNombre de messages 1658Age 37Localisation AngersDate d'inscription 05/11/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 19 Mar - 125 Je ne peux pas te conseiller une fac ou une autre sur Paris si ça avait Ă©tĂ© entre celles de Rouen, Reims ou Angers j'aurais pu mais lĂ , dĂ©solĂ©e mais tu vas en avoir pour 100 Ă  200€ de frais d'inscription selon le type de fac privĂ©e ou publique avec compris dans le forfait visite mĂ©dicale, droits d'inscription et BU BibliothĂšque universitaire pour les novices. LĂ  dessus tu peux avoir des facilitĂ©s et mĂȘme une dispense de droits d'inscription si tu es boursiĂšre mais renseigne toi au plus vite au CROUS de la rĂ©gion parisienne car il me semble que les dates limites sont en mars je ne peux te conseiller que de devenir une Ă©lĂšve assidue aux cours mĂȘme si ça coule de source, et de ne pas te formaliser mĂȘme si c'est dur car la premiĂšre annĂ©e est souvent un moyen de dĂ©courager ceux qui ne sont pas motivĂ©s, "Ă©crĂ©mer les rangs" comme on dit. Petit conseil qui parait inutile mais qu'on nĂ©glige en gĂ©nĂ©ral au maximum limite tes achats en livres sinon tu te ruines en plus sur 'Paris' le choix de bibliothĂšque en tous genres doit ĂȘtre encore plus grand qu'en province. Dernier conseil du pavĂ© du soir essaye tout de mĂȘme dans la mesure du possible de te mĂ©nager des lectures "Ă  cĂŽtĂ©", des trucs qui n'ont pas forcĂ©ment de rapports avec ce que tu Ă©tudies. 1. tu Ă©largiras ton vocabulaire 2. ça te changera les idĂ©es et lire deviendra un Ă©chappatoire, non une obligation 3. le HASARD voudra que des fois tu pourras t'en servir dans ton parcours universitaire ça m'arrive souvent, et pas plus tard que jeudi dernier d'ailleurs!!!! et j'espĂšre que tu auras bientĂŽt ta rĂ©ponse sur ton hĂ©sitationAudrey Spiritual MaudMega FanNombre de messages 786Age 39Localisation chĂąlons en Champagne/ParisDate d'inscription 07/10/2006 sousouneMega FanNombre de messages 516Age 33Date d'inscription 08/01/2007Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 19 Mar - 1622 Alors moi je fais Lettres Modernes Ă  la Sorbonne Nouvelle qui est une excellente fac dans ce domaine lĂ , maintenant c'est vrai que la Sorbonne est pas mal mais moins rigoureuse en ce qui concerne le travail Ă©tĂ© prise aux 2 mais j'ai choisi la Sorbonne Nouvelle pour leur programme de lecture plus attractif, un systĂšme un peu plus moderne mais par contre un calendrier europĂ©en donc peu de ui aussi ! A la Sorbonne Nouvelle tu fais toi mĂȘme tout ton emploi du temps alors c'est pratique si tu pratiques une activitĂ© extra scolaire qui te prends du temps ou mĂȘme que tu veux bosser Ă  ce qui concerne Nanterre et bien j'ai envoyĂ© ma candidature pour l'annĂ©e prochaine, mais c'est vrai que la Sorbonne nouvelle et la Sorbonne sont peut-ĂȘtre un peu plus cĂŽtĂ© bien que la Sorbonne n'est plus ce qu'elle Ă©tait ! grĂšves, destruction du matĂ©riel ...Quoi qu'il en soit n'est pas peur tu seras acceptĂ©e parce qu'il prenne tout le monde voire n'importe qui ^^Pour le coĂ»t des Ă©tudes c'est Ă  peu prĂšs 325€ qui te seront remboursĂ©s si tu es boursiĂšre !Et une tite question pourquoi as-tu fais le choix de faire Lettres Modernes ?Tiens nous au courant MafieuseFan AccroNombre de messages 109Age 35Localisation [Dans un Paradis]Date d'inscription 02/12/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 19 Mar - 1709 Mais la Sorbonne ne veut pas dire grand chose !Il y a plusieurs bĂątiments qui s'appellent Sorbonne la vraie Sorbonne, celle de Saint Germain n'est accessible qu'en 3e annĂ©e ou avec des Ă©tudes spĂ©cifiques je crois.Fais donc attention ! Pour Sorbonne il y a PanthĂ©on Sorbonne Paris I >> Si c'est Tolbiac fuis ! , Sorbonne Nouvelle Paris III et Paris IV >> La 1e je connais des gens qui sont en LEA et LLCE qui m'ont dit que c'Ă©tait pas trop mal et pour la 2e j'ai une amie qui y est et qui ne s'en plains pas.Nanterre est une fac plutĂŽt syndiquĂ©e, elle est pas mal mais dĂšs qu'il se passe un truc, tu es sĂ»re que la fac est bloquĂ©e ! Mais niveau cours c'est pas mal Ă  ce qui paraĂźt ...CONCLUSION >> La Sorbonne ! Ah oui pour les inscriptions, ca varie vraiment selon tes Ă©tudes, ta fac et tout ! L'an dernier j'Ă©tais Ă  Paris I Tolbiac et j'ai payĂ© 160€ en faisant histoire. Cette annĂ©e, faisant une double licence histoire/gĂ©o, j'ai payĂ© 486€ ... Tu vois la diffĂ©rence !DerniĂšre Ă©dition par le Lun 19 Mar - 1716, Ă©ditĂ© 1 fois miss FloPilier du ForumNombre de messages 3993Age 36Localisation ParisDate d'inscription 25/01/2006Sujet !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 19 Mar - 1711 Je crois que Sorbonne c'est bien...faudrait mieux que tu prennes ça ! sousouneMega FanNombre de messages 516Age 33Date d'inscription 08/01/2007Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 19 Mar - 1732 Ah wĂ© Paris 1 c'est pas gĂ©nial mafieuse ? T'en a entendu parler ? MafieuseFan AccroNombre de messages 109Age 35Localisation [Dans un Paradis]Date d'inscription 02/12/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 19 Mar - 1926 sousoune a Ă©crit Ah wĂ© Paris 1 c'est pas gĂ©nial mafieuse ? T'en a entendu parler ? Enfin Paris I est divisĂ© en plusieurs batiments dans Paris. Je connais juste le batiment de Tolbiac pour y avoir passer un an de ma vie. C'est moche, faut pas ĂȘtre claustrophobe Ă  cause des ascenseurs Ă  prendre pour aller aux salles de cours ... Bon en Histoire et GĂ©ographie, les profs les + rĂ©putĂ©s y sont mais le niveau est exigeant et quand tu vois la tronche des Ă©tudiants, tu comprends pourquoi en 1e annĂ©e d'histoire, y a eu 80% d'Ă©chec dĂ©faillant + ajournĂ©s ...Si tu vas Ă  Tolbiac, je te prie d'accepter d'avance mes condolĂ©ances *Morgane*Mega FanNombre de messages 753Age 33Date d'inscription 14/01/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 19 Mar - 2329 merci beaucoup de votre aide!!! ^^ j'hesite toujours lol, surtout que je pense que ça va etre le cote financier qui va faire pencher la balance.... eh c quoi la difference entre la nouvelle et l' "ancienne" Sorbonne? lolsinon, j'ai fais le choix de faire Lettres Modernes,car je voudrais devenir prof de français!!! et oui y'a encore des fous qui croient en cette langue!!! sousouneMega FanNombre de messages 516Age 33Date d'inscription 08/01/2007Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Mar 20 Mar - 1250 Moi j'te trouve pas folle ! Je suis en Lettres Modernes alors c'est que j'y crois aussi La diffĂ©rence entre l'ancienne et la nouvelle sorbonne ... Ă  vrai dire je ne sais pas, la Sorbonne Nouvelle comme son nom l'indique est plus Sorbonne est un centre historique la Sorbonne Nouvelle entre les 2 mon choix est vite Ă©tant donnĂ© que ces 2 facs sont affiliĂ©es je pense que les prix sont les mĂȘmes. Mais je peux te dire ça ce week-end en retrouvant mes dossiers si tu veux. *Morgane*Mega FanNombre de messages 753Age 33Date d'inscription 14/01/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Mar 20 Mar - 2039 oh oui,je veux bien! merci *Morgane*Mega FanNombre de messages 753Age 33Date d'inscription 14/01/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Jeu 22 Mar - 146 je remonte le topic!!! *Morgane*Mega FanNombre de messages 753Age 33Date d'inscription 14/01/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Dim 25 Mar - 103 euh au fait,est-ce qu'il y a "latin grand debutant" Ă  la Sorbone? parce que sur Nanterre oui, et comme j'en n'ai jamais fais, et qu'il faut que j'en fasse.... lol *Morgane*Mega FanNombre de messages 753Age 33Date d'inscription 14/01/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 26 Mar - 016 personne ne peut m'aider? LaurA*Mega FanNombre de messages 687Age 34Localisation Lognes 77Date d'inscription 07/10/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 26 Mar - 1254 bah en fait normalement en fac, les cours de latins sont repris Ă  ZĂ©ro quand ce n'est pas la matiĂšre principale, enfin moi en LLCE espagnol c'Ă©tait comme ça.. AprĂšs en Lettres modernes je ne sais pas *Morgane*Mega FanNombre de messages 753Age 33Date d'inscription 14/01/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Lun 26 Mar - 2219 ah ok!!! lolmerci beaucoup!!! ^^ ps j'adore ta tite ban toute mimie!!! ^^ VIVE TIGROU ET PLUTO!!! lol *Morgane*Mega FanNombre de messages 753Age 33Date d'inscription 14/01/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Mer 28 Mar - 1302 ça y est je me suis inscrite sur Ravel, et j'ai finalement mis en choix A Nanterre, et en choix B la SorbonneC'est plus facile niveau transport pour moi!!! ^^merci beaucoup de votre aide!!! LaurA*Mega FanNombre de messages 687Age 34Localisation Lognes 77Date d'inscription 07/10/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Mer 28 Mar - 1338 *Morgane* a Ă©crit ah ok!!! lolmerci beaucoup!!! ^^ ps j'adore ta tite ban toute mimie!!! ^^ VIVE TIGROU ET PLUTO!!! lol Merciii p *Morgane*Mega FanNombre de messages 753Age 33Date d'inscription 14/01/2006Sujet Re !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Mer 28 Mar - 2358 LaurA* a Ă©crit *Morgane* a Ă©crit ah ok!!! lolmerci beaucoup!!! ^^ ps j'adore ta tite ban toute mimie!!! ^^ VIVE TIGROU ET PLUTO!!! lol Merciii p de rien, elle est trop choupinette!!! ^^ Contenu sponsorisĂ© !!! La Sorbonne ou Nanterre? !!! Les diffĂ©rentes mentions au bac 2022 combien de points faut-il ? PubliĂ© le 05 juin 2020 Mis Ă  jour le 13 juin 2022 Marie-Lou Assez bien, bien ou trĂšs bien 
 et si tu visais une mention au bac ? C’est en tout cas l’objectif partagĂ© par de nombreux candidats au baccalaurĂ©at. Quelle note minimum faut-il obtenir pour dĂ©crocher une mention au bac ? Et Ă  quoi servent-elles ? Suis le guide et retrouve notre simulateur de note du bac pour te faire une idĂ©e ! Les mentions au bac quelle note faut-il obtenir ? Comment obtenir une mention au baccalaurĂ©at ? Tu reçois une mention au bac exclusivement selon ton rĂ©sultat, et donc le nombre de points obtenus 
 et seulement Ă  partir d’une moyenne de 12/20. Il faut donc assurer dans quasiment toutes les matiĂšres, surtout celles Ă  gros coefficients
 Et donc rĂ©viser en avance. Tu peux gagner des points en plus grĂące aux options facultatives. Afin de dĂ©terminer ton niveau, tes matiĂšres fortes et tes lacunes, pense Ă  calculer tes points du bac en avance ! Le barĂšme des mentions au bac est le suivant Pas de mention entre 10 et 12/20Assez bien entre 12 et 14/20Bien entre 14 et 16/20Mention trĂšs bien 16/20 et plus Les fĂ©licitations du jury sont attribuĂ©es par le prĂ©sident du jury, lorsqu’un candidat est excellent rĂ©sultats supĂ©rieurs Ă  18/20, dossier scolaire irrĂ©prochable, moyennes gĂ©nĂ©rales trĂšs hautes
 Les mentions au bac assez bien, bien, trĂšs bien Les mentions au bac ont Ă©tĂ© mises en place dĂšs 1830. Il s’agit d’une apprĂ©ciation qui correspond Ă  la note gĂ©nĂ©rale du baccalaurĂ©at. Elle octroient quelques avantages, Ă  commencer par la valorisation de ton dossier scolaire ; ce qui est un atout pour accĂ©der Ă  des formations sĂ©lectives. Selon tes notes et le type de mention au bac, tu peux aussi bĂ©nĂ©ficier d’aides financiĂšres ou d’une bourse au mĂ©rite pour ta poursuite d’études. Mention assez bien Pour obtenir une mention assez bien au bac, tu dois obtenir suffisamment de points pour avoir entre 12/20 et 14/20 de moyenne gĂ©nĂ©rale. Ce premier niveau de mention au bac ne garantit pas d’avantages considĂ©rables bourse ou accĂšs Ă  une formation mais elle rĂ©compense ton travail. Donc BRAVO ! Mention bien La mention bien est dĂ©cernĂ©e aux Ă©lĂšves qui obtiennent entre 14 et 16/20 de moyenne gĂ©nĂ©rale au baccalaurĂ©at. Pour les candidats au baccalaurĂ©at professionnel, l’attribution d’une mention bien leur ouvre directement les portes des formations en BTS. Mention trĂšs bien TrĂšs bien, c’est la meilleure des mention au baccalaurĂ©at. Pour obtenir cette mention au bac, le nombre de points minimum est une moyenne supĂ©rieure Ă  16/20. ‱ superBac Premium ‱ Abonnez-vous pour accĂ©der Ă  100 % des QCM expliquĂ©s et fiches de rĂ©visions. Nos contenus sont conformes au programme officiel et sont rĂ©digĂ©s par des professeurs certifiĂ©s ou agrĂ©gĂ©s. GrĂące Ă  la mention trĂšs bien, les bacheliers peuvent espĂ©rer intĂ©grer des Ă©coles prestigieuses ou des classes prĂ©paratoires plus facilement ». De plus, avec une mention trĂšs bien, les futurs Ă©tudiants boursiers peuvent bĂ©nĂ©ficier d’une bourse au mĂ©rite aussi appelĂ©e aide au mĂ©rite pendant trois ans. Tu sais maintenant tout sur les mentions au bac ! De notre cĂŽtĂ©, on croise les doigts pour que tu dĂ©croches celle que tu vises ! Bon courage ! Sur le mĂȘme sujet 31/08/2021 Ă  0827 Coefficients bac 2021 par Ă©preuve E3C, Ă©preuves anticipĂ©es, spĂ©cialitĂ©s, bulletins rĂ©forme du lycĂ©e La rĂ©forme du bac a bouleversĂ© la façon de noter l'examen. Tu trouveras ici la liste des coefficients de chaque Ă©preuve du bac 2021. On parle d'E3C, de spĂ©cialitĂ©s, d'Ă©preuves finales et anticipĂ©es. Nous t'expliquons aussi le plus simplement possible et en dĂ©tails comment est notĂ© le bac depuis cette fameuse rĂ©forme du lycĂ©e. 06/04/2021 Ă  1616 E3C calendrier et modalitĂ©s des Ă©preuves au bac 2021 Le nouveau baccalaurĂ©at accorde une place plus importante au contrĂŽle continu. Trois sessions d’épreuves communes sont organisĂ©es en premiĂšre et en terminale. Quelles sont les dates des E3C ? Quelles sont les modalitĂ©s de chacune des matiĂšres ? digiSchool t'en dit plus sur les E3C, rĂ©cemment renommĂ©es "Ă©valuations communes". 31/05/2021 Ă  1656 Bourse au mĂ©rite du bac qui peut l’obtenir et comment ? Une bourse au mĂ©rite, appelĂ©e aide au mĂ©rite, est attribuĂ©e aux bacheliers qui ont dĂ©crochĂ© leur baccalaurĂ©at avec mention "trĂšs bien". Sous quelles conditions peux-tu y avoir droit ? Quelles sont les dĂ©marches pour la demander ? Quel est le montant de l'aide au mĂ©rite pour les futurs Ă©tudiants ? Toutes les rĂ©ponses dans cet article.

combien de moyenne pour rentrer a la sorbonne